Le 17 octobre 2024
Le cas de l’Afrique du Sud ne procure pas un guide stratégique. La population indigène n’est ni nécessaire ni voulue. Le sionisme a deux objectifs stratégiques-clef : le nettoyage ethnique et le maintien de son hégémonie dans la région : explications de Moshé Machover.
Manifestation à Gaza contre la guerre menée par Israël contre Gaza
La situation évolue très vite et je suppose que la plupart des gens suivent les nouvelles. Mais je veux parler de ce qu’il y a réellement derrière la guerre multiforme au Moyen Orient (c‘est à dire plusieurs guerres qui se déroulent en même temps).
La réponse courte se situe dans les objectifs stratégiques essentiels, importants et de long terme d’Israël, donc il ne s’agit pas seulement de l’actuel gouvernement israélien. Le premier de ces objectifs stratégiques est le nettoyage ethnique des Palestiniens et l’annexion de ce qu’il reste de la « Terre Promise ». Le second est d’établir et de renforcer l’hégémonie israélienne dans la région.
Si l’on entre dans les détails, il est important de se rappeler ce qui leur est sous-jacent. Par exemple, la plupart des commentateurs considèrent des épisodes pris isolément, comme ce qui est arrivé le 7 octobre l’an dernier et c’est là qu’on voit l’effet de la propagande israélienne. Pour ces commentateurs, c’est comme si tout le conflit au Moyen Orient avait commencé avec l’attaque du Hamas l’année dernière.
Les meilleurs commentateurs commencent bien avant – disons, lors de la guerre de 1967 – et certains de ceux qui vont plus loin commencent même encore avant. Mais c’est une manière erronée de regarder cela – permettez-moi de citer où ce type d’approche amène. Je cite un éditorial du Guardian sur la guerre d’Israël au Liban. C’est un très bon éditorial en fait, mais voici ce qu’il dit : « Benjamin Netanyahou semble ne pas avoir en tête de plan à long terme, pas de stratégie claire en vue d’une issue » (1er octobre).
C’est une conclusion à laquelle on arrive si l’on regarde cet épisode de façon isolée, hors de son contexte historique : une chaîne, non pas « épisode après épisode », mais une évolution d’événements depuis le début du projet sioniste de colonisation. Les commentateurs – même les meilleurs – regardent chaque événement comme un élément séparé, un épisode séparé ; et ils demandent : « Quel sera le dénouement de cette guerre ? » C’est comme si cette guerre doit avoir son propre dénouement isolé, alors où est sa stratégie pour en sortir ? »
Premiers principes
Retournons aux premiers principes : considérez la nature fondamentale du projet sioniste de colonisation et à partir de l’analyse de ces principes premiers, nous pouvons faire quelques déductions importantes, parce qu’Israël agit à chaque épisode en vue d’avancer dans sa stratégie à long terme. Et donc nous pouvons prévoir pas mal de choses avec une haute probabilité. On ne peut certes tout prévoir avec certitude. Il y a des contingences ; mais le principal contour de la stratégie déployée suit les principes fondamentaux qui sous-tendent le projet sioniste de colonisation depuis son tout début.
Donc commençons par le principe numéro un. C’est quelque chose que je ne cesse de répéter chaque fois que je parle du conflit au Moyen Orient, parce que c’est une clé fondamentale pour la compréhension de la nature de la colonisation sioniste. Le modèle sioniste de colonisation n’est pas le même et ne ressemble pas à celui de l’Afrique du Sud. Beaucoup de gens sont trompés par la reconnaissance que ce qu’il y a en Israël et dans ses territoires occupés est une sorte d’apartheid et le conflit colonial que la plupart des gens se rappellent de leur vivant est celui de l’Afrique du Sud, parce que c’est le plus récent (des gens plus âgés peuvent se rappeler la décolonisation de l’Algérie). Ils sont aussi, je pense, un peu égarés par la description académique à la fois de la colonisation sud-africaine et de la colonisation sioniste et ils placent la colonisation sioniste et celle de l’Afrique du Sud sous le même titre, comme si elles étaient de la même sorte.
