14 octobre 2021
Selon un rapport publié le 14 octobre par la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, les associations et personnes qui dénoncent les violations des droits des Palestiniens font l’objet d’une recrudescence d’attaques visant à les délégitimer, ce qui constitue une attaque contre les libertés associatives.
Les associations et personnes qui défendent le respect des droits de l’homme et du droit international en Palestine font face à une augmentation des attaques, notamment en France, selon un rapport intitulé Attaques, diffamation : décryptage des stratégies de délégitimation de la défense des Palestiniens [1] publié par la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine [2].
Afin d’attaquer les organisations de la société civile qui soutiennent les droits des Palestiniens, les acteurs de la délégitimation utilisent des stratégies variées : atteinte à la réputation via des accusations d’antisémitisme, de soutien au terrorisme et de troubles à l’ordre public, culpabilité par association, poursuites judiciaires, annulations et modifications d’événements académiques et culturels, interpellation d’acteurs publics tiers (personnel politique, bailleurs publics, etc.). Le rapport illustre par des cas concrets la recrudescence des tentatives de délégitimation depuis une dizaine d’années en Europe – en France notamment – et aux États-Unis.
Le rapport montre que ces attaques obéissent toujours à la même logique : les critiques du gouvernement israélien sont déformées pour les présenter comme des appels à la haine, ce qui entraîne une augmentation des risques liés au soutien des droits des Palestiniens. Ces entraves aux libertés associatives ont un effet de dissuasion, et participent in fine à la persistance des violations des droits de l’homme.
« Le combat contre l’antisémitisme doit continuer à avoir toute sa place dans la lutte contre le racisme en France, souligne François Leroux, président de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine. Mais cette juste cause ne devrait pas être dévoyée et instrumentalisée pour empêcher la dénonciation des violations du droit international par les autorités israéliennes. Aller à l’encontre du narratif d’Israël ne devrait pas exposer à des menaces ».
Le rapport explique qui sont les différents acteurs de la légitimation. On apprend d’ailleurs que le ministère israélien des affaires stratégiques a publié une série de rapports [3] visant à diffamer les organisations de la société civile qui défendent les droits des Palestiniens en Israël, en Palestine et partout dans le monde. Ces rapports utilisent de nombreuses informations publiées par l’organisation NGO Monitor, qui cible de manière sélective les organisations de défense des droits de l’Homme qui travaillent sur les violations du droit international en Palestine, et publie des informations tronquées et peu étayées, présentées comme des recherches factuelles approfondies.
En France les acteurs de la délégitimation se sont fortement engagés en 2019 en faveur de la résolution Maillard, qui dans son projet initial visait à rapprocher la critique d’Israël avec l’antisémitisme [4]. Plus généralement, ces acteurs – associations, think tanks, fondations… – réalisent un amalgame entre le mouvement BDS (boycott, désinvestissement, sanctions) et l’antisémitisme [5], et négligent la multiplicité des opinions des organisations de la société civile, dont certaines appellent uniquement au boycott des colonies et/ou au désinvestissement des entreprises présentes dans celles-ci.
« Depuis dix ans, les obstacles se sont multipliés en France pour tous ceux qui souhaitent prendre position contre les violations du droit international commises par Israël, regrette François Leroux. Le but est clair : stigmatiser, faire taire et dissuader d’autres personnes ou associations qui voudraient se joindre à la lutte contre l’injustice. »
Ces attaques répétées augmentent le coût des prises de position en faveur des droits du peuple palestinien [6]. Si de nombreuses stratégies échouent, les efforts nécessaires pour y résister que doivent fournir les organisations de la société civile, les bailleurs ou les pouvoirs publics peuvent être dissuasifs. Le corollaire de l’intensification des campagnes de délégitimation est une inquiétante réduction de la liberté d’expression des défenseurs des droits de l’homme, et des atteintes au droit de réunion, à la liberté d’association et au droit à agir en défense des droits de l’homme.
Le rapport formule plusieurs recommandations visant à garantir les libertés publiques et associatives. Parmi celles-ci, la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine appelle la France à rejeter publiquement les attaques des acteurs de la délégitimation comme cela a déjà été le cas dans d’autres pays, et à engager une réflexion sur la mise en place d’une procédure de reconnaissance pour mieux protéger les associations qui défendent les droits de l’Homme.
Contact presse :
Pierre Motin, responsable plaidoyer à la Plateforme Palestine : p.motin@plateforme-palestine.org 01 40 36 41 46
Notes aux rédactions :
- [1] Le rapport peut être téléchargé en suivant ce lien.
- [2] Créée en 1993 dans le contexte des accords d’Oslo, la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine regroupe une quarantaine d’organisations membres ou observatrices.
- Membres : Amani, Artisans du Monde, AURDIP, AFPS, AJPF, Cedetim, CEMEA, Chrétiens de la Méditerranée, Cimade, CICUP, CCFD-Terre Solidaire, Comité Palestine Israël 44-49, Comité Gaza Jérusalem Méditerranée, CVPR-PO, Enfants Réseau Monde/Services, FSGT, Ligue des droits de l’Homme, LIFPL-section française, MRAP, Mouvement de la Paix, MIR, MAN, One Justice, Pax Christi France, Première Urgence International, Secours Catholique-Caritas France, SIDI, Union juive française pour la paix.
- Observateurs : ACAT-France, Agir ensemble pour les droits de l’Homme, Amnesty International France, Association Pour Jérusalem, CRID, Collectif judéo-arabe et citoyen pour la Palestine, Francas, GAIC, Humanité & Inclusion, Médecins du Monde-France, Palmed France, Ritimo.
- [3] Le ministère des affaires stratégiques a notamment publié les rapports Money Trail et Terrorists in Suits
- [4] La résolution Maillard visant à fournir une définition non contraignante de l’antisémitisme avait reçu un avis défavorable de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme. Le projet de résolution donnait 11 exemples d’actes antisémites, dont 7 se concentraient sur la façon dont la critique d’Israël peut relever de l’antisémitisme. Elle a finalement été adoptée en décembre 2019 sans reprendre les exemples d’antisémitisme liés aux critiques envers Israël. Plus d’informations à ce propos.
- [5] Le 11 juin 2020, la Cour européenne des droits de l’Homme a conclu que la condamnation en France de onze militants pour leur appel au boycott des produits israéliens ne respectait pas le droit à la liberté d’expression. La cour a souligné que ces discours « concernaient un sujet d’intérêt général, celui du respect du droit international public par l’Etat d’Israël ».
- [6] La ministre de la Justice Nicole Belloubet a renoncé en décembre 2018 à présider la cérémonie de remise d’une récompense aux associations B’Tselem et Al-Haq, deux organisations reconnues de défense des droits de l’Homme respectivement israélienne et palestinienne, mises en cause par Israël et plusieurs organisations en France.