Réponse de Sarah Katz et Pierre Stambul à la polémique sur Biocybèle

bio1 Réponse de Sarah Katz et Pierre Stambul à la polémique sur Biocybèle

Alors que leur conférence à la foire Biocybèle, prévue ce dimanche 8 juin, intitulée « Cultiver sous les bombes à Gaza », suscite la controverse, Pierre Stambul et Sarah Katz, membres de l’Union Juive Française pour la Paix, répondent aux accusations.

L’organisation Actions Avocats estime que vos propos durant la conférence pourraient légitimer la haine, la violence ou l’antisémitisme. Que souhaitez-vous leur répondre ?

De la part de personnes d’extrême droite — soutenues par l’ensemble des mouvances d’extrême droite à travers le monde, y compris les antisémites — ces accusations sont une indignité totale. Je suis fils de déportés. Ma mère, Dvoira Vainberg, a été la seule survivante d’une famille entièrement exterminée. Mon père, Yacov Stambul, a été le seul rescapé des 67 membres du groupe Manouchian arrêtés en novembre 1943. Déporté à Buchenwald, il avait été arrêté par la police française. Actions Avocats ne défend pas les Juifs : ils les mettent en danger, en cherchant à les associer à un génocide.

Vous êtes tous deux juifs et militants antisionistes, Comment définiriez-vous l’antisionisme ?

Nous nous inscrivons dans une tradition où, longtemps, la majorité des Juifs a pensé que leur émancipation, en tant que minorité opprimée, passait par l’émancipation de l’humanité tout entière. L’idée de regrouper les Juifs dans un seul pays n’a rien à voir avec le judaïsme : c’est une idéologie coloniale, suprémaciste. Et aujourd’hui, cela se confirme — mais nous, Juifs antisionistes, le disons depuis longtemps — : cette idéologie mène au fascisme, elle mène au génocide.

Les Juifs israéliens resteront. Mais les institutions qui ont détruit le peuple palestinien, qui l’ont expulsé de sa terre, doivent disparaître. Quelle que soit la solution politique envisagée là-bas, elle ne pourra advenir que dans une perspective de vivre ensemble et d’égalité des droits.

Votre conférence s’intitule Cultiver sous les bombes à Gaza ; sur quoi porte-t-elle exactement ?

Nous sommes heureux de pouvoir parler de ce qui relie le travail d’un petit agriculteur français, d’un maraîcher de Gaza ou d’un paysan indien. Partout, des gens vivent en lien avec la nature et nourrissent les populations. Mais ils subissent une double pression : celle, universelle, d’être petits agriculteurs, et celle, locale, d’être à l’endroit où ils sont — comme à Gaza, sous occupation. Ce que nous voulons interroger, c’est : comment libérer la production agricole — et au-delà — de l’emprise du grand capital, et reconstruire une humanité réconciliée avec la nature et solidaire ?

L’engagement de l’UJFP dans la bande de Gaza a débuté, en fait, en 2016. Un Mokhtar nous explique que pour irriguer les cultures, il faut pomper une eau salinisée à 150 mètres de profondeur. Mais sans électricité — absente 18 à 20 heures par jour —, c’est impossible. Sa demande de dérogation pour sauver une récolte de melons est refusée. « Nous allons tout perdre, dit-il. Faites quelque chose. » C’est ainsi qu’a débuté notre action : nous avons commencé à relayer leurs besoins et à organiser des collectes de solidarité. Grâce aux fonds collectés, les paysans de Gaza ont réalisé des projets concrets : un château d’eau dès 2016, des canalisations, une maison agricole, puis une pépinière solidaire regroupant un millier de fermes dans le sud-est de la bande de Gaza. Nous abordons ici des problèmes très concrets, liés à l’occupation et à la guerre. Ce que nous voulons mettre en lumière, ce ne sont pas des débats sur le Hamas, mais la réalité de 2,3 millions de personnes dont les droits, la dignité et l’existence même sont niés.

Pour conclure, en fin de compte, que répondez-vous à ceux qui demandent l’annulation de votre intervention au nom de la neutralité politique à Biocybèle ?

Nous savons très bien à qui nous avons affaire : ils ne trompent personne. Ceux qui se réclament aujourd’hui de la neutralité appartiennent en réalité à un courant politique bien identifié — le racisme, le fascisme, l’extrême droite. Ces gens-là soutiennent un génocide, tout en prétendant, au nom d’une soi-disant neutralité, qu’il serait interdit d’en parler. Cela appartient à une autre époque. La nôtre est celle de la résistance.

Propos recueillis par Emmanuelle Bryant