Dans ce contexte, je pense que nous devrions effectuer une analyse marxiste du colonialisme. Ici, la clef de compréhension de la nature d’un conflit est l’économie politique de l’État colonial. Le mode de production, si vous voulez : qui réalise la majeure partie de la production directe ? Qui sont les principaux producteurs directs ? Et si vous considérez l’Afrique du Sud, vous verrez qu’en arrière-plan de l’apartheid – comme maintenant – la principale production directe était effectuée par les indigènes, non par les colons. Les colons en ont fait, mais pour la plupart, ils étaient dans la position d’exploiteurs : c’est-à-dire, non engagés dans la production matérielle directe, qui était faite par les indigènes.
Ce n’est pas du tout la même chose pour ce qui est de la colonisation de la Palestine – une comparaison plus pertinente n’est pas avec l’Afrique du Sud mais avec l’Australie ou l’Amérique du Nord – aux États-Unis par exemple – et vous verrez que, puisque les indigènes n’étaient pas nécessaires comme force de travail exploitable, ils étaient en excédent du besoin : les colonisateurs, plutôt qu’exploiter leur force de travail, se sont employés à se débarrasser d’eux par divers moyens, diverses formes de nettoyage ethnique – et cela a bien sûr été un très long processus.
La plupart des gens qui réfléchissent sur la colonisation aujourd’hui n’ont pas à l’esprit ces formes anciennes – le cas sioniste est, comme il l’était, un anachronisme. Il a commencé à faire au 20è siècle plus ou moins ce que l’Australie et l’Amérique du Nord avaient réalisé bien, bien longtemps auparavant.
Le processus aux États-Unis est connu sous le nom de guerres indiennes et les différents épisodes du conflit ont abouti à l’extermination partielle et à d’autres formes de nettoyage ethnique de la population indigène. Les guerres indiennes ont occupé l’essentiel de trois siècles. En Australie aussi le processus fut long, mais pas autant ; les conditions étaient très différentes, parce que là le peuple indigène avait un mode de production bien plus ancien qu’en Amérique du Nord. En Australie, cela a pris un peu plus de cent ans, donc là aussi un temps assez long.
Tout cela n’était pas quelque chose qui s’est effectué en un bref laps de temps. Ce fut un long processus, composé de nombreux épisodes distincts. Les guerres indiennes ne furent pas un événement unique, mais une chaîne d’événements. Et si l’on considère une guerre indienne particulière et que l’on demande : « Quelle a été l’issue de cette guerre ? Quelle stratégie pour en sortir ? La question n’aurait pas de sens, parce qu’on ne peut pas considérer chaque guerre indienne comme un épisode séparé du reste. Si l’on considère chaque épisode, on ne se rend pas compte de vers quoi tout cela mène – il faut le voir comme une partie d’un processus à long terme.
La majorité juive
Maintenant, si l’on considère la colonisation de ladite terre promise, on peut voir que nous sommes actuellement au milieu de ce processus. Le but à long terme est d’avoir une majorité juive bien établie sur la totalité de cet espace – qui est, a minima, le territoire s’étendant « entre la mer et le Jourdain », pour utiliser une description pratique. Mais en vérité il peut comporter un petit peu plus que cela. Les gens oublient l’annexion d’une partie de la Syrie sur le plateau du Golan, qui a aussi fait l’objet d’un nettoyage ethnique de la majorité de sa population arabe et donnée à des colons israéliens pour la coloniser.
Ainsi, ce que nous voyons, c’est tout un continuum de tentatives pour se débarrasser des Arabes palestiniens et d’annexer toue la Palestine. Mais bien sûr, du point de vue des colonisateurs, ce processus requiert une situation de « crise », ou est mené au mieux dans une telle situation. La caractéristique du nettoyage ethnique est d’être effectué dans une situation de guerre.
Cela veut dire que le projet sioniste, et aujourd’hui l’État israélien, est dans une situation de guerre quasi-permanente. Des épisodes distincts de la guerre peuvent être initiés par Israël, sans répondre à aucune provocation ou se produire comme réponse à une provocation réelle ou apparente. Ils peuvent surprendre.
Prenez la guerre de Suez en 1956, lancée au départ par Israël, la France et la Grande Bretagne tout à fait à l’improviste. Et ce, de leur propre initiative, et non en réponse à quelque provocation guerrière que ce soit de la part de l’Égypte ou de quiconque. C’était un complot prémédité par ces pays. Mais un tel événement peut se produire comme réponse apparente à une « menace de guerre » comme en juin 1967 lorsqu’Israël a répondu à ce qui est décrit, ou à ce qui paraissait être, une menace d’attaque de la part de l’Égypte. Israël a agi – selon sa propre propagande – de manière à empêcher une guerre. Mais en réalité, comme c’est apparu plus tard, il n’était pas en danger d’être attaqué à ce moment-là.
