Alors que le projet de loi « confortant le respect des principes de la République » est débattu en ce moment par les députés, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) alerte sur ses atteintes aux libertés fondamentales et recommande l’abandon de plusieurs mesures phares.
C’est un avis au vitriol que la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) vient de rendre à propos du texte de loi communément appelée «séparatisme» débattu en ce moment à l’Assemblée nationale. Cet avis, adopté le 28 janvier, est rendu public ce jeudi 4 février. Politis a pu y jeter un coup d’œil en avant-première.
Dangereux et inutile
Si la commission regrette de ne pas avoir été consultée avant le dépôt du texte, elle pointe globalement un projet de loi qui «prend le risque de fragiliser les principes républicains au lieu de les conforter».
La commission dénonce en effet l’aspect uniquement répressif du projet gouvernemental, laissant de côté les promesses du président de la République, «qui avait déclaré “commencer à égrener des pistes pour l’égalité des chances, lutter contre les discriminations, faire en sorte que chacun, quelle que soit sa couleur de peau, son origine, sa religion, puisse trouver sa place”».
La CNCDH est une autorité administrative indépendante, créée en 1947, qui conseille le gouvernement et le Parlement dans le domaine des droits humains et du respect des libertés publiques. Présidée depuis un an par l’avocat Jean-Marie Burguburu, elle est composée de 64 membres dont des représentants des principales ONG, des religions, des universitaires, des magistrats, des avocats ou encore des syndicalistes. Siègent aussi un représentant du Conseil économique, social et environnemental, le Défenseur des droits ainsi qu’un député et un sénateur.
Selon elle, les libertés fondamentales d’association, d’expression, d’enseignement et de culte sont particulièrement visées par des contraintes et obligations qui risquent d’aboutir à la déstabilisation du tissu associatif, «sans pour autant atteindre les objectifs proclamés par le président de la République et par le gouvernement». En somme, un projet dangereux et inutile.
Retrait de mesures phares
La CNCDH fait donc plusieurs propositions, dont le retrait pur et simple du «contrat d’engagement républicain» exigé du monde associatif en échange de subventions publiques. Une obligation «aux contours imprécis et qui atteint le climat de confiance», juge la commission, car imposée de manière unilatérale par l’État, alors qu’une «“charte des engagements réciproques”, fruit d’une concertation entre l’État, les représentants des collectivités territoriales et le mouvement associatif, a été signée en février 2014».
Par ailleurs la CNCDH juge «excessif» le «renversement de la charge de la preuve» que constitue «l’imputation aux associations des activités répréhensibles de leurs membres». Là encore, elle demande son retrait.
En matière de liberté d’expression et notamment de haine en ligne, la commission rappelle qu’un projet de réglementation est en cours au niveau européen et recommande de «différer la modification des législations nationales».
Concernant la liberté d’enseignement, la commission recommande de ne pas changer le dispositif d’encadrement des écoles hors contrat qui vient juste d’être appliqué : la loi Gatel date de 2018.
La liberté de culte est aussi particulièrement visée par le texte de loi. Celui-ci crée, pour les associations cultuelles, l’obligation d’une nouvelle déclaration préalable en préfecture, à renouveler tous les cinq ans. La commission demande le retrait de ce «dispositif inutile», qui procède d’une «méfiance injustifiée». Elle demande par ailleurs que les mesures prises par la loi ne changent pas le régime concordataire d’Alsace-Moselle ni les régimes applicables dans les outre-mer.
«Regrettant le nombre de dispositions à caractère répressif contenues dans le projet de loi, la CNCDH rappelle que le respect des principes républicains ne peut être obtenu principalement par la contrainte», conclut-elle.