Noël Mamère et « La Parole de la République » sont heureux de vous inviter aux Rencontres sur : « LA REPUBLIQUE ET SES ETRANGERS : CE DONT ON PARLE SANS CESSE, CE DONT ON NE PARLE JAMAIS, COMMENT SORTIR DE LA SPIRALE EXTREMISTE ? »
LE 30 MAI 2016, de 8h30 à 18h00
Assemblée nationale
Salle Victor Hugo – Immeuble Jacques Chaban-Delmas – 101 rue de l’Université 75007 Paris
Inscriptions avant le 25 mai à l’adresse suivante : nmamere@assemblee-nationale.fr
Merci d’indiquer votre nom, votre prénom, ainsi que vos date et lieu de naissance
L’entrée au bâtiment se fait sur présentation d’une pièce d’identité
1ères Rencontres 2016
La République et ses étrangers :
Ce dont on parle sans cesse, ce dont on ne parle jamais
Comment sortir de la spirale extrémiste ?
Projet de programme
Avec la persistance du chômage et ses ravages sur plusieurs générations, avec les crises économique, financière, sociale et écologique qui durent depuis des décennies sans qu’on n’en voie le bout, la France est confrontée à la résurgence de discours et mouvements identitaires qui, au cours de son histoire, l’ont plusieurs fois précipitée dans l’abîme. Au-delà de l’hexagone, c’est toute l’Europe qui subit cette involution néfaste pour la démocratie.
Chacun peut le constater : l’attention médiatique et politique est en permanence focalisée sur des figures de l’étranger – tour à tour, depuis la fin des Trente glorieuses : les immigrés, les maghrébins, les musulmans, les Roms,… Plus récemment les djihadistes (bien que Français pour la plupart), ou les réfugiés des guerres de Syrie, d’Irak ou d’Afghanistan, exacerbent cette focalisation. Il semble qu’aucun autre discours ne soit assez puissant pour s’imposer face à la passion identitaire.
L’attention publique est tellement captée et captive que rien ou presque ne « passe » qui dise les inégalités économiques et sociales, la nécessité de leur réduction [note]Le nombre de pauvres (à 60% du revenu médian) s’est accru de 800 000 personnes entre 2008 et 2012; la pauvreté touchait 8,6 millions d’habitants en 2014, soit 14,2% de la population française contre 13 % en 2008. 3,8 millions de personnes sont mal logées et 12 millions de personnes sont touchées par la crise du logement en France. Trois Français sur quatre jugent leur pays inégalitaire et même très inégalitaire pour plus d’un quart d’entre eux (28%) – TNS Sofres pour la fédération des PEP, réalisé du 1er au 11 octobre 2015 auprès de 2 612 personnes. Ces chiffres sont cités dans « L’état du mal-logement en France » 21e rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés. Leur ampleur, leur valeur de réalité, ce qu’ils disent sur la rupture de la cohésion sociale française (à quoi il faudrait ajouter la situation menacée d’une grande partie des classes moyennes), ne trouve qu’un écho très affaibli dans le débat public, saturé qu’il est par la passion identitaire.]], tâche pourtant hautement républicaine. Le clivage entre « eux et nous » (réduit aux Français face aux « autres », en premier lieu les musulmans) réduit quasiment au silence la conflictualité sociale, les différences de richesse, de pouvoir, de catégories, de classes, … Cette instrumentalisation identitaire se trouve évidemment facilitée et accélérée par les mouvements d’un monde instable marqué par des conflits et guerres au Proche et Moyen-Orient, des changements climatiques, les mouvements de réfugiés et migrants qui les fuient.
Cette rencontre a pour objectif de confronter élus, acteurs du débat public, chercheurs, acteurs de la société civile, des médias, … autour de trois questions :
- Pourquoi la parole de la République se fait-elle si défaillante au sujet de l’immigration (même et surtout quand il s’agit de Français de la deuxième ou troisième génération), rendant presque tabou de parler d’égalité et de fraternité à l’heure de l’exclusion, de la stigmatisation et d’un racisme croissants ?
- Comment situer la pulsion identitaire qui marque notre époque, sans tomber dans le piège d’une fascination qui frappe une grande part du monde politique et médiatique? Quels manques et quelles absences dans l’action de la République cette fascination révèle-t-elle ?
- Comment résorber cette pulsion, redonner force à la parole comme à l’action de la République ? Quelle est la place de l’immigration dans une République digne de sa devise ? Quels combats mener au nom de la République dans les cinq-dix ans à venir, sur quels terrains, avec quelle stratégie ?
On partira pour cela des discours tenus sur les immigrations – car elles sont diverses (et les unifier par facilité de langage, n’est-ce pas déjà ouvrir la voie à l’obsession identitaire, déjà saper le cadre républicain ?).
