Georges Ibrahim Abdallah : la France détient un des plus vieux prisonniers politiques d’Europe.
Il est des records dont on se passerait bien, surtout en France, pays se revendiquant héritier de la révolution et aspirant à diffuser sa « lumineuse » conception des droits de l’homme. Ce record, quel est –il ? : détenir le plus ancien prisonnier politique du pays et l’un des plus vieux d’Europe, à savoir Georges Ibrahim Abdallah, militant communiste arabe, anti-impérialiste et anticapitaliste.
Alors que la justice française par deux fois a prononcé sa libération, le gouvernement, au mépris des principes constitutionnels assurant l’indépendance de la justice, garde Georges enfermé au nom de viles tractations politiciennes. Qui donne les ordres ? Les États-Unis d’Amérique et Israël. Dans cette affaire ils sont seuls aux commandes, faisant de la prison de Lannemezan, non loin de Toulouse, une annexe des prisons états-uniennes.
Cela fait 34 ans que ça dure… 34 ans d’enfermement, 34 ans de résistance.
Georges Ibrahim Abdallah est né dans le Nord du Liban en 1951. Il a suivi ses études à l’École Normale et en est sorti diplômé en 1970. Georges a grandi à une époque où la crise structurelle de l’entité libanaise est à son paroxysme. Les ceintures de la misère autour de Beyrouth, les villes et les villages du Sud et les camps de réfugiés aux abords des principales villes incarneront dès lors et pour de longues années les enjeux du mouvement révolutionnaire. Cette réalité de lutte, de résistance et de sacrifice qui a court en ces lieux d’extrême précarité a construit la conscience politique de Georges Abdallah et déterminé son engagement révolutionnaire. Il choisit la résistance face aux massacres de masse perpétrés par les bourgeois confessionnalistes de tous bords et leurs alliés israéliens et franco-américains et commence son engagement politique dans les rangs du Parti National Social Syrien, progressiste et pan-arabe, pour rejoindre ensuite la résistance palestinienne, en adhérant au FPLP.
Le 14 mars 1978, l’armée sioniste envahit le Liban pour y détruire les bases des organisations palestiniennes au sud. L’armée sioniste tue 1186 civils libanais, provoque le départ de 285.000 réfugiés, endommage 82 villages et rase complètement six d’entre eux.
Georges Abdallah combat dans les rangs du FPLP cette invasion et sera blessé à cette occasion.
Après des mois d’agressions en tous genres (bombardements aériens et navals, raids héliportés, attaques menées par l’intermédiaire de supplétifs mercenaires comme l’Armée du Sud Liban), l’armée israélienne envahit le Liban le 6 juin 1982 elle y a perdu 670 soldats.
18.000 combattants arabes sont morts durant cette guerre (soldats syriens, combattants de la gauche libanaise et des organisations palestiniennes). Des centaines de militants arabes capturés et « disparus » dans les camps d’Ansar et de Khiam. Le bilan final de l’opération ’Paix pour la Galilée’ est éloquent : 25.000 morts, 45.000 blessés, Beyrouth dévastée par des semaines de siège et de bombardements.
Les 16 et 17 septembre, c’est le massacre de Sabra et Chatila. L’armée israélienne, qui a encerclé ces deux camps de réfugiés palestiniens de Beyrouth Ouest sans défense, laisse entrer les tueurs des milices fascistes chrétiennes et observent le massacre. Entre 1000 et 5000 civils désarmés sont froidement assassinés. Cette invasion fut perpétrée avec la complicité générale des puissances occidentales.
En réaction, des combattants libanais et arabes allèrent porter la guerre contre le sionisme et l’impérialisme dans le monde. Ce fut le cas des Fraction Armées Révolutionnaires Libanaises (FARL) qui entrèrent en action en Europe. Exécution de Yacov Barsimantov, le secrétaire en second à l’ambassade israélienne en France et, surtout, responsable du Mossad en France (abattu par une jeune femme le 3 avril 1982).
Voici un des communiqués des FARL :
« La presse impérialiste et les gouvernements qui soutiennent l’impérialisme, comme le gouvernement Français, crient au « terrorisme ». Qui sont les terroristes ? Ceux qui tuent un jeune Cisjordanien parce qu’il résiste à l’annexion de son pays par Israël, ceux qui bombardent les populations civiles du Sud Liban,
ceux qui tuent aveuglément et osent se réclamer d’un pseudo « cessez-le-feu ». Nous, nous attaquons ceux qui organisent le génocide du peuple Palestinien. Nous, nous sauvegardons la vie des innocents même au péril de notre propre sécurité. Depuis sept ans le peuple Libanais subit la guerre. Depuis sept ans l’impérialisme, sous le couvert de la lutte contre les « fanatiques Palestiniens », détruit tout ce qui est progressiste au Liban. C’est notre droit de nous défendre. C’est notre droit aussi d’attaquer l’impérialisme partout où il sévit et en particulier là où il bénéficie du soutien politique du gouvernement en place. Nous poursuivrons notre guerre à la guerre impérialiste jusqu’à la victoire. » Fraction Armée Révolutionnaire Libanais, Paris, le 7 avril 1982.
