Pour en finir avec le délit de solidarité

Communiqué de presse – action collective, 12 janvier 2017.

Procès d’habitants de la vallée de la Roya « coupables » d’être venus en aide à des réfugié⋅e⋅s, avec la menace de lourdes sanctions. Mesures d’intimidation, poursuites – et parfois condamnations – de personnes ayant agi en soutien de migrant⋅e⋅s ou de Roms, à Calais, à Paris, à Norrent-Fontes, à Boulogne, à Loos, à Perpignan, à St-Etienne, à Meaux… On assiste depuis plusieurs mois à la recrudescence de cas où la solidarité est tenue pour un délit.

Il est clair que les autorités entendent faire plier les citoyennes et les citoyens qui n’adhèrent pas aux politiques de non accueil et de mise à l’écart des migrants, et qu’elles n’hésitent pas pour cela à les assimiler à ceux qui profitent de la vulnérabilité des exilé⋅e⋅s et les exploitent, passeurs et trafiquants en tout genre.

75 organisations associatives ou syndicales, nationales ou locales, publient un manifeste par lequel elles entendent dénoncer ces procédés. Dans les semaines qui viennent, elles mettront en œuvre toutes sortes d’actions afin que soient préservés le droit de regard, le droit de critique, le droit de s’opposer à des politiques qu’on désapprouve, le droit de se conduire autrement qu’en agent de politiques de fermeture : le droit d’agir en toute humanité.

Ci-dessous, le texte de l’appel :

LA SOLIDARITE, PLUS QUE JAMAIS UN DELIT ?

12 janvier 2017

Bien sûr, la solidarité n’a jamais été inscrite dans aucun code comme un délit.

Cependant, des militants associatifs qui ne font que venir en aide à des personnes en situation de très grande précarité, victimes de décisions dangereuses, violentes, voire inhumaines, se retrouvent aujourd’hui face à la justice.

Avec l’instauration de l’état d’urgence, et dans le contexte baptisé « crise migratoire », on assiste à une recrudescence de poursuites visant à empêcher l’expression de la solidarité envers migrants, réfugiés, Roms, sans-papiers… Au-delà, c’est le soutien à l’ensemble des personnes étrangères qui tend à devenir suspect, l’expression de la contestation des politiques menées qui est assimilée à de la rébellion et au trouble à l’ordre public.

La loi permet en effet de poursuivre les personnes qui viennent en aide aux « sans-papiers »[note]Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), articles L.622-1 et suivants]] , mais toutes sortes d’autres chefs d’accusation servent désormais à entraver toute action citoyenne qui s’oppose aux politiques mises en œuvre. L’ensemble de ces intimidations, poursuites, condamnations parfois, visent donc bien en fait ce qui constitue de nouvelles formes du « délit de solidarité ».

Dès 2009, les associations de défense des droits de l’Homme et de soutien aux étrangers avaient dénoncé le fait que le délit d’« aide à l’entrée, à la circulation et au séjour des étrangers en situation irrégulière », introduit à l’origine pour lutter contre ceux qui font commerce du trafic et de l’exploitation des étrangers, ait permis au fil du temps de sanctionner les « aidants » d’étrangers sans papiers, même agissant dans un but non lucratif. Si les peines prévues ne sont pas toujours appliquées, une telle réglementation a bien sûr un effet dissuasif sur celles et ceux qui refusent de se soumettre à des politiques hostiles aux étrangers.

La mobilisation associative, à l’époque, a abouti à plusieurs réformes successives, dont celle du 31 décembre 2012 qui a été présentée comme la « suppression » du délit de solidarité. Il n’en est rien ; la nouvelle rédaction des textes se contente de préciser et augmenter les cas d’exemption de poursuites. Outre l’aide apportée à des parents, est autorisée l’aide qui aura seulement visé à « assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger » ou à « préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci ». Malgré tout, des personnes ayant manifesté leur solidarité avec des étrangers sans titre de séjour continuent d’être inquiétées – convocations à la police ou à la gendarmerie, gardes à vue, perquisitions, écoutes téléphoniques – voire poursuivies et parfois punies d’amende et emprisonnement.

Dans le même temps, des poursuites ont commencé d’être menées sur la base de textes sans rapport avec l’immigration.