Alors que la Constitution, loin d’être confortée comme l’incarnation la plus élevée du pacte démocratique républicain, est instrumentalisée de manière dangereuse, il importe de faire entendre la voix de la République sur la question de la place des étrangers en son sein.
9h00-12h30
Ouverture : Noël Mamère, Député
Présentation : Alex Blok, animateur de La Parole de la République
I – L’immigration dont on ne cesse de parler : passion identitaire, racisme, déni social. La peur est-elle républicaine ?
Thèmes clés :
- Histoire et passé, mémoire et oubli, peurs et angoisses au présent
- Peur et sécurité, jouissance du malaise, utilité des musulmans
- Banlieues, maghrébins, réfugiés, Roms, « djihadistes/terroristes maison », …
- L’immigration en France et en Europe, différences France-Allemagne
- Voisinages : Méditerranée, Proche-et Moyen orient, géopolitique, l’Europe divisée
- Ennemis ou citoyens, frontières et confiance, République et souveraineté.
9h-10h30 : Histoire, géographie, démographie, quelques leçons
L’immigration menacerait l’identité française, elle fait peur, elle est sans cesse assimilée à l’insécurité, est présentée toujours plus négativement, spécialement quant il s’agit de musulmans ou d’africains. Peu nombreux sont ceux qui s’opposent à ces stéréotypes. Il n’est que de voir s’étendre la prudence extrême, voire la complicité, de beaucoup trop d’hommes et de femmes politiques, de personnages publics face au discours de l’extrême-droite. Le tabou du racisme est levé. Ceci explique notamment que les attitudes de la France et de l’Allemagne face aux réfugiés de Syrie et d’Irak soient diamétralement opposées (même si la rhétorique officielle ou les médias français tendent à le masquer). Trop souvent en France les médias parlent de l’afflux de plus d’un million de réfugiés mais ils « oublient » de mentionner que l’Allemagne à elle seule en accueille la quasi-totalité, avec environ un demi-million de demandes d’asile accordées, alors que « l’effort » de la France se limitera à un maximum de 80.000 [note]79.915 demandes d’asile ont été reçues en France en 2015, c’est à dire 23% de plus qu’en 2014. Au total l’OFPRA et la Cour national du droit d’asile (CNDA) ont accordé un statut de protection (réfugié et protection subsidiaire) à 19447 personnes, soit 33% de plus qu’en 2014. (source : « Pourquoi les migrants », Le Un-Philippe Rey, 2016). Sur deux ans 30.000 personnes seraient « relocalisées » en France dans le cadre des procédures européennes de « relocalisation » mises en place au niveau européen depuis fin 2015. A comparer à près d’un demi-million de personnes ayant obtenu une protection en Allemagne. Ou encore en les rapportant à la population, à la Suède.]].
Dans ces conditions, la France de 2016 est-elle fidèle aux valeurs de la République ? Il s’agira de rappeler la place des étrangers dans le moment fondateur de la Révolution française. Puis d’examiner le poids du passé colonial et de son insuffisante élaboration dans la relégation des banlieues et le développement du racisme anti-musulman. Comment alors retrouver le sens de la République ? Quel rôle pour la France face à la crise des réfugiés, en solidarité avec l’Allemagne ? Quelle politique méditerranéenne ?
Intervenants :
– Sophie Wahnich, historienne de la Révolution, directrice de recherche au CNRS, auteure de « L’impossible citoyen – L’étranger dans le discours de la Révolution française » (Albin Michel, 2007, réédité en 2010).
– Cris Beauchemin (Institut National d’Etudes Démographiques-INED) et Jean-Luc Primon (Unice-iPOPs), organisateurs de la journée « Crise des migrants : décentrer le regard », 18 mars 2016, INED
– Laurent Greilsamer, journaliste, fondateur de « Le Un »
10h30-12h00 : Les mots, les morts, les maux : origine et racines,identité et radicalisation
Les guerres se multiplient à l’est et au sud de l’Europe. Les horreurs qui s’y déroulent frappent les esprits, redoublées par les meurtres terroristes qui frappent particulièrement la France. Ces morts sidèrent. Mais loin de renforcer la solidarité, par la peur qu’elles génèrent et que démultiplient les médias, elles attisent les divisions, la stigmatisation et le rejet, y compris de ceux qui fuient la guerre et les violations des droits de l’homme. Comment trouver les mots pour convaincre de lutter contre ces maux géopolitiques du XXIe siècle de manière démocratique et non régressive ?
Nous sommes face à des « radicalisations » de tous ordres : radicalisation du racisme qui se propage dans la société bien au-delà des mouvements extrémistes qui traditionnellement le nourrisse en profitant du chômage et des inégalités croissantes; radicalisation dijhadiste de certains jeunes (d’origine immigrée ou non) qui partent en Syrie ou Irak ; radicalisation de tout le spectre politique au détriment des valeurs républicaines. Dans un contexte démocratique aussi détérioré, quelles priorités élaborer et mettre en œuvre ?
