Texte par Leslie CARRETERO
09/02/2017
Une centaine de personnes, associations, militants, ou simples citoyens ont manifesté à Paris pour dénoncer la politique migratoire du gouvernement et notamment le délit de solidarité envers les migrants. Portraits.
« Si la solidarité avec les étrangers est un délit, alors nous sommes tous délinquants », a clamé jeudi 9 février la centaine de personnes présentes à Paris pour dénoncer le délit de solidarité. Associations, militants, mais aussi simples citoyens se sont rassemblés place de la République pour critiquer la politique migratoire du gouvernement français et afficher ainsi leur solidarité avec les personnes qui ont aidé des migrants et se retrouvent aujourd’hui face à la justice.
« Juif, j’ai été caché pendant la guerre. En 1942, alors que je n’avais que cinq ans, j’ai bénéficié de la solidarité d’un conducteur de locomotive pour passer la ligne de démarcation. J’ai ensuite été mis à l’abri dans un collège chrétien à Lyon, puis dans la Haute-Loire. De 1943 à 1945, j’étais toujours dans la clandestinité mais cette fois chez des paysans très pauvres dans un petit village français. À ce moment-là, personne ne savait qui j’étais réellement.
L’Histoire se répète, pas de la même façon mais avec des similitudes. La chasse à l’homme contre les migrants ressemble énormément à celle qu’ont connue les juifs pendant la guerre. La seule différence est qu’il n’existe pas encore de camps en France mais ils sont sous-traités en Europe de l’Est, en Turquie et peut-être bientôt en Libye. Les juifs d’hier sont les migrants d’aujourd’hui. »
« Je ne suis ni militant ni membre d’une association mais il me paraissait important d’être présent aujourd’hui pour dénoncer le délit de solidarité. Ce qu’il se passe aujourd’hui en France me dépasse, la manière dont sont traités les migrants m’écœure. Comment de telles choses peuvent-elles se produire dans un pays comme la France ? On a des lois, une Constitution, et l’État ne les respectent pas. Les hommes politiques feraient mieux de regarder d’où ils viennent ».
« Nous sommes face à un État raciste et illégal. Les lois françaises et européennes ne sont pas respectées. Des personnes coupables d’aucun délit sont arrêtées tous les jours : 4 500 lors des rafles de migrants, dont 130 mineurs. C’est inacceptable. Punir la solidarité, c’est empêcher le débat !
La réponse de la mairie de Paris à la crise migratoire est de créer des camps qui restent des lieux de transit. Or, trois millions de logements sont vides en France et il y a 200 000 m2 d’espaces libres à Paris. Pourquoi ne pas y installer les migrants ? Le signal envoyé est clair : pour l’État, ces personnes n’ont pas vocation à rester en France. Il faut que le gouvernement dise clairement ‘on ne veut pas de migrants’ plutôt que de faire croire l’inverse. »
« Il y a anomalie dans la loi et dans les faits. La loi de décembre 2012 sur le délit de solidarité est censée créer une immunité pour les personnes venant en aide à des gens dans le besoin dans une démarche désintéressée et à but non lucratif. Or dans la réalité, des citoyens sont jugés pour avoir aidé des migrants. Le but : les décourager et de les dissuader de venir en aide à ces personnes, et réduire au silence ceux qui critiquent la politique migratoire de la France. La manière dont l’État gère la crise migratoire est inhumaine ».
« Dans le foyer pour lequel je travaille, les conditions d’accueil des migrants mineurs sont déplorables. Seuls quatre éducateurs pour 73 personnes sont présents dans la journée, et à partir de 18 h les jeunes sont livrés à eux-mêmes. Ils n’ont pas accès à une assistance psychologique ni à la scolarisation tant qu’ils ne sont pas évalués comme mineurs.
Pour avoir dénoncé ces conditions, j’ai été mise à pied et une procédure de licenciement pour faute lourde m’a été spécifiée. Je ne regrette pas mes propos. Au contraire, j’appelle depuis les travailleurs sociaux à créer un collectif pour les mineurs isolés étrangers ».