Les délits d’outrage, d’injure et de diffamation, de rébellion ou violences à agent de la force publique sont utilisés pour défendre l’administration et la police contre celles et ceux qui critiquent leurs pratiques ;

Le délit d’« entrave à la circulation d’un aéronef », qui figure dans le code de l’aviation civile, permet de réprimer les passagers qui, voyant des personnes ligotées et bâillonnées dans un avion, protestent contre la violence des expulsions ;

La réglementation qui sanctionne l’emploi d’un travailleur étranger sans autorisation de travail a servi à inquiéter des personnes qui, hébergeant des étrangers en situation irrégulière, acceptent que leurs hôtes les aident à effectuer des tâches domestiques.

Aujourd’hui, les motifs des poursuites se diversifient toujours plus. Tandis que les poursuites pour aide à l’entrée et au séjour ont repris de plus belle, de nouveaux chefs d’accusation sont utilisés pour condamner les actions solidaires :

La réglementation en matière d’urbanisme a été invoquée à Norrent-Fontes (Pas-de-Calais) pour demander la destruction d’abris pour migrants ;

Des textes sur l’hygiène ou la sécurité applicables à des locaux ont servi à empêcher des hébergements solidaires à St-Etienne ;

L’absence de ceinture de sécurité et d’un siège pour une fillette à bord d’un camion a permis la condamnation d’un aidant à Calais ;

L’intrusion dans des zones particulières, interdites pour cause d’état d’urgence, a été utilisée, à Calais également, pour sanctionner le regard citoyen ;

Le délit de faux et usage de faux est utilisé pour intimider des personnes qui ont voulu attester de la présence depuis plus de 48h de personnes dans un squat à Clichy ;

• etc…

Et, de plus en plus, le simple fait d’avoir voulu être témoin d’opérations de police, d’expulsions de bidonvilles, de rafles, peut conduire à une arrestation, sous couvert de rébellion ou de violences à agent.

Ces procédés d’intimidation doivent cesser. Nous affirmons la légitimité du droit de regard des citoyens et des citoyennes sur les pratiques de l’administration, de la justice ou de la police. Nous voulons que soient encouragé·e·s celles et ceux qui se montrent solidaires des personnes en situation de précarité sans se soucier de savoir si elles sont ou non en situation régulière quant au séjour. Nous refusons que les populations visées par des politiques ou des pratiques xénophobes soient privées de soutien. C’est l’avenir du principe même de solidarité qui est en jeu.

Nous vous appelons tous et toutes à vous joindre au combat que nous, organisations syndicales et associatives et comités de soutien informels, avons décidé d’engager ensemble, au sein du collectif que nous avons constitué.


Rejoindre le collectif et participer à ses actions : voir informations après les signatures.


Premières organisations signataires :

Associations nationales

ACORT (Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie)
ADDE (Avocats pour la défense des droits des étrangers)
AFVS (Association des familles victimes du saturnisme)
Alternative Libertaire
Amoureux au ban public (Les)
Attac France
Catred (Collectif des accidentés du travail, handicapés et retraités pour l’égalité des droits)
Cedetim/Ipam (Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale)
Centre de recherche et d’action sociales (CERAS).
Cnafal (Conseil national des associations familiales laïques)
Collectif National Droits de l’Homme Romeurope
Comede (Comité pour la santé des exilés)
Comegas (Collectif des médecins généralistes pour l’accès aux soins)
Copaf (Collectif pour l’avenir des foyers)
Culture et Liberté
Emmaüs France
Fasti (Fédération des associations de solidarité avec tou-te-s les immigré-e-s)
Fédération Entraide Protestante
Fnars (Fédération des acteurs de la solidarité)
Fondation Abbé Pierre
FTCR (Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives)
Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigré·e·s)
Jesuit Refugee Service (JRS) France
La Cimade
LDH (Ligue des droits de l’Homme)
Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples)
Organisation communiste libertaire (OCL)
Revivre (association de soutien aux demandeurs d’asile, réfugiés syriens et prisonniers politiques en Syrie)
Secours Catholique
UJFP (Union juive française pour la paix)
Utopia 56

Associations locales

• Auvergne-Rhône-Alpes
RESF 63 (Puy-de-Dôme)

