Nous relayons ici les réactions d’associations et de partis politiques face à la dissolution du CCIF.
Communiqué de la LDH :
DISSOLUTION POLITIQUE DU CCIF
Le gouvernement a prononcé la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). Cette décision n’a de surprenante que le délai apporté à la prendre, tant elle était prévisible.
Si la longueur du décret de dissolution peut faire illusion, sa lecture atteste que les griefs des pouvoirs publics sont avant tout d’ordre politique quand ils ne se bornent pas à faire état de déclarations de tiers.
En assumant de dissoudre une association parce qu’elle a qualifié d’islamophobes « des mesures prises dans le but de prévenir des actions terroristes et de prévenir ou de combattre des actes punis par la loi », le gouvernement s’engage sur la voie du délit d’opinion. En y ajoutant que les opinions du CCIF constituent des « agissements en vue de provoquerqué des actes de terrorisme » et « qu’il défend et promeut une notion d’islamophobie particulièrement large », le gouvernement nous montre que plus personne n’est à l’abri de telles ou telles poursuites.
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) est profondément inquiète de cette atteinte à l’Etat de droit. Elle ne peut conduire qu’à accroître les tensions et à conforter l’idée que ce sont bien toutes les personnes musulmanes qui sont ici mises en cause.
Paris, le 3 décembre 2020
Ce communiqué sur le site de la LDH
Communiqué du NPA :
Dissolution du CCIF : le cours autoritaire et raciste du pouvoir se poursuit
Ce mercredi, le conseil des ministres a pris la décision de dissoudre le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). La lecture du décret proposé par Gérald Darmanin — et adopté en conseil des ministres — confirme ce que le CCIF et ses divers soutiens répétaient depuis plusieurs semaines : il s’agit d’une dissolution à motivation politique, destinée à faire taire le CCIF et, à travers lui, celles et ceux qui se dressent face à la stigmatisation et aux discriminations contre les musulmanEs.
On apprend ainsi dans ledit décret, entre autres, que « comptabiliser au titre des « actes islamophobes » des mesures de police administrative, voire des décisions judiciaires, prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme » revient à « participer à la légitimation de ces actes [terroristes] ». En d’autres termes, dénoncer le caractère manifestement discriminatoire, vis-à-vis des MusulmanEs, de certaines mesures et pratiques « anti-terroristes », entre autres et notamment dans le cadre de l’état d’urgence instauré en novembre 2015, reviendrait à légitimer le terrorisme…
Ainsi, le ministre de l’Intérieur qui veut interdire la dénonciation des violences policières veut aussi interdire la dénonciation de l’islamophobie. Il s’agit bien des deux faces d’une même politique, dont l’objectif est de faire taire toute critique de leur « ordre républicain », en agitant la menace d’un « ennemi de l’intérieur » qui permet de tout justifier, des mesures racistes aux attaques liberticides, à l’heure où la faillite gouvernementale dans la gestion de la crise sanitaire lui fait redouter des explosions sociales.
En dissolvant une organisation dont le rôle est de combattre les violences et discriminations islamophobes, par un accompagnement des victimes et par la publication d’un rapport annuel dressant un état des lieux de l’islamophobie en France, le pouvoir franchit un cap supplémentaire dans sa politique autoritaire et liberticide. Il confirme en outre sa fuite en avant islamophobe, quelques jours avant la présentation en conseil des ministres du projet de loi « séparatisme ».
Le NPA condamne cette décision et assure les animateurEs et bénévoles de l’ex-CCIF (qui avait pris la décision de s’auto-dissoudre) de tout son soutien dans leur indispensable action contre l’islamophobie, et dans toute démarche qu’ils et elles entreprendraient pour contester la décision du conseil des ministres. À l’heure où la mobilisation grandit contre la politique autoritaire du pouvoir, c’est l’ensemble du mouvement social et du mouvement ouvrier qui devrait aujourd’hui se dresser contre cette décision : il en va de l’avenir du combat antiraciste et, plus globalement, de l’ensemble des luttes de notre camp social.
