jeudi 17 décembre 2020
Le 18 décembre 2020, journée internationale des migrants, les migrants, réfugiés, demandeurs d’asile, demandeurs de papiers et deuxièmes générations se mobiliseront contre le racisme institutionnel, l’exploitation et le patriarcat. Nous nous mobiliserons le 18 décembre, même si nous savons déjà que nous ne nous arrêterons pas là, car notre lutte est dirigée contre toutes les formes d’exploitation et d’oppression.
Alors que nous sommes tous confrontés au racisme institutionnel et à la violence aux frontières, les femmes migrantes doivent également lutter contre la violence patriarcale dans les maisons, les espaces publics et les lieux de travail. Si notre travail a été reconnu comme « essentiel » pendant la pandémie, cela a permis d’intensifier notre exploitation, en nous imposant des horaires plus longs et en nous obligeant à travailler dans des conditions dangereuses. Pourtant, nos manifestations, marches, piquets et assemblées se sont multipliées, montrant que nous ne pouvons pas être réduits au silence. Des grèves ont été organisées contre l’exploitation, le racisme et le patriarcat, de la France à l’Italie, de l’Espagne à la Pologne, de la Bulgarie à la Turquie et à la Géorgie, montrant que nos luttes sont “essentielles” et non les profits des patrons.
Le 18 décembre, des marches et des manifestations seront organisées dans toute l’Europe et au-delà. Alors que les institutions nationales et l’Union européenne célébreront formellement les droits des migrants, nous appelons à la fin du régime juridique raciste et d’exploitation basé sur le lien entre les papiers et le contrat de travail. Nous rejetons la logique patriarcale qui lie les documents des femmes à leur mari et à leur famille. Nous refusons la façon dont les enfants des migrants sont considérés comme des étrangers dans le lieu où ils sont élevés. Nous rejetons toutes les divisions basées sur les décisions institutionnelles arbitraires sur qui a droit à l’asile ou non.
Le racisme institutionnel divise la vie des migrant.e.s en catégories bureaucratiques et nous place dans des hiérarchies différentes pour imposer l’exploitation. En raison du lien entre le travail et les documents, nous courons toujours le risque de perdre notre statut et d’être légalement expulsés. Cette situation alimente un racisme généralisé et une politique de la peur à l’égard des migrant.e.s dans le monde entier. Des commissions spéciales décident si nous avons droit à l’asile ou non, des accords internationaux établissent si nous sommes la main-d’œuvre nécessaire ou non. Les bureaux gouvernementaux et la police locale décident arbitrairement si nous avons les qualifications nécessaires pour renouveler les documents. Aujourd’hui, dans le nouveau “pacte sur l’immigration et l’asile” proposé par la Commission européenne, des agences sont censées décider à la frontière si nous avons une chance d’obtenir un document ou si nous irons directement dans un centre de détention et serons ensuite expulsés.
L’UE parle sans cesse de solidarité entre les États, tout en condamnant des milliers de migrants au danger mortel du franchissement ‘illégal’ des frontières et en dissimulant, voire en soutenant, les actes racistes des États membres envers nous : des frontières des Balkans aux îles grecques, des frontières intérieures de Schengen au centre même de Paris, le niveau de violence étatique à l’encontre des migrant.e.s est inacceptable. De même, l’UE aime à se présenter comme une puissance civilisée entourée d’États autoritaires, mais avec ses politiques visant à apprivoiser la liberté des migrant.e.s, elle collabore et donne du pouvoir au régime d’Erdogan en Turquie, aux seigneurs de guerre racistes en Libye, aux politiques anti-migration et aux milices informelles à travers l’Afrique. En outre, l’UE déclare protéger les droits des travailleurs, mais elle encourage activement l’exploitation en imposant un chantage supplémentaire – à savoir le permis de séjour – aux travailleurs et travailleuses migrant.e.s.
Contre cette tentative de jouer avec nos vies, le 18 décembre et au cours de la semaine qui le précéde, nous réclamerons un permis de séjour européen illimité et inconditionnel, indépendamment des contrats de travail, des revenus ou du statut familial. Nous voulons une régularisation pour tous les migrant.e.s qui demandent les papiers à cause de lois d’immigration racistes. Mais nous savons que la régularisation ne suffit pas : dans le cadre juridique actuel, elle ne résoudra pas nos problèmes, ni ne changera la façon dont des millions de migrant.e.s sont exploités et victimes de chantage à cause des documents et de leurs conditions. Ce dont nous avons réellement besoin, c’est d’un permis de séjour inconditionnel et illimité, qui nous permette de franchir les frontières de l’UE et au-delà.
Ce dont nous avons besoin, ce n’est rien d’autre que notre liberté. Il est temps de réfléchir sur les expériences actuelles et passées et de discuter ensemble de la possibilité d’organiser dans les prochains mois une grève transnationale des migrants contre l’exploitation, la violence aux frontières et la violence patriarcale. Nous devons organiser notre lutte commune car nous savons que sans nous, tout s’arrête !
Voir en ligne : l’appel international en 4 langues