• Bourgogne-Franche-Comté
Collectif Creusot-Autun des Droits de l’Homme
Les Amis du CADA (Digoin, Saône-et-Loire)

• Centre-Val-de-Loire
La Cimade – groupe local de Blois

• Hauts-de-France
ACC Minorités visibles (Dunkerque)
Adra Dunkerque
Arras solidarité réfugiés
Attac Artois
Care4Calais
Collectif de soutien à Jean Luc Munro
Équipe de soutien juridique de Dunkerque
Flandres Terre Solidaire
Fraternité Migrants Bassin Minier 62
La Cabane Juridique / Legal Shelter
La Fraternité (Bruay-la-Buissière)
L’Auberge des Migrants
Le Réveil Voyageur
Mrap Dunkerque
Planning familial Pas-de-Calais
Salam Nord/Pas-de-Calais
Terre d’Errance
Terre d’Errance Flandres Littoral

• Île-de-France
ASEFRR (Association Solidarité Essonne Familles Roumaines et Rroms)
Aset 93 (Association d’aide à la scolarisation des enfants Tsiganes)
Assemblée citoyenne du 14ème
Collectif de Vigilance Paris12 pour les droits des étrangers-RESF
Collectif Romeurope du Val Maubuée
Collectif de soutien 5è-13è aux migrants d’Austerlitz
Ecodrom 93
Hors la Rue
Inter-Collectif Parisien de Soutien aux Migrant-es
Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau
Paris d’exil
RESF 93
Romeurope 94
Solidarité Migrants Wilson
Turbulences Marne-La-Vallée

• Normandie
Itinérance Dieppe
Itinérance Cherbourg

• Occitanie
Cercle des Voisins du CRA de Cornebarrieu (Haute-Garonne)
Planning familial 48 (Lozère)

• PACA
Beaux repères (Avignon)
Collectif AGIR à Aix en Provence pour l’accueil des migrants en pays d’Aix
Comité de Vigilance des Alpes Maritimes (COVIAM)
Habitat et citoyenneté (Nice)
MRAP Vaucluse
Roya citoyenne (La)
Tous migrants (Marseille)

Organisations syndicales

Émancipation tendance intersyndicale
Fédération SUD Collectivités territoriales
Fédération SUD Éducation
Fédération SUD Santé Sociaux
FERC CGT (Fédération de l’Éducation, de la Recherche et de la Culture)
SAF (Syndicat des avocats de France)
SNUipp-FSU (Syndicat national unitaire des instituteurs et professeurs des écoles et PEGC)
SNPES-PJJ-FSU (Syndicat National des Personnels de L’Éducation et du Social)
SUD Industrie Francilien
SUD Logement Social
Syndicat de la Magistrature
Syndicat Général du Livre et de la Communication Ecrite CGT (SGLCE-CGT)
Union départementale Solidaires Pas-de-Calais
Union syndicale Solidaires


Différents moyens de participer à la mobilisation du collectif :

  • Apporter la signature d’une organisation (association, syndicat, collectif), pour rejoindre le collectif (à partir du 13 janvier) : contact@delinquantssolidaires.org
  • Participer à la journée d’action le jeudi 9 février 2017 : Rassemblements, prises de parole, formation de chaînes humaines pour proclamer que nous sommes tous « délinquants » et solidaire des étrangers… À Paris, un rassemblement sera organisé à 10 heures – le lieu, le type d’action et les intervenants seront précisés ultérieurement.
  • Être tenu⋅e au courant de l’activité du collectif
  • Demander à être abonné⋅e à la liste de diffusion
  • Contribuer à la mobilisation, diffuser de l’info, des textes et photos d’actions de protestation : #DélinquantsSolidaires en ciblant les messages (par ex. @Place_Beauvau ou @justice_gouv…) « Si la solidarité avec les étrangers est un délit, alors je suis un⋅e délinquant⋅e »

    Contacts presse :

  • La Cimade – Rafael Flichman: 01 44 18 72 62 – 06 42 15 77 14 – rafael.flichman@lacimade.org
  • GISTI : Violaine Carrère – carrere@gisti.org
  • Syndicat Magistrature : 01 48 05 47 88 – contact@syndicat-magistrature.org
  • Union juive française pour la Paix : 07 81 89 95 25 – contact@ujfp.org