18 janvier | Ivar Ekeland
Un peu dur, non, ce début d’année ? On avait terminé 2019 sur l’adoption de la résolution Maillard, et la défaite de Corbyn, on recommence 2020 avec l’assassinat du numéro deux de la république iranienne, les incendies qui dévastent l’Australie et la réforme des retraites en France, le tout sur fond de manifestations en Algérie, au Soudan et à Hong Kong. Pour nous qui vivons cette époque, ou plutôt ce moment, tant le flot d’informations s’accélère, c’est une impression de chaos qui se dégage. Il y a bien des pilotes dans l’avion, Trump, Bolsonaro, le prince saoudien, le premier ministre australien, mais quand on les voit à l’oeuvre on préférerait qu’ils sautent en parachute et qu’ils nous laissent tranquilles.
Ceux qui plus tard feront l’histoire de cette période, qui, on ne le dira jamais assez, est cruciale pour l’avenir de la planète, chercheront des éléments structurants. J’en vois déjà un : c’est le conflit entre l’égoïsme et la solidarité, entre quelques minorités accrochées à leur privilèges et l’immense majorité cherchant à vivre dignement, entre le slogan « America First » et le principe toujours révolutionnaire « Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux ». Ce conflit se décline à toutes les échelles, dans la société française où les femmes et les minorités cherchent à accéder aux leviers du pouvoir, à l’échelle planétaire où les pays qui en ont les moyens refusent de changer leurs habitudes pour lutter contre le dérèglement climatique, et bien sûr en Palestine où l’occupation israélienne continue ses ravages dans le mépris des droits des populations.
Dans cette période de transition les catégories anciennes se révèlent inadaptées. On peut dorénavant soutenir la politique israélienne et être antisémite, comme nombre de chrétiens fondamentalistes aux Etats-Unis, combattre cette même politique et être juif, comme tant de militants de part le monde. Un état théocratique et corrompu comme l’Arabie Saoudite est l’alliée de fait des grandes démocraties occidentales qui lui vendent des armes et « le savoir-faire qui est reconnu dans le monde entier de nos forces de sécurité », suivant l’expression fameuse de Michèle Alliot-Marie en 2011, lorsqu’elle était ministre des affaires étrangères et volait au secours de la dictature de Ben Ali. L’opposition entre l’égoïsme des nantis et la solidarité des dépossédés permet de mieux comprendre les choses. Le combat pour la Palestine s’inscrit désormais dans un combat plus vaste. On se plaint qu’il soit passé au second plan, les nouvelles générations par exemple se mobilisant pour d’autres causes, comme le climat ou la biodiversité : en réalité c’est bien le même combat. La manière dont on traite les Palestiniens aujourd’hui est la manière dont on traitera les dépossédés de cette planète demain. Faut-il rappeler ici ce qui se passe à Gaza ? Lutter pour imposer les valeurs de la solidarité et de la justice c’est lutter pour les générations futures.