Réflexions autour de l’attentat du Musée juif à Bruxelles

Un article du journaliste belge Baudouin Loos, qui refuse les amalgames:

Ce qui s’est passé samedi 24 mai au Musée juif de Bruxelles soulève le cœur.

Comme je l’indiquais dans un tweet, cet acte injustifiable, révoltant, suscite un sentiment d’indignation et de dégoût.

Rien, en effet, rien ne peut excuser ce genre de méthodes d’une brutalité inouïe. Celui ou ceux qui se sont levés samedi en se disant «aujourd’hui, nous allons tuer quelques juifs» et qui sont ensuite passés à l’action ne méritent aucune circonstance atténuante. Ils ne doivent inspirer qu’opprobre et mépris. Et aussi recevoir un châtiment juste et exemplaire.

Un de nos «amis» sur Facebook lançait cette suggestion dès samedi : la meilleure façon de condamner ce crime est d’aller tous visiter le Musée juif. Celui qui s’exprimait avait un patronyme arabe. Une bonne idée. Car la condamnation doit prendre la forme de la solidarité envers les victimes, celles qui ont payé de leur vie parce que juives ou qu’elles se trouvaient dans un endroit dédié aux juifs.

La récupération politique de ce sombre événement ne laisse pourtant pas par ailleurs de surprendre sur le toupet de certains. Ainsi, quand Alain Desthexe écrit sur Facebook, en substance, «Je vous l’avais bien dit… Il ne vous reste qu’à voter pour moi», il dépasse les bornes de la décence.

En exprimant son émotion et sa condamnation, Simone Susskind, elle, avait veillé à aussi glisser qu’on n’en était pas revenu aux années 38-40, que parler d’un retour en force de l’antisémitisme lui semblait exagéré. Je crois qu’elle a raison. L’antisémitisme reste une maladie honteuse et c’est très bien ainsi. Peu osent d’ailleurs s’en revendiquer, de crainte d’être instantanément stigmatisés. Les juifs belges ne subissent du reste pas de discriminations, contrairement à d’autres parties de la population. Mais l’attentat de samedi vient rappeler qu’ils ne sont pas en sécurité, et cela inspire de lourdes inquiétudes.

Ce danger ne paraît pas provenir des nostalgiques du nazisme, même s’il en reste sans doute ici ou là. Rien n’indique en tout cas que ceux-là voulaient passer à l’acte. En revanche, oui, il existe une frange extrémiste, infiniment minoritaire, au sein des populations musulmanes, que la haine habite en raison de la situation au Proche-Orient et des souffrances du peuple palestinien. Il y a eu des «Mort aux juifs!» proférés en arabe lors de la manifestation à Bruxelles contre la sanglante offensive israélienne sur Gaza en décembre 2008-janvier 2009. Amalgame stupide, injuste, nauséabond, mais aussi donc dangereux.

En Israël, la réaction à l’attentat bruxellois du Premier ministre Binyamin Netanyahou lui a ressemblé, lui qui a incriminé «les calomnies et les mensonges contre l’Etat d’Israël» diffusés en Europe. C’est le retour à l’habituel chantage à l’antisémitisme sur lequel des livres entiers ont été écrits. La «leçon» sous-entendue: ne critiquez pas Israël, ce serait de l’antisémitisme et voilà ce qui arrive quand on n’écoute pas ce conseil, cela se termine en attentat antisémite. Il s’agit là en fait d’un autre amalgame souvent mal intentionné: celui que d’aucuns insinuent entre la critique de la politique d’Israël et l’antisémitisme. C’est gros, très gros, mais certains reprennent ce raisonnement au premier degré et je sais de quoi je parle depuis vingt-quatre ans.

Les malheurs du peuple palestinien se trouvent-ils à l’origine de l’odieux attentat du Musée juif? Si c’est bien le cas, il faut être clair : les Palestiniens ont certes droit à la justice, et ils ne l’attendent que depuis trop longtemps ; mais s’en prendre aux juifs dans le monde (ou aux civils israéliens) par des attentats qui inspirent la répulsion n’assouvit que des pulsions haineuses sans aider à leur cause, bien au contraire.

BAUDOUIN LOOS