Ou, un événement réel peut certes se produire vraiment par surprise, comme le 7 octobre 2023. Mais en tous cas, que l’acte fut prémédité, une provocation délibérée de la part d’Israël ou une réponse à une attaque d’autres pays contre lui, Israël a fait usage du conflit pour pousser plus loin ses objectifs stratégiques fondamentaux.
Donc, je pense que nous devrions considérer la guerre actuelle – ou l’ensemble de guerres qui se déroulent en ce moment – comme une partie de la longue chaîne de guerres destinées, entre autres, à accomplir le nettoyage ethnique des Palestiniens et l’annexion de leur territoire. Rien ne peut certes être prédit en toute certitude, mais je pense que nous pouvons prévoir cela avec une assez forte probabilité.
Ce qui ne peut être prévu avec certitude concerne la possibilité qu’Israël parvienne à réaliser cette colonisation en cours de la Palestine et à établir là un suprématisme juif, un État à majorité juive. La question reste ouverte. Les exemples historiques que j’ai cités – à savoir l’Amérique du Nord et l’Australie – vont dans ce sens. Les deux ont fini par gagner dans l’accomplissement du nettoyage ethnique et de la réduction du peuple indigène à des minorités incapables de récupérer leur terre natale.
Un autre siècle
Il y a, néanmoins, des facteurs compensateurs. Tout d’abord, nous sommes maintenant au 21è siècle et les choses sont assez différentes. Le poids de l’opinion publique mondiale est plus important – pas assez mais cela pèse quand même – en particulier en dehors des pays impérialistes. De plus, en Amérique du Nord comme en Australie, les colonisateurs étaient face à une société prémoderne, isolée, divisée entre plusieurs groupes ethniques et les indigènes étaient isolés. En Palestine les Arabes palestiniens indigènes sont une formation nationale, moderne, unique. Et, de plus, ils font partie d’une formation nationale plus large – celle de la nation panarabe du Moyen Orient. Et, jusqu’à présent, en Amérique du Nord et en Australie où l’immigration massive de colons principalement européens a submergé les indigènes numériquement, le projet sioniste n’a pas fait en sorte d’agir de même. La Palestine n’est pas une destination attractive et de toute façon, le projet sioniste n’était intéressé que par l’immigration juive. Aussi la réserve potentielle d’immigrants était assez petite : ce n’étaient que des Juifs, qui étaient soit motivés idéologiquement ou qui n’avaient pas d’autre choix de destination lorsqu’ils devaient fuir leur pays d’origine.
Le deuxième objectif stratégique que je voulais mentionner découle de la nature unique de la colonisation sioniste (quelque chose qui, autant que je sache, n’a pas d’équivalent dans l’histoire de la colonisation), qui est que les colons sionistes n’avaient pas de métropole. Si l’on prend les cas que j’ai cités en comparaison, en Australie et en Amérique du Nord, les colons étaient pour la plupart citoyens d’une métropole, en l’occurrence de la Grande Bretagne qui les a envoyés pour coloniser ces territoires et leur apporter le soutien et la puissance militaire nécessaire dans le processus de colonisation.
Ainsi, en ce sens la colonisation sioniste est unique. N’ayant pas de métropole, pas de terre-mère les ayant envoyés là, les colonisateurs sionistes avaient besoin d’une mère de substitution – et c’était le cas dès le tout début, comme on peut le voir dans les écrits des leaders premiers du projet sioniste, qui envisageaient bien le nettoyage ethnique de la population indigène. Ils discutèrent aussi de moyens de compenser l’absence de patrie. Le moyen d’avoir, pour ainsi dire, une mère de substitution, était de faire un arrangement avec l’empire qui dominait le Moyen Orient. Dès le début, les sionistes ont obtenu une franchise de l’empire dominant la région à tout moment. En d’autres termes, l’État sioniste agit sous licence comme un franchisé de l’empire hégémonique ou pouvoir impérialiste.
Cela ne veut pas dire que l’État sioniste, ou le projet sioniste avant la création d’Israël, est fait de mercenaires : c’est-à-dire de soldats passifs qui font ce que leur dit quiconque les recrute. Ce n’est pas vraiment le cas avec le projet sioniste ! Il est proactif – plutôt comme un contractant quasi-indépendant – et avec cette capacité, il aspire à un monopole régional, aspirant à être le seul contractant de la région dans laquelle il se situe. Donc le second objectif stratégique est l’hégémonie régionale.