Intervenants :
– Patrick Weil, historien de l’immigration et de la nationalité, directeur de Recherche au CNRS, auteur de « Le sens de la République » (Grasset, 2015).
– Michel Agier, auteur de « Un monde de camps » (La Découverte, 2014), EHESS
14h00-17h00 : II – Les immigrations dont on ne parle presque jamais : L’intégration réussie des immigrés – L’apport économique de l’immigration. Quelles nouvelles dynamiques républicaines ?
Thèmes clés :
- Au moins deux fois le silence : l’intégration réussie et l’apport économique
- Économie, démographie, utilité des immigrés
- Immigration et chômage : « le pain des Français »
- Le tabou du travail clandestin: main d’oeuvre au noir indispensable, coûts et profits, l’immigration légale rendue impossible
- Ville, banlieues, campagnes : quel Gambetta pour les couches nouvelles du XXIe siècle?
14h-15h30 : L’intégration française souvent réussie, presqu’invisible
On ne parle jamais en France de l’intégration réussie. Pour l’immigration passée, celle des italiens, des polonais, des espagnols notamment, elle semble aller de soi, alors qu’elle se heurta jadis à des résistances, des conflits, des violences considérables.
Celle des descendants d’immigrés d’Afrique du nord est réputée difficile, voire impossible alors que des millions de Français ayant ces origines démontrent le contraire. Ils ne vivent pas tous dans les banlieues, et sont pour une grande part dans les classes moyennes. Leur silence, leur invisibilité même est peut-être une preuve de cette réussite. De cette réussite, la plupart des médias, ni des politiques, ne parlent jamais. Il aura fallu les attentats de janvier 2015 pour que pendant quelques brèves semaines cela change. Mais la polarisation du débat autour de l’Islam que les terroristes cherchent et obtiennent, rend inaudible le discours sur l’intégration réussie. Les immigrés et leurs descendants bien intégrés, Français, ne sont pas l’exception mais la règle.
Question : peut-on changer cela et comment ?
Intervenants :
– Pouria Amirshahi, Député
– Hervé Le Bras, démographe, directeur d’études à l’Institut national d’études démographiques (INED), auteur de « L’invention de l’immigré » (éditions de l’Aube, 2014).
– Edwy Plenel, directeur de publication de Médiapart, auteur de « Pour les musulmans »
15h30-17h00 : L’exploitation muette des clandestins
On parle peu de l’économie de l’immigration sauf pour déplorer son « coût » supposé très élevé alors que les immigrés, y compris non déclarés, contribuent positivement aux régimes sociaux. Pourquoi ces chiffres sont-ils négligés dans le débat public ?
Pourquoi ne parle-t-on pas des secteurs de l’économie française et européenne dont le fonctionnement repose largement sur le travail au noir, y compris l’exploitation des clandestins qui permet d’abaisser les coûts et d’avoir à disposition une main d’oeuvre flexible : bâtiment et construction, restauration et hôtellerie, agriculture, soins de santé, … ?
Cette économie souterraine est l’une des sources de l’immigration irrégulière dont on ne parle presque jamais. On accuse les passeurs et les trafiquants d’êtres humains, mais cela ne peut suffire. Au bout du voyage, d’un voyage si dangereux sur terre comme sur mer, nombre de clandestins savent qu’ils trouveront du travail dans ces secteurs qui vivent du marché noir. La législation nationale et européenne (telle la directive européenne sur les sanctions d’employeurs de travail clandestin) est mal appliquée.
Intervenants :
– Jean-Claude Amara, président de Droits Devant !! et co-fondateur du DAL
– Anzoumane Sissoko, Président de l’association des travailleurs sans-papiers mais Porte-parole de la Coordination 75 des Sans-Papiers (CSP75) et de la Coalition Internationale des Sans-Papiers, Migrants et demandeurs d’asile (CISPM).
-Danielle Auroy, présidente de la commission des affaires européennes, Assemblée nationale
17h00-17h30 : III – Synthèse des débats et prochaine étape
La République et ses étrangers : comment faire que la France agisse pour ses citoyens, quelle que soit leur origine, au lieu de chercher à se définir contre les immigrés ?
Que nous dit la parole publique en France en 2016? L’apport de « travailleurs de la langue »:
– Laurent Gaudé, écrivain, auteur du libre « Eldorado » (Actes-Sud, 2006), et de l’article « Ci-gît la France » (février 2016, Le Un)
– Yolande Moreau, comédienne, auteure avec L. Gaudé du film « Nulle part en France », diffusé sur Arte le 12 avril 2016
– Maylis de Kerangal, écrivain, auteure du livre « A ce stade de la nuit » (Gallimard, 2014)
– Alain Mabanckou, écrivain