Résolution Maillard : ne vous laissez pas piéger !

Lettre de Jean-Guy Greilsamer aux député-e-s

Mesdames et Messieurs les député-e-s,

Je m’appelle Jean-Guy Greilsamer et j’habite à Paris.

Je vous écris à la fois en tant que simple citoyen et en tant que Juif soucieux du respect des droits humains et de la liberté d’expression. Je suis d’ailleurs membre de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP).

Je vous écris à propos d’un projet de résolution qui va vous être soumis probablement très prochainement et qui malgré certaines apparences serait très inquiétant s’il était adopté.

Il s’agit de la « Proposition de résolution visant à lutter contre l’antisémitisme », dont une première présentation le 29 mai par le député Sylvain Maillard avait été reportée. Il est d’ailleurs très révélateur et choquant que la veille, le 28 mai, Sylvain Maillard et ses collègues Meyer Habib et Claude Gloasguen avaient organisé une conférence dans un grand hôtel parisien avec Yossi Dagan, président des colons de « Samarie », nom donné en Israël au nord de la Cisjordanie.

L’exposé des motifs de la proposition commence par pointer une réalité incontestable : la résurgence de l’antisémitisme.

Puis il prétend, en s’appuyant sur des statistiques basées sur une courte période et sur des analyses contestées ci-après, que la montée de l’antisémitisme est si spectaculaire qu’elle nécessite une disposition pour la réprimer.

Ce point de vue est totalement infondé pour plusieurs raisons :

– Des mesures de répression de l’antisémitisme existent déjà sans qu’il soit besoin d’en inventer de nouvelles et elles ont été utilisées, par exemple contre Alain Soral.

– Privilégier la lutte contre l’antisémitisme s’inscrit dans une logique de concurrence des victimes et ne peut que nuire à tous les antiracismes. Allez-vous par exemple prétendre, au regard en particulier de l’actualité récente, que l’islamophobie serait moins importante que l’antisémitisme ?

– Une mesure spécifique contre l’antisémitisme nécessiterait une mesure spécifique contre chaque racisme, et pour cette raison la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), qui est un organisme officiel, s’oppose à une telle démarche, précisant qu’« une telle singularisation de l’antisémitisme vis-à-vis des autres formes de racisme pourrait ouvrir la boîte de Pandore, encourageant d’autres groupes victimes de racisme à revendiquer à leur tour pareille reconnaissance » ; et qu’« elle risquerait de fragiliser l’approche universelle et indivisible du combat antiraciste qui doit prévaloir ».

Les analyses sur lesquelles s’appuie le projet de résolution sont l’équation « antisionisme = forme réinventée de l’antisémitisme » et une définition de l’antisémitisme qui, malgré certaines contorsions dans sa formulation, relève manifestement d’une volonté d’appeler à la répression des gens qui critiquent résolument la politique israélienne.

C’est pourquoi j’attire votre attention contre cette falsification de la réalité, cette atteinte à la liberté d’expression et cette insulte à l’égard des Juifs respectueux du droit international et des droits humains.

L’antisionisme n’est pas un délit mais une idéologie, d’ailleurs née parmi les Juifs. Je ne conteste pas que des antisémites s’abritent derrière l’antisionisme, mais la grande majorité du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien combat tout racisme, et vous savez que toutes les bonnes causes font l’objet d’une tentative de récupération par des gens infréquentables. J’ajoute par ailleurs que de nombreux antisémites sont en réalité favorables à l’Etat d’Israël.

Cet État poursuit sans relâche une politique coloniale, répressive et illégale contre le peuple palestinien (poursuite de la colonisation, blocus de Gaza, négation du droit au retour des réfugiés) et a lui-même officialisé sa politique d’apartheid en promulguant le 19 juillet 2018 une « Loi État-nation du peuple juif » excluant ouvertement le peuple autochtone palestinien. Cette politique d’apartheid légitime pleinement la liberté d’expression du mouvement non violent et antiraciste « Boycott, Désinvestissement, Sanctions » (BDS), qu’essaie de faire interdire le projet de résolution Maillard

Je fais partie des nombreux Juifs qui dans le monde entier ont rallié le mouvement BDS. Soyez conscient-e que si votez le projet Maillard vous laisserez identifier l’écrasante majorité des Juifs à des supporteurs d’un régime d’apartheid, et vous contribueriez ainsi à attiser l’antisémitisme et les autres racismes.

S’il vous plait, ne vous laissez pas piéger !