J’introduis ici une citation prise sur Facebook de Michaël Karadjis qui, je pense, est tout à fait appropriée :
Israël est le seul véritable allié des États-Unis dans la région. Et, plus Israël est extrémiste, plus il ne peut être qu’allié des États-Unis. Ni la Russie ni la Chine n’ont pu soutenir Israël avec une telle ampleur sans perdre leurs alliances avec l’Arabie Saoudite, les pays du Golfe, l’Égypte etc. alors que les États-Unis, avec leur pouvoir militaire immensément supérieur, le peuvent. Bien sûr, sous ce régime israélien, cela va plus loin que ce que les États-Unis auraient préféré dans la perspective de restaurer un semblant de stabilité régionale. Mais il est essentiellement lié à Israël. Israël a aussi besoin de montrer aux États Unis son pouvoir de « force de dissuasion » régionale. Les USA auraient peut-être préféré que Netanyahou ne bombarde pas le Liban parce que les États-Unis n’ont pas besoin de force de dissuasion vis-à-vis du Liban (ou de l’Iran). Mais, en démontrant son incroyable force de dissuasion face à la nuisance du Hezbollah sur sa frontière, il montre aux USA que son utilisation potentielle à venir est un bon investissement.
En fait, en faisant montre de son pouvoir, Israël signale aux États-Unis son potentiel comme bon investissement. C’est-à-dire, si le grand patron de la mafia veut trouver un franchisé local pour lui, alors la meilleure affaire que puisse faire un mafioso local pour obtenir cette franchise, est de montrer qu’il est le seul mafioso dans cette zone particulière – le contrat est donné au plus féroce, au plus fort, au plus agressif candidat à ce rôle.
Une réunion stratégique
Considérez les guerres dans lesquelles Israël s’est engagé. Toutes ont été faites – ou tentées d’être faites – non seulement pour accomplir le nettoyage ethnique des Palestiniens, mais pour assurer ou renforcer l’hégémonie régionale d’Israël. Cela s’applique à toutes les guerres que j’ai mentionnées jusqu’ici, mais maintenant je veux me centrer sur une guerre qui, et c’est remarquable, n’occasionne pas beaucoup de discussions de nos jours : la guerre de Suez.
Elle est, je pense, négligée, parce qu’en quelque sorte, elle semble ne pas avoir été couronnée de succès. Elle a échoué parce que les complices dans cette guerre – Israël, la Grande Bretagne et la France – ont dû se retirer après un temps assez bref. Israël occupait la bande de Gaza à ce moment-là et réfléchissait déjà au nettoyage ethnique de Gaza mais n’a pas eu le temps de le réaliser. Il a brièvement occupé la péninsule du Sinaï aussi mais fut rapidement forcé par les États-Unis de se retirer.
Il convient de considérer le plan que le premier ministre de l’époque, David Ben Gourion, a présenté le 22 octobre 1956 à la réunion secrète tenue par les comploteurs à Sèvres près de Paris. Les minutes de la réunion devaient être détruites, mais une copie a malgré tout été préservée et publiée par l’historien israélien Avi Shlaïm :
[Ben-Gourion]1 a présenté un plan exhaustif, qu’il a lui-même qualifié de « fantastique », en vue de la réorganisation du Moyen Orient. La Jordanie, a-t-il observé, n’était pas viable en tant qu’État indépendant et devait donc être divisée. [La Jordanie s’étendait à la fois sur la rive Est et la rive Ouest du Jourdain, celle-ci sous occupation israélienne maintenant]. L’Irak se verrait remettre la rive Est [donc ce qui est actuellement le royaume de Jordanie] en échange de la promesse d’installer là les réfugiés palestiniens et de faire la paix avec Israël, tandis que la Cisjordanie serait rattachée à Israël en tant que région semi-autonome. Le Liban souffrait d’avoir une nombreuse population musulmane concentrée dans le Sud. Le problème pouvait être résolu par l’expansion d’Israël jusqu’à la rivière Litani, aidant par là à transformer le Liban en un État plus compact et chrétien. Parallèlement, le Canal de Suez devrait être doté d’un statut international, tandis que le détroit de Tiran dans le golfe d’Aqaba devait passer sous contrôle israélien pour assurer la liberté de navigation. Une condition préalable au succès de ce plan était l’élimination de [président égyptien Gamal Abdel] Nasser et le remplacement de son régime par un gouvernement pro-occidental qui serait aussi préparé à faire la paix avec Israël2.