Montreuil, le 2 décembre 2020
Ce communiqué sur le site du NPA
Communiqué de la Fondation Franz Fanon :
Un acte parfait de colonialité du pouvoir
22 novembre 2020
La Fondation Frantz Fanon dénonce la notification de dissolution du CCIF émise par le ministère de l’Intérieur. Cet acte constitue un acte parfait de colonialité du pouvoir. En cherchant à anéantir cette organisation symbole de la lutte contre l’islamophobie en France, le gouvernement veut obliger les victimes de ce racisme systémique, arabes ou noires, à se tourner vers des organisations institutionnelles qui ne les ont jamais vraiment défendues ou soutenues. D’où l’importance d’une organisation autonome comme le CCIF ; à l’instar de la façon dont est traitée la négrophobie frappant les Africains et les Afro descendants, le pouvoir français veut replonger les victimes de l’islamophobie dans l’invisibilité et le silence où les a maintenues une grande partie du champ politique.
S’il fallait un exemple supplémentaire à tous ceux qui se réclament d’une République soit-disant irréprochable, cette tentative de dissolution fait sortir la France de l’Etat de droit. La Fondation Frantz Fanon se réjouit néanmoins que le CCIF ait pu transférer ses activités pour qu’il puisse continuer son travail de défense des droits et de soutien des personnes racisées, préservé des menaces que fait peser sur lui l’Etat français. Après les nombreuses attaques contre les libertés publiques, civiles et privées pour raisons de lutte contre le terrorisme et contre la pandémie, cet Etat se rapproche de plus en plus des Etats qu’il dénonce pour violation des libertés fondamentales. Il est indigne des citoyens qu’il est censé représenter, en associant systématiquement les Musulmans à des terroristes et en niant les désastres causés par le racisme structurel et systémique frappant toutes les personnes racisées.
La suprématie blanche montre son vrai visage colonial, et ceux qui la défendent tout en prétendant le contraire violent les principes d’un Etat de droit en étouffant une partie de sa population. La Fondation Frantz Fanon sera toujours aux côtés des organisations défendant les droits niés par un Etat colonial, dominant et arrogant et aux côtés des voix s’élevant contre les politiques racistes et racialisantes de l’Etat français et de ses appareils de sécurité et de subjugation.
Fondation Frantz Fanon
Ce communiqué sur le site de la Fondation Frantz Fanon
Communiqué du Cercle des Enseignant·e·s Laïques
A propos de la dissolution du CCIF
Le 4 décembre 2020
Le Cercle des Enseignant-es laïques condamne la dissolution du CCIF. Il s’agit d’une atteinte extrême à la liberté d’expression. La critique de l’État et l’antiracisme se trouvent criminalisés comme ils ne l’ont jamais été. C’est d’autant plus inquiétant que l’action du CCIF passait par le recours à la loi et à la justice. Le ciblage politique des musulman-es et antiracistes dénonçant trop fortement l’islamophobie institutionnelle doit faire réagir tous les défenseurs des libertés publiques, d’autant que sont aussi en voie d’être criminalisées les études scientifiques sur les oppressions croisées.
Nous avons travaillé avec le CCIF pour élaborer des vidéos pédagogiques rappelant le cadrage juridique de la laïcité en sorties scolaires ou à la cantine. La rigueur juridique de nos interlocutrices, la recherche constante du dialogue ou de la médiation avant le contentieux, le respect permanent des droits humains démentent les accusations portées dans le décret de dissolution. Ces accusations ne sont que le relai de campagnes de calomnies portées par l’extrême-droite et un camp qui n’a d’universaliste que le nom.
