Ratonnades à Jérusalem

Cet article a été écrit pour la Lettre d’Info de mai 2021 publiée par le Comité Palestine 19ème (Paris).

Selon le Croissant-Rouge palestinien, dans la seule nuit du 22 avril, 105 Palestiniens ont été blessés à Jérusalem, dont 22 ont été admis à l’hôpital. Le lendemain, c’est aux cris de « Mort aux Arabes » que des fanatiques d’extrême droite israéliens épaulés par des ultra-orthodoxes – un phénomène nouveau – ont investi les rues de la Ville Sainte. Ces explosions de violence couvraient depuis le début du Ramadan le 12 avril et ont éclaté peu après. Semant panique, destructions et blessés, elles ne sont pas arrêtés par la force publique chargée de maintenir l’ordre, loin s’en faut. La police a fini par intervenir… mais contre les victimes palestiniennes ! La plupart des victimes hospitalisées ont été touchées par des balles enrobées de caoutchouc et des grenades assourdissantes tirées par la police. Des exactions ont continué sans entrave pendant plus d’une semaine sans que la police israélienne essaie même de les interrompe. Mahmoud Abbas, Président de l’Autorité Palestinienne, a demandé à la communauté internationale d’intervenir pour protéger les Palestiniens de Jérusalem-Est.

Cette vague de terreur n’est pas partie de rien. Lors des élections législatives du 23 mars, le parti suprémiste Force Juive, Noam (parti anti-LGBT) et le Parti Sioniste Religieux ont tous obtenu des élus à la Knesset. À ces nouveaux députés il faut ajouter ceux qui siégeaient déjà dans l’ancienne législature dont le mandat a été reconduit, provenant des partis d’extrême droite : le Foyer Juif, Israël Notre Maison et le Shass (parti intégriste sépharade). Ces formations, qu’elles soient religieuses ou laïques, étaient toutes en ligne dans l’espoir de former un nouveau gouvernement dirigé par Benyamin Netanyahou. Certaines de ces organisations sont sorties de la clandestinité pour clamer désormais sur la place publique leur haine des Arabes. C’est le cas de Force Juive (dont les soutiens en France se trouvent dans la mal nommée Ligue de Défense Juive), épaulée par le mouvement ultranationaliste Lahava (« Flamme » en hébreu) et les ultra-orthodoxes de l’organisation Geoulah (du nom d’un quartier de Jérusalem peuplé surtout de Juifs intégristes). C’est dans ce contexte nauséabond que des nervis d’extrême droite se sont permis de commettre des crimes racistes, semant la terreur sans être entravés ni par la police, ni par la justice et encore moins par le gouvernement sortant dirigé par Netanyahou.

Comme à leur habitude, les milices extrémistes ne se sont pas contentées de s’attaquer aux seuls Palestiniens. Des Juifs sympathisants de gauche et même certains journalistes étaient également ciblés, illustrant la fascisation croissante de la société israélienne. En reprenant les conclusions de B’Tselem (le Centre d’information israélien sur les droits de l’homme dans les territoires occupés), l’ONG Human Rights Watch a déclaré que « Depuis des années, des voix éminentes ont averti du risque d’apartheid (…). Les autorités israéliennes ont déjà franchi ce seuil et commettent aujourd’hui les crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution ». Le journaliste français Dominique Vidal a exprimé son effroi : « Je n’avais jamais vécu une ratonnade de masse de près d’une semaine à Jérusalem ». Fin avril, dans une tribune publié par le quotidien de centre gauche Ha’aretz, un élu palestinien, Sami Abu Shehadeh, député à la Knesset de la Liste Arabe Unie, a précisé « Les alliés de Netantyahou, en particulier les députés de soutien kahaniste [Force Juive – NDLR] Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, ont appelé leur jeunesse fanatique à envahir les rues, à faire une démonstration de force et à former une foule pour harceler et attaquer les Palestiniens. Il était clair qu’il y avait une coordination avec la police ; ils étaient soutenus par des politiciens et des membres du gouvernement – pas une seule condamnation à ce jour ».

À Gaza, la résistance palestinienne a tiré une quinzaine de roquettes sur Israël en solidarité avec les Palestiniens de Jérusalem, donnant à Israël l’occasion de « riposter » de façon disproprotionnée avec de nouveaux bombardements. Des manifestations – dûrement réprimées – ont également eu lieu en Cisjordanie, à Qualandiya et à Bethléem.

Cela donne une idée de la façon dont les choses peuvent dégénérer quand la direction politique d’un pays laisse faire des petites frappes et autres apprentis fascistes. Cela n’annonce rien de bien pour les Palestiniens d’Israël, ni pour ceux des Territoires occupés. Elle présage même des heures sombres qui attend ce qui reste de la démocratie israélienne, menacée certes par l’extrême droite mais également par le gouvernement en place. Le 30 avril un rassemblement a eu lieu à Paris, Place de la République, pour protester contre les ratonnades de Jérusalem. Les Français et autres Européens aux prises avec l’extrême droite dans leur propre pays doivent tirer les conclusions qui s’imposent. Le danger se trouve du côté sombre de nos sociétés, y compris en occident.

Richard Wagman

6/05/21