Aussi pouvons-nous voir que ce qui se déroule maintenant n’est pas nouveau. Cela fait partie du plan sioniste à long terme et n’a certainement pas été inventé par Netanyahou.
Tandis qu’Israël n’a pas réussi à réaliser son premier objectif stratégique (le nettoyage ethnique et l’annexion) en 1956, la guerre de Suez a marqué une avancée majeure sur l’autre objectif. En récompense de sa participation au complot, il a été aidé par la France à devenir une puissance nucléaire, détenant un monopole nucléaire régional jalousement protégé.
Je ne sais pas combien de personnes lisant cela se rappelleront la guerre de Suez (nombreux sont probablement ceux qui n’étaient pas encore nés). Mais je peux dire que ce n’est pas seulement, je pense, un épisode très intéressant de l’histoire du Moyen Orient et de toute la chaîne de guerres israéliennes qui visaient, à long terme, à réaliser des objectifs stratégiques : pour moi personnellement ce fut un événement crucial qui m’a ouvert les yeux sur la nature du projet sioniste.
Ainsi, les guerres israélo-libanaises reflètent jusqu’à un certain point ce que Ben Gourion a proposé et ce qui se déroule aujourd’hui devrait être considéré sous cet angle – non pas comme une réponse de court terme ou tactique, ce que la plupart des commentateurs voudraient nous faire croire, mais une partie des objectifs stratégiques à long terme d’Israël dans la région.
Dans ce contexte, j’aimerais ajouter que ce qui est révélé est que les attaques en cours d’Israël sur le Hezbollah, la façon de faire exploser des bipeurs et ainsi de suite, ne sont pas des réflexes de court-terme auxquels Israël aurait juste pensé sur un coup de tête. Elles ont été préparées de longue date. En fait, comme le Washington Post et d’autres organes de presse l’ont indiqué, cette guerre a été en préparation depuis des années. Donc l’attaque du Hezbollah – tout d’abord de manière à réaliser les objectifs d’Israël au Liban-même et ensuite comme ouverture vers le renforcement de l’hégémonie sur tout le Moyen Orient (ce qui requiert aussi d’affaiblir la position de l’Iran) – ont fait l’objet d’une préparation de longue date.
En fait, certains commentateurs ont correctement indiqué qu’Israël était tellement préoccupé par la préparation d’une attaque du Hezbollah comme début d’une guerre avec l’Iran qu’il avait négligé ce qu’il se passait effectivement dans la bande de Gaza et qu’il avait donc été pris par surprise en octobre l’an dernier, parce qu’il était concentré sur le Liban3.
Donc, ironiquement et à l’inverse de ce qui semble à beaucoup de gens être le cas, le conflit actuel avec le Hezbollah n’est pas une simple conséquence de la guerre d’Israël contre les Palestiniens de Gaza. Ainsi que je l’ai déclaré, nombreux sont ceux qui pensent la guerre génocidaire actuelle d’un point de vue de court-terme, mais en fait si on la considère dans le long terme, c’est l’opposé.
Israël va-t-il gagner ? Nous pouvons certainement dire quels sont ses objectifs stratégiques, quant à savoir s’il va réussir à les réaliser, c’est quelque chose que je ne voudrais pas prédire – toutes sortes d’incertitudes existent, dont la fragilité de la société israélienne elle-même. Aussi je ne fais pas de prédictions sur le résultat possible de cette guerre ; c’est une question très ouverte. C’est pourquoi j’ai insisté sur le besoin de se concentrer sur la nature à grande échelle et à long terme de ce qui se déroule actuellement.
Cet article est base sur la communication de Moshé Machover au Forum Communiste en ligne du 6 octobre :
Traduction SF pour l’AURDIP
Article originel en anglais sur le site Weekly Worker
- Les mots et phrases entre [ ] sont des ajouts de M. Machover à la citation d’Avi Shlaïm[↩]
- Avi ShlaÏm : ‘Le protocole de Sèvres,1956 : anatomie d’un complot de guerre’ International Affairs, 73:3 (1997), pp509-30[↩]
- A Tibon, Le paradoxe ‘Hezbollah-Hamas : la guerre à laquelle Israël se préparait et celle qu’il n’a pas vu venir. Haaretz, 29 septembre 2024[↩]