Le Cercle des Enseignant·e·s Laïques
Déclaration du directeur régional d’Amnesty International pour l’Europe :
France. La fermeture d’une association antiraciste est une menace pour les libertés
20 novembre 2020
En réaction à l’annonce par Gérald Darmanin, ministre français de l’Intérieur, de l’intention du gouvernement français de dissoudre le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) – une ONG qui combat la discrimination à l’égard des musulmans –, Nils Muižnieks, directeur régional d’Amnesty International pour l’Europe, a déclaré :
« La dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France serait un acte très grave de la part du gouvernement français. Elle pourrait avoir un effet dissuasif sur toutes les personnes et toutes les organisations qui sont engagées dans la lutte contre le racisme et la discrimination en France.
« La dissolution d’une organisation est une mesure extrême qui ne peut être justifiée que dans des circonstances très limitées, par exemple si l’organisation en question constitue un danger manifeste et imminent pour la sécurité nationale ou l’ordre public. Or, à ce jour, les autorités françaises n’ont fourni aucune preuve susceptible de justifier la dissolution du CCIF.
« Amnesty International est extrêmement inquiète du signal que cela envoie aux ONG et à la lutte contre la discrimination en France. Elle appelle les autorités françaises à revenir immédiatement sur cette décision. »
Complément d’information
Le 19 novembre 2020 en fin de journée, un courrier a été adressé au CCIF pour l’informer de sa dissolution. L’association a maintenant huit jours pour formuler une réponse avant que la dissolution ne soit prononcée par le gouvernement.
Le droit français actuel relatif à la dissolution des organisations pose problème, car il autorise le gouvernement à dissoudre une organisation pour des motifs vagues et sans contrôle judiciaire préalable. En droit français, le Conseil des ministres peut dissoudre une organisation par décret. L’annonce de cette dissolution intervient dans un contexte plus général de remise en cause des droits à la liberté d’expression et d’association par les autorités françaises.
Cette déclaration sur le site d’Amnesty International
Communiqué du GISTI :
Aujourd’hui le CCIF. Demain, qui ?
Par décret du 2 décembre 2020, sur le rapport du Premier ministre et du ministre de l’intérieur, le président de la République a prononcé la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France.
La motivation de ce décret pris sur le fondement du Code de la sécurité intérieure dévoile la nature profonde de cette mesure de dissolution : une atteinte aux libertés démocratiques lourde de menaces.
Aux termes de la loi, la dissolution d’une association sanctionne la provocation à la discrimination, à la haine, à la violence ou à des actes de terrorisme. La décision de dissolution du CCIF, elle, se dispense de ces exigences en recourant à un raisonnement qui défie la logique. Parce qu’il dénonçait le caractère discriminatoire de mesures destinées à prévenir ou à combattre le terrorisme, le CCIF « doit être regardé comme cautionnant de telles idées au risque de susciter, en retour, des actes de haine, de violence ou de discrimination ». En somme, en critiquant des mesures prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, le CCIF l’aurait encouragé.
Incapable d’étayer ses griefs sur des actes de provocation avérés comme l’exigent les textes, le gouvernement n’a vu d’autre issue, pour justifier une décision déjà annoncée, que de recourir à des expédients argumentatifs mis au service d’une rhétorique biaisée.
Il se trouve pourtant que le CCIF est loin d’être le seul à critiquer des mesures prises au nom de la lutte anti-terroriste. Nombreuses sont les associations ou autorités indépendantes à souligner l’affaiblissement des libertés individuelles et collectives, voire à dénoncer l’instauration d’un véritable régime d’exception résultant de l’empilement de ces mesures.
Aussi nécessaire que soit la lutte contre le terrorisme, les moyens qu’elle se donne ne sauraient relever d’un régime spécifique, sanctuarisé, à l’abri de toute critique dont les auteurs – syndicats, partis, associations, individus – s’exposeraient à être « regardés comme » cautionnant le terrorisme.
C’est bien une police des idées attentatoire à la liberté d’expression qui est en germe dans ce funeste raccourci : toute critique de l’action des pouvoirs publics dans ce domaine est érigée en délit d’opinion, dont la sanction commence, aujourd’hui, par une dissolution.
