13 août
Nous sommes un collectif de personnes juives et israéliennes en Suisse et hors de Suisse qui reconnaît et condamne le caractère colonial du sionisme. Les forces armées israéliennes ou les organisations paramilitaires qui les ont précédées ont imposé la colonisation de la Palestine par la Nakba (catastrophe en arabe), l’expulsion continue et violente et l’extermination de la vie palestinienne. Dans le cadre de cette colonisation, Israël a mis en place un système d’apartheid et le maintient par des moyens administratifs et guerriers. Nous ne condamnons donc pas seulement la politique de droite d’Israël ou la guerre et l’occupation, mais le projet ethno-nationaliste sioniste dans son ensemble
Nous ne voulons pas accepter les conditions violentes et racistes qui règnent en Palestine/Israël. Sans la justice, la liberté et le droit au retour pour toutes les personnes déplacées par la colonisation, la revendication libérale de paix et de réconciliation, souvent hypocritement opposée à la résistance palestinienne, n’est rien d’autre qu’une revendication de soumission. Mais il est avant tout nécessaire de reconnaître la Nakba et d’effectuer des réparations. Cela implique la libération des prisonniers politiques, la fin de l’occupation et l’égalité des droits, la paix, la sécurité et la liberté pour tous les habitant.e.s du Jourdain à la Méditerranée.
L’État israélien, les institutions juives ainsi que les politiciens et les médias suisses répondent souvent à la résistance palestinienne anti-coloniale par une accusation globale d’antisémitisme et réduisent ainsi au silence les voix palestiniennes tout en délégitimant et en empêchant les mouvements de solidarité. Ces accusations globales sont en outre racistes, parce qu’elles n’accordent pas de positions progressistes aux Palestinien.ne.s et parce que les auteurs de ces accusations partent eux-mêmes du principe que les Juifs israéliens et les Palestinien.ne.s ne peuvent pas vivre en paix ensemble.
En tant que personnes juives en Suisse, nous sommes dans une position privilégiée par rapport aux personnes palestiniennes. Parce que nous sommes davantage écoutées, nous considérons qu’il est de notre devoir de soutenir et d’amplifier les voix et les récits palestiniens. En revanche, nous ne considérons pas qu’il est de notre rôle de juger de la légitimité des stratégies de résistance palestiniennes. Nous nous positionnons clairement contre l’instrumentalisation abusive de l’accusation d’antisémitisme à laquelle sont souvent confrontées des campagnes telles que BDS. Il est important pour nous de nous solidariser avec les personnes concernées par ces stratégies de mise sous silence et de formuler au contraire une critique radicale de l’Israël colonial.
En Suisse, on a pu observer ces derniers temps comment certains politiciens et médias, sous prétexte de sécurité juive, s’acharnent contre les personnes racisées, notamment musulmanes, en exigeant répression et expulsions. Au lieu de se pencher sur la triste histoire des personnes juives en Europe et de se préoccuper du danger réel que représente la terreur de droite, ils préfèrent s’occuper de l’antisémitisme prétendument importé. Ce sont donc toujours les autres qui sont antisémites. Nous refusons de cautionner cela et d’enjoliver l’histoire et le présent européens. Nous refusons l’invitation à la complicité raciste et nous nous solidarisons avec d’autres minorités racialisées.
En Palestine/Israël, l’apartheid, le nettoyage ethnique et le colonialisme des colonies sont également légitimés par la prétendue création d’un espace de protection pour les personnes juives. L’État israélien est une entité ethnonationaliste qui, en prétendant parler au nom de toutes les personnes juives, invisibilise et refoule la diversité juive ; cela fait également partie du projet colonial. Nous nous opposons à l’affirmation selon laquelle cela est nécessaire pour notre sécurité.
Les décideurs israéliens n’hésitent pas à parler au nom de toutes les personnes juives. Cela nous concerne ; car si la critique de l’État israélien et l’antisémitisme sont mis sur le même plan, les identités juives se confondent avec le projet sioniste. Cette instrumentalisation rend difficile une position solidaire avec la résistance palestinienne et notre lutte autodéterminée contre l’antisémitisme. Tant que l’accusation d’antisémitisme sera utilisée abusivement pour combattre une résistance légitime, nous ne pourrons pas lutter efficacement contre l’antisémitisme, même là où il nous préoccupe vraiment. Les identités juives sont multiples ; parce que nous ne pouvons pas accepter que l’État israélien parle et agisse en notre nom, nous opposons à ce récit une position juive de gauche.
L’antisionisme et la solidarité avec les Palestinien.ne.s ne sont pas antisémites et une lutte efficace contre l’antisémitisme ne peut être qu’intersectionnelle, antiraciste, anti-coloniale et pour la libération de tou.t.e.s les opprimé.e.s.