En ce jour, comme chaque année, nous nous recueillons pour rendre hommage aux victimes de la rafle la plus meurtrière de l’hexagone, organisée par l’État français et sa police.
Les 16 et 17 Juillet 1942, 13 152 personnes, dont un tiers d’enfants sont arrêtées par les quelques 9 000 policiers et gendarmes mobilisés pour l’occasion, puis amenés au Vélodrome d’Hiver ou dans des camps d’internement, avant d’être déportés vers les centres d’extermination nazis.
La mémoire de cet événement, et plus largement celle de la participation active de la France à la Shoah reste une tache aveugle de la mémoire officielle d’après-guerre.
L’ancien chef d’État François Mitterrand conserve ainsi un lien d’amitié fort avec René Bousquet, organisateur direct de la rafle, qu’il continue à fréquenter régulièrement.
De même, Maurice Papon, ancien préfet de Gironde ayant organisé la déportation des Juif.ves de la région, est nommé préfet de Paris par le général de Gaulle en 1958, poste depuis lequel il supervise le massacre de centaines d’Algérien.nes en octobre 1961.
André Tulard, instigateur du « fichier juif » utilisé par la Police française reçoit pour sa part la légion d’honneur en 1950, et ne sera jamais inquiété. Les exemples de collaborateurs directement liés à la rafle et n’ayant jamais eu à en subir les conséquences abondent. C’est le cas par exemple d’Émile Hennequin, de Pierre Garat, ou encore de Jean Leguay…
Il faudra attendre le discours de Jacques Chirac en 1995 pour que l’Etat français reconnaisse enfin sa responsabilité, contre le mythe officiel prévalant jusqu’alors que la France ait été à Londres entre 1940 et 1945. Cette position révisionniste est aujourd’hui encore reprise par des personnalités publiques de premier plan, de Gérald Darmanin à Marine Le Pen.
Le fait que les forces qui défendent aujourd’hui un projet raciste contre les populations issues de l’immigration post-coloniale tiennent ce type de propos démontre le continuum du racisme.
Pour commémorer nos morts, nous devons ainsi non seulement demander justice, mais également combattre la mécanique raciste dans son ensemble.
Les discours racistes saturent aujourd’hui l’espace public, entretenus par l’intégralité des médias mainstreams, y compris ceux du service public.
La fabrique d’un ennemi intérieur et les théories conspirationnistes sur lesquelles reposent actuellement l’islamophobie et la xénophobie envers les exilé.es, présentent des similarités évidentes avec les théories défendues par les antisémites du début du XXe siècle.
A l’instar de la théorie du “grand remplacement”, elles continuent en outre à cibler les Juif.ves, en les accusant d’être à l’initiative des mouvements migratoires censés permettre la destruction de l’occident blanc. Certains réseaux sociaux tels que X acceptent d’en faire la promotion.
Héritier direct de l’extrême-droite pétainiste, le Rassemblement National n’a jamais été aussi fort, et bénéficie d’une banalisation effrayante. Chaque fois qu’il prétend lutter contre l’antisémitisme, ce parti insulte la mémoire de nos grands-parents que l’Etat français a obligé à porter l’étoile jaune. Il est assisté en celà par la complaisance des médias.
La banalisation des discours racistes s’est par ailleurs accompagnée au cours des dernières décennies de l’adoption de lois discriminatoires, visant en particulier les musulman.nes. C’est le cas par exemple de la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux aux usager.ères de l’école publique.
De même, les tentatives régulières d’étendre considérablement le champs d’application de la déchéance de nationalité dans la loi, que ce soit le Parti Socialiste lors de la présidence Hollande, ou Les Républicains lors du vote de la loi immigration en 2023, présentent des similarités saisissantes avec les mesures ayant visé les Juif.ves sous Vichy.
Ce type de législation vise en effet à faire de certains de nos compatriotes des Français.es de seconde zone, ne bénéficiant pas des mêmes protections juridiques que l’ensemble de la population.
Enfin, la Police française qui a organisé et mis en œuvre la déportation des Juif.ves est aujourd’hui le corps de l’État qui manifeste le plus violemment les aspects structurels et/ou systémiques du racisme. Les insultes à caractère antisémites, islamophobes, négrophobes ou antitsiganistes proférés par ses membres sont omniprésentes, de même que la reprise de symboles nazis ou suprémacistes.
Souligner la persistance de la structuration raciste de l’Etat français ne revient pas à rabattre la situation actuelle sur celle des années 1940. Mais l’histoire nous enseigne que les processus racistes qui conduisent finalement à l’élimination physique d’individus jugés indésirables sont mis en œuvre étape par étape. C’est la raison pour laquelle nous devons faire preuve de la plus grande vigilance.
Parce qu’elle nous est chère, nous refusons la transformation de notre mémoire en catéchisme républicain, qui permette aux racistes d’hier et d’aujourd’hui de faire la preuve de leur respectabilité.
L’hommage à nos morts nous oblige à tenir aujourd’hui une ligne radicalement antifasciste et antiraciste.
C’est par la lutte que nous leur serons fidèles.