Ce précédent annonce le risque de voir ce gouvernement et ceux qui le suivront s’en prendre à d’autres associations de défense des droits humains qui auront dénoncé les atteintes aux libertés qu’accumule un pouvoir dérivant vers l’autoritarisme.
Les associations ou collectifs qui mettent en évidence le traitement discriminatoire infligé aux personnes de culture ou de religion musulmane – par principe soupçonnées de ne pas respecter les « valeurs » républicaines et empêchées d’accéder à l’emploi ou à la nationalité française – sont déjà la cible de virulentes attaques.
Comme le laissent présager les menaces qui visent à présent l’université et avec elle l’ensemble du milieu de la recherche, reprocher au CCIF de « promouvoir une notion d’islamophobie particulièrement large », c’est ouvrir la voie à ceux qui, demain, reprocheront aux associations de défense des droits des étranger·es de dénoncer la « xénophobie d’État » ou le « racisme institutionnel » ou encore de stigmatiser la « guerre aux migrants » au prétexte qu’elles discréditent ainsi la politique de la France.
La dissolution du CCIF intervient alors qu’une loi sur « la sécurité globale » et une autre » confortant les principes républicains » sont en gestation. C’est décidément une très lourde charge qui est portée en cette fin d’année contre les libertés démocratiques. Dans ce contexte singulier, le Gisti ne renoncera pas à sa liberté d’expression. Sans relâche, il dénoncera les atteintes portées aux droits des personnes étrangères et les violences institutionnelles dont elles sont la cible.
Le 8 décembre 2020
Ce communiqué sur le site du GISTI
Communiqué du CEDETIM :
Par le décret du 2 décembre 2020 le Président de la république Emmanuel Macron, le premier ministre Jean Castex et le ministre de l’intérieur Gerald Darmanin qui prononce la dissolution de Collectif contre l’islamophobie en France CCIF constitue une régression majeure.
Les accusations motivant cette dissolution, aussi vagues qu’imprécises, procédant par amalgames, et quand elles évoquent des faits, mentionnent essentiellement des personnes extérieures au CCIF.
Ce décret introduit une forme de « Maccarthysme à la française » : il permet de stigmatiser toute personne ou mouvement s’élevant contre les discriminations dont sont victimes les musulman.es ou supposé.es tel.les en France ou laissant entendre que la critique de certaines mesures « sécuritaires » serait de l’apologie du terrorisme. Il vise surtout à entraver l’action d’une association qui relève les faits patents de discrimination ou de diffamation, de manquement à la loi, à l’encontre des musulman.e.s, ou supposé.e. s tel.les.
Le CCIF a toujours agi comme une organisation de défense des droits et constitue un recours unique pour toutes celles et ceux qui sont victimes du racisme islamophobe.
On ne peut séparer cette interdiction de la préparation de la loi pour la sécurité qui vise, entre autres, à museler la liberté de parole, de manifestation et à traiter comme délit d’opinion la dénonciation de l’islamophobie alors que c’est la forme du racisme la plus aiguë en France dans la période actuelle. Toute personne dénonçant l’islamophobie pourra ainsi être accusée.
Les démocrates, les défenseurs des droits humains, les défenseur de la laïcité telle qu’elle est définie par l’article 9 de la convention européenne des droits de l’homme,( ratifié par la France le 3 mai 1974 et seul texte législatif concernant la laïcité s’appliquant sur l’ensemble du territoire) et par la loi de 1905, doivent s’élever contre cette mesure
Le Cedetim note qu’au même moment le gouvernement français déroule te tapis rouge pour le Maréchal Al Sissi, dictateur égyptien soutenu par les salafistes et les pétromonarchies obscurantistes tenants d’une approche radicale de la religion musulmane pouvant être qualifiée d’islamiste
Le centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale CEDETIM,
Paris le 6 décembre 2020
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