Nous avions invité une première fois Judith Butler à s’exprimer lors d’un évènement intitulé « lutter contre l’antisémitisme et son instrumentalisation, pour une paix révolutionnaire en Palestine », le 6 décembre 2023 à Paris. Cette rencontre n’avait pu avoir lieu suite aux pressions exercées par la Ville de Paris sur la salle qui devait nous accueillir. Ayant pris acte de cette censure, nous avons reporté cette invitation au dimanche 3 mars dernier où 750 personnes se sont déplacées pour écouter la philosophe américaine dans une salle privée à Pantin alors que des milliers de personnes suivaient la retransmission de son intervention en direct sur Twitch.
Le succès de cet évènement, explique très certainement la calomnie qui succède à la censure. Surtout pas de débat, pas de pensée, pas d’autre point de vue sur la guerre à Gaza que celui du pouvoir et de la propagande de guerre. À l’analyse opposer l’accusation, à l’exigence opposer la simplification. C’est ce qu’a fait Le Figaro le 5 mars en citant un extrait des propos de Judith Butler, soigneusement choisi et isolé de l’ensemble de sa prise de parole. Elle exprimait son horreur devant ce qui s’était passé le 7 octobre, rappelant (à plusieurs reprises) qu’elle n’appréciait pas le Hamas, mais elle a tenu à reposer le cadre de l’attaque dans un contexte de colonisation où l’ordre des responsabilités ne peut être inversé. Mais ce que recherchent Le Figaro et d’autres journalistes, c’est un déversement de haine et faire peser la menace de stigmatisation et de diabolisation. Sans doute, ces journalistes et trolls se réjouissent-ils de voir Judith Butler, malgré la reconnaissance mondiale de sa contribution au débat intellectuel, attaquée et menacée, car ce qu’ils craignent le plus, c’est la pensée et le débat.
Judith Butler, membre du bureau universitaire de l’organisation américaine « Jewish Voice for Peace » a pris le temps de développer le 3 mars une pensée complexe et subtile devant un public attentif à des problématiques qu’il connaît peu : l’antisémitisme, l’antisionisme, leur histoire respective et la différence entre les deux, l’aspiration à un avenir de justice. Elle a appelé à la réflexion sur des sujets sensibles. Elle connaît les risques encourus même pour une universitaire et philosophe de son envergure. Nous saluons son courage, nous partageons sa soif de débat et son rejet de la censure. Nous sommes à ses côtés et nous nous associons à ses paroles prononcées avec le plus grand soin.
Le visionnage de l’intégralité de son intervention est la meilleure contradiction que nous puissions apporter aux insultes et menaces destinées à noyer les vraies questions. Notre temps n’est pas celui du clash c’est celui de l’urgence :
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En effet, tout cela étant posé, nous sommes bien conscients de l’enjeu de ces attaques : il y a ceux qui veulent arrêter à tout prix le génocide en cours et faire reculer l’antisémitisme que le hold-up de la judéité par le sionisme entretient. Et il y a ceux qui, dans leur inconditionnel soutien au régime israélien, soutiennent de fait sa politique génocidaire. C’est de cela et seulement de cela qu’il s’agit. Tout le reste n’est que diversion sordide pour que le massacre continue en toute impunité. Nous appelons toutes les voix empêchées en ces temps génocidaires à s’exprimer afin que nous recouvrions le droit à un débat à la hauteur des aspirations légitimes des citoyens d’une démocratie comme la France.
Rendez-vous le 9 mars à 14h00, place de la République à Paris, à la grande manifestation unitaire et le même jour dans toutes les mobilisations en France – stop génocide.
Signatures des organisations :
Appel « contre la guerre permanente et pour la paix révolutionnaire », UJFP, Tsedek, Révolution Permanente, NPA, AFA Paris-Banlieue, Parole d’honneur.