Les autorités françaises arrêtèrent Georges Ibrahim Abdallah le 24 octobre 1984 à Lyon. L’incarcération n’était motivée que par la détention de vrais faux papiers d’identité : un passeport délivré légalement par les autorités algériennes. Les autorités françaises avaient promis au gouvernement Algérien la mise en liberté de Georges Ibrahim Abdallah. Dans ce but, elles avaient envoyé le chef du département des services secrets français en Algérie pour en informer le gouvernement Algérien. Dans le journal mémoire qu’il a fait éditer, Jacques Attali, le conseiller du président français François Mitterrand, écrivait : « Jeudi 28 mars 1985. Yves Bonnet, patron de la DST, envoyé à Alger, explique qu’Abdallah, arrêté à Lyon, sera libéré pendant l’été en raison des faibles charges qui pèsent contre lui. » Mais les autorités françaises ne respectèrent pas cet engagement.
Les autorités françaises étaient alors soumises à une pression directe des États-Unis. De nombreuses immixtions américaines s’étaient exercées pour pousser les autorités françaises à ne pas relâcher Georges Abdallah. Les Etats-Unis s’étaient constitués partie civile dans le procès. Les pressions sionistes ne manquaient pas non plus.
A ce moment, la France était sous l’effet d’une série d’attentats aveugles à Paris entre 1986 et 1987, et qui avaient fait de nombreuses victimes françaises. En fait, ces attentats étaient commis par un réseau proche de l’Iran. Pour rassurer l’opinion publique française (en la désinformant), les services secrets français accusèrent les frères de Georges Ibrahim Abdallah de ces attentats.
Le premier mars 1987, les autorités françaises jugèrent une deuxième fois Georges Ibrahim Abdallah.
Il fut accusé de conspiration dans des actes terroristes (d’avoir fondé les Fractions Armées Révolutionnaires Libanaises et d’en avoir planifié les opérations). Un verdict de condamnation à perpétuité fut prononcé. Pour ce procès, les autorités françaises avaient constitué un tribunal spécial antiterroriste pouvant prononcer ses verdicts sur base des données fournies par les services secrets, sans avoir recours aux preuves juridiques ou aux témoins, contrairement aux codes de procédure. Absolument personne ne s’était présenté en témoignage de l’implication de Georges Abdallah dans tout ce qu’on lui attribuait comme charges. Un coupable sans preuve. La condamnation à perpétuité de Georges Abdallah et l’accusation lancée contre ses frères servirent à désinformer le peuple français sous le choc des attentats massacres des groupes iraniens, à satisfaire les Américains et les sionistes, et à faire apparaître la France comme un pays pouvant combattre le terrorisme.
Vous l’avez compris, c’est bien autour de mensonges politiques que Georges a été enfermé à perpétuité… De résistant face à l’ignominie des violences d’états impérialistes, on a fabriqué un terroriste pour détourner l’opinion publique et légitimer le maintien des colonies en Palestine…
Comment ne pas réagir alors que la France est prise en flagrant délit d’injustice ?
A l’heure où Georges rentre dans sa trentième cinquième année de détention, nous avons tous la possibilité de dénoncer les mascarades judiciaires, les manipulations médiatiques, les mensonges politiques mais aussi l’oubli des camarades dont le cœur n’est plus aussi rouge qu’il le faudrait…
Georges est ce résistant que nos politiques ont eu l’audace de faire passer pour un terroriste, insultant ainsi la mémoire de la Résistance française.
Georges est ce communiste qui a été abandonné par la grande majorité de sa famille politique.
Georges est cet Arabe lâché en pâture par des dirigeants arabes corrompus et soumis aux ordres des yankees.
Georges est ce militant anticolonialiste enfermé en France et dont les héritiers de Abdel Krim Al Khattabi à Ferhat Hached en passant par Ahmed Zabana n’ont pas su être solidaires.
Ce résistant est d’abord victime de l’oubli… On a oublié Georges comme on a oublié nos luttes et celle des anciens contre l’impérialisme, contre le colonialisme et contre le racisme d’état qui en découle…
Il n’est pas trop tard ! Beaucoup déjà tentent de faire entendre la voix de Georges et son combat qui est aussi le nôtre à tous, en France, en Europe, au Maghreb, en Amérique latine, dans les pays arabes… Beaucoup travaillent à lutter encore et toujours… Il faut les rejoindre, il faut construire le rapport de force. Il nous faut créer des solidarités nationales et internationales pour que cessent l’hégémonie étatique, la dictature du fric, le continuum colonial et le racisme d’état. Il nous faut marcher de front pour libérer nos frères, nos camarades, nos potes de lutte. Chacun dans son coin nous n’arriverons à rien, comme le dit si bien Georges : « C’est ensemble et qu’ensemble que nous vaincrons ! »
RDV le 20 octobre 2018 à 14 h : Manifestation nationale devant la geôle siono-sinistre de Lannemezan en France afin d’exiger la libération immédiate de Georges Ibrahim Abdallah ! (voir également notre article)
Soraya Chekkat, 19 .10.2018
http://liberonsgeorges.samizdat.net/
Ecrire à Georges : Monsieur Georges Ibrahim ABDALLAH 2388/A221 CP de Lannemezan 204 rue des Saligues -BP 70166 65307 LANNEMEZAN