Réflexions à l’occasion de la Fête d’Indépendance d’Israël

Je n’ai jamais aimé les fêtes nationales, où qu’elles soient. Les nations se sont construites dans le sang et les guerres, et ces commémorations ont souvent une odeur de sang.

Quant à la fête nationale d’Israël, que l’on appelle ici « Fête de l’Indépendance », il va de soi que je l’abhorre : elle célèbre la possession de la population indigène de Palestine et l’expulsion d’une importante partie de celle-ci. Notre indépendance, c’est leur Nakba, et je ne supporte pas le discours, toujours à la mode dans la gauche israélienne, selon lequel il y aurait « deux récits » symétriques et qui ont chacun leur légitimité.

Ce qu’Israël célèbre aujourd’hui, 6 Mai 2014, c’est la victoire – pour l’instant en tout cas – d’une entreprise coloniale, donc criminelle, soutenue par la communauté internationale dans le contexte post-nazi.

La Fête de l’Indépendance est précédée par la Journée du souvenir, où tout Israël communie dans la commémoration des victimes (israéliennes) des guerres qui ont jalonne l’histoire de l’Etat Juif. Sirènes, minutes de silence, cafés et cinémas fermes – tout est fait pour nous forcer à participer à ce deuil national où la douleur des familles endeuillées se mélange aux récits de bravoure des soldats morts au front. Depuis quelques années on a ajoute aux soldats les victimes des attentats… depuis les années quatre-vingts du XIXème siècle, bien avant la création d’Israël, avant même la fondation du mouvement sioniste !

Si on peut fuir la Fête de l’Indépendance, en allant se promener dans le désert, par exemple, il est beaucoup moins facile d’échapper à la Journée du Souvenir : même la chaine musicale de la radio nationale, que j’ouvre à six heures du matin et ferme avant de me coucher, se met au diapason du souvenir national.

C’est ainsi que hier j’ai dû entendre, aux nouvelles de 11h, après la sirène commémorative, le résumé des discours qu’ont fait, dans les différents cimetières militaires, le Premier Ministre et une bonne dizaine de membres du Cabinet. On a l’impression qu’ils se sont donne le mot : les discours sont quasiment tous les mêmes, faits de deux thèmes : créer la peur dans le cœur des Israéliens (« tout le monde est contre nous, l’a toujours été et le sera toujours »), et menacer nos innombrables ennemis des sanctions les plus terribles, car « Tsahal saura les frapper quand il le jugera bon ». Terroriser les siens et menacer les autres, voilà le résumé de la méthode Netanyahou, et son message pour le 66eme anniversaire de l’Etat d’Israël.

S’il y a bien quelque chose qui montre à quel point Israël n’a plus rien à voir avec l’histoire juive et les valeurs qu’elle a porté pendant deux millénaires, c’est à la Fête de l’Indépendance qu’on le ressent. La compassion pour les victimes, par exemple. Elle ne fait pas seulement partie de la culture juive diasporique, c’est d’abord un commandement biblique (« Quand ton ennemi tombera, ne te réjouit pas (Proverbes, chapitre 24) ». Dans tous ces discours officiels, mais aussi dans les media audiovisuels, on n’a pas entendu ne serait-ce qu’un mot de compassion pour les victimes de la colonisation sioniste et de la création de l’Etat Juif.

Le Talmud raconte que lorsque les armées du Pharaon, a la poursuite des Hébreux, ont ete noyées dans la Mer Rouge, les Anges ont chanté leur joie. Dieu n’a pas apprécié et leur a dit : « mes créatures sont englouties dans la Mer et vous chantez des chants de joie ?! » Mais les liens de Benjamin Netanyahou, Moshe Yaalon ou Ivet Lieberman avec la culture juive et ses valeurs se limitent à Samson le valeureux (mais, à en croire le texte, plutôt bête) et aux assiègés de Massada, que les Sages de l’époque ont sévèrement critiqués. Deux histoires héroïques qui se terminent d’ailleurs par un suicide.