RECONNAISSANCE DE LA PALESTINE PAR L’UNESCO : ET MAINTENANT ?

L’une des victoires des amis de la Palestine en 2011 est sa reconnaissance par l’UNESCO.

Cette victoire a provoqué les foudres d’Israël, qui avait aussitôt annoncé un nouveau programme de constructions dans les colonies et le gel des droits de douane dus à l’autorité palestinienne, et celles des Etats-Unis, qui ont annoncé le retrait de leur participation au budget de l’UNESCO (qui s’élève à 22%)

S’agissant du vote de la France, nous ne sommes pas dupes : son approbation de l’admission de la Palestine à l’UNESCO a surtout servi à justifier son abstention pour l’admission à l’ONU. Mais bon, ne boudons pas la victoire que constitue le résultat du vote.

La question qui se pose aujourd’hui est : après le temps des cérémonies et des discours officiels de bienvenue à l’UNESCO, qu’en sera-t-il ?

L’année 2012 révèlera si cette victoire est surtout symbolique ou si elle sera suivie d’effets importants pour le peuple palestinien.

D’abord, la restitution de son patrimoine au peuple palestinien serait loin d’être un évènement mineur. Les médias ont focalisé leurs projecteurs sur le cas de l’Eglise de la Nativité à Bethléem. Il s’agit là d’un cas à haute valeur symbolique, mais en même temps de la face la plus visible d’un iceberg.

Un autre lieu patrimonial est par exemple la forteresse souterraine d’Hérodion.

Si vous visitez ce lieu, implanté au cœur de la Cisjordanie, vous découvrirez qu’il est gardé par des militaires israéliens et vous lirez à l’entrée que vous êtes censés pénétrer dans l’un des domaines du réseau des parcs nationaux israéliens.

Colonie israélienne au pied d'Hérodion

Un autre exemple est le site de Qumran, qui abrite les rouleaux de la Mer Morte.

Si vous visitez la vieille ville d’Hébron, vous constaterez que son centre historique comporte des rues désertes avec de traditionnelles échoppes et que ces rues sont surplombées de grillages jonchés de détritus.

Une ruelle du centre de Hébron

Cette situation est le résultat des pratiques terroristes d’environ 500 colons qui vivent au sommet de la vieille ville et sont protégés par environ 1500 soldats.

Revaloriser cette vieille ville, dont l’intérêt patrimonial a souvent été souligné, c’est forcément s’opposer efficacement aux colons qui terrorisent ses habitants palestiniens.

Et l’on peut aussi rêver que les recherches archéologiques à Gaza sur les civilisations antérieures au peuple hébreu puissent se développer librement, ouvrant ainsi une brèche dans le blocus.

Autre cas : Israël colonise avec ses forces armées des lieux saints qui ont un intérêt patrimonial pour la culture juive, comme si cela était tout à fait naturel. Ainsi le tombeau de Rachel près de Bethléem, dont le site est devenu aussi une base militaire contre le camp de réfugiés d’Aïda, ou le tombeau des patriarches à Hébron, qui s’inscrit dans une mosquée dont la moitié de la surface a été annexée pour être transformée en synagogue. Qu’en serait-il si le Vatican recrutait des armées pour protéger les lieux saints chrétiens dans le monde entier ?

Un point très important est donc la restitution et la protection du patrimoine palestinien, mais un point tout aussi important est d’offrir aux gens du monde entier la possibilité de le visiter, sans avoir à subir des checks points ou autres entraves. De plus il revient au peuple palestinien de pouvoir valoriser son patrimoine, ce qui serait notamment créateur d’emplois. Sur ce point, il existe une association palestinienne, basée près de Bethléem, qui effectue un travail persévérant et convivial : il s’agit de l’« Alternative Tourism Group », qui a contribué au livre « Palestine et Palestiniens », sorte de Guide du Routard de la Palestine. Mais, s’agissant de la visite des lieux saints en Palestine, la réalité est largement dominée par la main mise des agences israéliennes, qui intègrent en général la visite de Yad Vashem à leurs circuits. S’attaquer à ce mur est aussi un enjeu important, culturel, et en même temps économique et politique.

Un autre volet de la fonction de l’UNESCO consiste à valoriser l’animation et les échanges culturels.

En Palestine, la pratique de cet objectif signifierait d’assurer le libre déplacement des artistes, dont le rôle pour l’avenir du pays est manifeste, et de permettre à la jeunesse palestinienne et aux autres générations de circuler librement pour bénéficier d’échanges culturels avec d’autres pays. Cet autre chantier, nous le savons, se heurte à de très sérieux obstacles !

Les associations qui organisent des tournées en France de troupes de théâtre palestiniennes peuvent en témoigner, ainsi les Amis du théâtre de la Liberté de Jénine ou la Société des Amis du théâtre Al Rowwad

L’UNESCO est aussi associée à des projets de protection des minorités réprimées.

Ainsi, lors de la cérémonie de la levée du drapeau palestinien à l’UNESCO le 13 décembre à Paris, il était possible de visiter une exposition sur le rôle de l’UNESCO pour la Palestine et dont le thème de l’un des panneaux est la « Protection des moyens de subsistance et autonomisation durable des communautés rurales et de réfugiés vulnérables dans la Vallée du Jourdain, financé par le Japon, l’UNESCO, la FAO, l’UNIFEM et l’UNRWA »

Pour conclure, la reconnaissance de la Palestine par l’UNESCO est loin de présenter un intérêt purement symbolique. Sa mise en œuvre persévérante peut contribuer réellement à l’isolement grandissant de l’Etat d’Israël dans l’opinion publique internationale et à la vigueur de la résistance culturelle et politique du peuple palestinien.

Espérons qu’en 2012 des batailles seront engagées dans cette voie.
L’UJFP y contribuera à sa mesure, dans le souci de démasquer l’idéologie qui guide l’actuel Etat d’Israël et de soutenir la résistance collective du peuple palestinien.

Paris, le 22 décembre 2011

PS : les photos ont été prises par des membres de l’UJFP lors de la 166ème mission (judéo-arabe) de la CCIPPP ( 23 au 31 oct 2010)