Pour quel « crime » cet artiste palestinien est-il emprisonné ? Pour avoir donné de l’inspiration à son peuple

Par Asa Winstanley. Publié en français le 3 mars 2020 sur le site de l’Agence Médias Palestine.

Aujourd’hui, il est peut-être en train de pourrir dans une cellule de prison israélienne, mais en 2012, les affiches du concepteur graphique Hafez Omar ont enflammé internet. Sur Facebook en particulier, ses avatars bruns, simples, emblématiques et anonymes en soutien aux prisonniers palestiniens détenus par Israël se sont répandus comme un feu de forêt. Partout sur les réseaux sociaux, des gens ont changé la photo de leur profil pour l’une de ses versions masculine ou féminine.

Hafez Omar, un artiste palestinien arrêté par les forces israéliennes en mars 2019 (Twitter)

Lors d’une interview en 2013, Omar a expliqué que son travail s’appuyait sur une plus ancienne tradition palestinienne d’affiches politiques populaires. Ce courant, qui remonte à de nombreuses décennies, a toujours aidé à rallier et inspirer les gens pour résister à Israël. C’est une méthode habituelle pour les mobilisations de masse dans de nombreuses sociétés dans le monde.

Le travail d’Omar a été, à bien des égards, une extension digitale moderne de ce type de travail à l’univers en ligne. Dans cette interview, il remarquait comment il trouvait encourageant que des Palestiniens eux-mêmes adoptent et impriment ses affiches. « Je prends cela comme un signe que je suis toujours avec les gens quand je vois des gens qui ont imprimé des choses que j’ai dessinées et s’en servent ».

Hafez Omar n’est pas un criminel ; ce n’est pas un « terroriste », ni un « extrémiste ». Il n’est même pas combattant dans la résistance. Le seul « crime » qu’il ait commis est de défendre les droits de son peuple, le peuple de Palestine. Pour cela, Israël le garde en prison sans procès depuis près d’un an.

Des brutes de l’armée d’Israël ont d’abord kidnappé Omar en mars l’an dernier. Pendant les interrogatoires, les Israéliens voulaient en savoir plus sur « ses œuvres d’art et publications sur les réseaux sociaux, en particulier ceux qui soutiennent les droits des prisonniers palestiniens ». Il n’a été accusé d’aucun délit, sauf du « crime » d’inspirer son peuple pour résister à l’occupation israélienne.

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Vies de prisonniers palestiniens dans les prisons d’Israël – Cartoon [Arabi 21]

Selon Human Rights Watch, l’acte d’accusation invalide des Israéliens reposait « presque entièrement sur des activités pacifiques, telles que des réunions avec d’autres militants et la participation à des manifestations, dont plusieurs contre l’Autorité Palestinienne ». Même les soi-disant « activités non pacifiques » dont il est accusé sont des « clash » non précisés datant de quatre ans ; il est dit qu’il « a jeté des pierres aux forces de sécurité (israéliennes) ».

Omar eût-il effectivement fait cela que ç’aurait été totalement justifié. Même la résistance armée contre une occupation militaire illégale et oppressive est un droit fondamental ancré dans le droit international, peu importent quelques pierres. Les soldats israéliens mentent régulièrement à ce sujet et inventent généralement des accusations contre les manifestants palestiniens.

Tout cela est incroyablement bien documenté et j’en ai moi-même fait l’expérience au milieu des années 2000 dans la région de Jérusalem lorsque je filmais une manifestation palestinienne pacifique conte un checkpoint israélien. Les manifestants furent immédiatement attaqués par les forces d’occupation israéliennes, qui se mirent à les frapper et en arrêtèrent plusieurs, y compris moi-même en tant que militant de la solidarité. Nous avons été tous regroupés dans un camion et emmenés à un poste de police.

Étant un occidental privilégié dans le système raciste d’Israël, je fus libéré quelques heures plus tard sans accusation. Avant que je quitte la prison, la police israélienne me dit que nous avions tous été accusés de lancer des pierres. C’était un mensonge flagrant, mais il était évident, à voir avec quel flegme ce mensonge était fait, que de telles contrevérités étaient monnaie commune dans la dictature militaire raciste d’Israël de l’apartheid imposée aux Palestiniens en Cisjordanie occupée.

Ce que je veux dire c’est qu’Hafez Omar n’est coupable d’aucun crime. Il est emprisonné depuis près d’un an par la dictature militaire israélienne, tout simplement parce que l’État occupant considère l’existence même du peuple autochtone palestinien comme un crime contre son projet raciste de colonisation de peuplement nourri par l’idéologie pernicieuse du sionisme.

Cette semaine, près d’un an après son arrestation, le « tribunal » militaire d’Ofer de l’occupation illégitime israélienne a condamné Omar à un an de prison. En d’autres termes, ils l’ont d’abord arrêté et bâti l’accusation chemin faisant.

Le système israélien de « tribunaux » militaires en Cisjordanie est un système raciste, employé uniquement contre les Palestiniens et pas aux colons juifs illégaux. Ce système enregistre un taux de condamnation de 99,7%, tout comme le pire des tribunaux bidon. Et, rappelez-vous, ce type de tribunal fonctionne dans ce qui est supposé être « la seule démocratie du Moyen Orient », un État que l’on est sommé de soutenir inconditionnellement, sous peine d’être accusé d’antisémitisme. Ça, ça ne passera vraiment pas.

Espérons qu’Hafez Omar soit bientôt libéré. Pour autant, comme tous les Palestiniens kidnappés par la dictature militaire d’Israël, il y a une menace réelle qu’il soit de nouveau arrêté presque immédiatement sur de semblables accusations fabriquées. C’est comme ça que ça marche en Israël. Khalida Jarra, par exemple, qui fait partie du législatif palestinien et qui est une militante des droits des femmes, a fait des entrées et sorties en prison depuis des années et elle est actuellement de 4 nouveau détenue sans accusation ni procès, dans le système infâme de la « détention administrative ».

Prétendre qu’Israël est une démocratie est une imposture, puisque sa politique et ses pratiques prouvent le contraire. L’État est une dictature militaire raciste qui refuse au peuple palestinien autochtone ses droits humains les plus fondamentaux. Ainsi, Hafez Omar, l’artiste palestinien emprisonné pour l’inspiration qu’il donne à son peuple, ne doit pas être laissé seul ; nous devons tous défier la brutale occupation israélienne et lui résister.

Les points de vue exprimés dans cet article appartiennent à l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale du Middle East Monitor.

Traduction : SF pour l’Agence Média Palestine

Source : Middle East Monitor