Réponse à la décision de la Cour pénale internationale concernant le mandat d’arrêt et son impact dans un contexte de souffrance à Gaza

Témoignage d'Abu Amir le 11 mai

En tant que citoyen vivant dans la bande de Gaza, au cœur de conditions indescriptibles, la publication d’un mandat d’arrêt par la Cour pénale internationale suscite en moi des sentiments mêlés et des positions contrastées. D’un côté, cette décision peut représenter une lueur d’espoir pour la justice et la responsabilité. D’un autre côté, elle soulève des questions sur sa mise en œuvre concrète et son impact réel sur notre vie quotidienne, qui devient de plus en plus insoutenable jour après jour.

Du point de vue de la justice : une avancée vers la responsabilité internationale

L’émission d’un mandat d’arrêt par la Cour pénale internationale peut être considérée comme une étape positive vers la réalisation de la justice, en particulier si elle vise les responsables des crimes qui ont directement affecté la vie des habitants de Gaza. Pour un peuple qui souffre de la guerre, du blocus oppressant et de la pauvreté extrême, l’idée que ceux qui ont causé tant de souffrances puissent un jour être tenus pour responsables me donne un sentiment que le monde ne nous a pas totalement oubliés.
Même si la justice internationale peut sembler hors de portée dans la réalité tragique que nous vivons, cette décision envoie un message : il existe une volonté de s’intéresser à notre sort et aux souffrances des milliers de familles partageant nos conditions. Le simple fait qu’un organisme juridique international examine les crimes commis contre nous peut insuffler une mince lueur d’espoir dans un monde où nous avons presque perdu foi en la justice.

Du point de vue de l’impact pratique : des interrogations sur le quotidien

Malgré l’importance de ces décisions sur les plans juridique et moral, de nombreuses questions se posent quant à leur impact concret et immédiat sur notre vie quotidienne.
Ce mandat d’arrêt conduira-t-il à des actions concrètes pour améliorer la situation humanitaire à Gaza ? La pression internationale qui en découlera sera-t-elle transformée en efforts réels pour ouvrir les points de passage, alléger le blocus et garantir l’arrivée des aides humanitaires ? Ou bien restera-t-il un geste symbolique, limité à un document juridique sans application réelle ?
Je vis dans un territoire confronté à des crises quotidiennes croissantes :
• Le blocus permanent empêche l’entrée des produits de première nécessité.
• La fermeture des points de passage rend les déplacements et les traitements médicaux hors de Gaza quasi impossibles.
• La pénurie de nourriture et de médicaments menace notre survie.
• Les infrastructures détruites rendent la vie presque invivable.
Dans ce contexte, il est difficile d’imaginer qu’un mandat d’arrêt, aussi important soit-il sur le plan légal, puisse avoir un effet direct et immédiat sur les conditions que nous endurons.

Espoir et frustration : un mélange de sentiments contradictoires

Le sentiment dominant en moi est un mélange contradictoire d’espoir et de frustration :
• Espoir : parce que cette démarche représente une reconnaissance internationale de nos souffrances et montre qu’il y a des efforts pour tenir les responsables des crimes contre l’humanité redevables.
• Frustration : car je sais que l’obtention de résultats concrets peut prendre des années, et pendant ce temps, ma vie et celle de plus de deux millions de personnes ici restent prisonnières d’une réalité cruelle qui ne change pas.
Les guerres continuent, les bombardements se renouvellent fréquemment, et les conditions humanitaires se détériorent jour après jour. Cependant, il semble parfois que le monde parle de justice tout en oubliant les besoins urgents des gens qui souffrent ici, maintenant.

Les priorités des habitants de Gaza : justice et humanité main dans la main

Malgré l’importance de la justice internationale et de la responsabilité des criminels, je pense que la priorité actuelle doit être d’atténuer les souffrances humanitaires quotidiennes des habitants de Gaza. Nous avons besoin :

  1. D’une aide humanitaire urgente : pour fournir nourriture, médicaments et abris aux milliers de personnes vivant dans des conditions désastreuses.
  2. De l’ouverture des points de passage : afin que les malades puissent recevoir des soins.
  3. De la levée du blocus : qui étrangle la bande depuis des années et rend la vie ici presque impossible.
  4. De la protection des civils : grâce à des efforts internationaux pour arrêter les attaques et protéger les droits humains fondamentaux.

Un message personnel : appel à la communauté internationale

En tant qu’habitant de Gaza, je lance un appel à la communauté internationale : la justice internationale est essentielle et irremplaçable, mais elle doit faire partie d’un effort plus large pour mettre fin aux souffrances humaines quotidiennes.
Les habitants de Gaza ne pourront ressentir de véritables améliorations tant que leur vie restera marquée par la pauvreté, la peur et le désespoir. Nous avons besoin d’actions concrètes, pas seulement de décisions symboliques.
En fin de compte, je rêve du jour où je verrai des changements réels dans ma vie quotidienne : le jour où je pourrai vivre avec dignité et sécurité, et où la justice ne se réalisera pas seulement dans les tribunaux, mais aussi dans les faits.

(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi« , et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)

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