POUR SIGNER, C’EST PAR ICI.
Tribune publiée par Le Monde et signée, pendant le week-end des 20 et 21 février, par plus de 10 000 personnes (liste ci-dessous) de toutes les disciplines académiques : anthropologie, archéologie, architecture, agronomie, arts, biochimie, biologie, biotechnologie, cinéma, démographie, droit, économie, électronique, épistémologie, ethnologie, études nord-américaines, études germaniques, études romanes, géographie, géophysique, histoire, histoire de l’art, histoire des sciences, informatique, langues, littérature, mathématiques, musicologie, philosophie, physique, psychologie, sciences de l’information et de la communication, sciences de l’éducation, sciences de l’ingénieur, sciences du langage, science politique, sociologie, urbanisme ainsi que des ingénieur·es, des technicien·nes , des archivistes, des personnels administratifs, des bibliothécaires et des étudiant·es.
La pétition est toujours ouverte sur WeSign.it
Le mardi 16 février, à l’Assemblée nationale, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Frédérique Vidal confirmait ce qu’elle avait annoncé deux jours plus tôt sur la chaîne Cnews : le lancement d’une « enquête » sur l’ « islamogauchisme » et le postcolonialisme à l’université, enquête qu’elle déclarait vouloir confier au CNRS à travers l’Alliance Athéna. Les raisons invoquées : protéger « des » universitaires se disant « empêchés par d’autres de mener leurs recherches », séparer « ce qui relève de la recherche académique de ce qui relève du militantisme et de l’opinion » ainsi que … « l’apparition au Capitole d’un drapeau confédéré ».
Si le propos manque de cohérence, l’intention est dévastatrice : il s’agit de diffamer une profession et, au-delà, toute une communauté, à laquelle, en tant qu’universitaire, Frédérique Vidal appartient pourtant et qu’il lui appartient, en tant que ministre, de protéger. L’attaque ne se limite d’ailleurs pas à disqualifier puisqu’elle fait planer la menace d’une répression intellectuelle, et, comme dans la Hongrie d’Orban, le Brésil de Bolsonaro ou la Pologne de Duda, les études postcoloniales et décoloniales, les travaux portant sur les discriminations raciales, les études de genre et l’intersectionnalité sont précisément ciblés.
Chercheur·es au CNRS, enseignant·es chercheur·es titulaires ou précaires, personnels d’appui et de soutien à la recherche (ITA, BIATSS), docteur·es et doctorant·es des universités, nous ne pouvons que déplorer l’indigence de Frédérique Vidal, ânonnant le répertoire de l’extrêmedroite sur un « islamo-gauchisme » imaginaire, déjà invoqué en octobre 2020 par le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Mais, plus encore, nous nous insurgeons contre l’indignité de ce qu’il faut bien qualifier de chasse aux sorcières. La violence du projet redouble la lâcheté d’une ministre restée silencieuse sur la détresse des étudiant·es pendant la pandémie comme elle avait été sourde à nos interpellations sur une LPR massivement rejetée par tout·es celles et ceux qui font la recherche, y contribuent à un titre ou un autre.
La crise économique et sociale la plus grave depuis 1945 assombrit l’avenir des jeunes adultes, l’anxiété face à la pandémie fissure la solidarité entre les générations, la pauvreté étudiante éclate aux yeux de tous·tes comme une question sociale majeure, les universités – lieux de vie et de savoirs – sont fermées. Mais pour Frédérique Vidal, le problème urgent de l’enseignement supérieur et de la recherche, celui qui nécessite de diligenter une « enquête » et d’inquiéter les chercheur·es, c’est la « gangrène » de l’ « islamo-gauchisme » et du postcolonialisme.
Amalgamant un slogan politique douteux et un champ de recherche internationalement reconnu, elle regrette l’impossibilité de « débats contradictoires ». Pourtant, et nous espérons que la ministre le sait, nos universités et nos laboratoires déploient de multiples instances collectives de production et de validation de la connaissance : c’est bien dans l’espace international du débat entre pair·es que la science s’élabore, dans les revues scientifiques, dans les colloques et les séminaires ouverts à tous·tes. Et ce sont les échos de ces débats publics qui résonnent dans nos amphithéâtres, comme dans les laboratoires.
Contrairement à ce qu’affirme Frédérique Vidal, les universitaires, les chercheur·es et les personnels d’appui et de soutien à la recherche n’empêchent pas leurs pair.es de faire leurs recherches. Ce qui entrave notre travail, c’est l’insincérité de la LPR, c’est le sous-financement chronique de nos universités, le manque de recrutements pérennes, la pauvreté endémique de nos laboratoires, le mépris des gouvernements successifs pour nos activités d’enseignement, de recherche et d’appui et de soutien à la recherche, leur déconsidération pour des étudiant·es ; c’est l’irresponsabilité de notre ministre. Les conséquences de cet abandon devraient lui faire honte : signe parmi d’autres, mais particulièrement blessant, en janvier dernier, l’Institut Pasteur a dû abandonner son principal projet de vaccin.
Notre ministre se saisit du thème complotiste « islamo-gauchisme » et nous désigne coupables de pourrir l’université. Elle veut diligenter une enquête, menace de nous diviser et de nous punir, veut faire régner le soupçon et la peur, et bafouer nos libertés académiques. Nous estimons une telle ministre indigne de nous représenter et nous demandons, avec force, sa démission.
Vous pouvez signer la pétition ici.
Premier·es signataires
- Nassim Aboudrar, esthétique, Université Paris 3
- Pierre Emmanuel Berche, physicien, Université de Rouen
- Clara Biermann, ethnomusicologue, Université Paris 8
- Michel Bozon, sociologue, INED
- Eve Caroli, économiste, Université Paris Dauphine
- Eric Fassin, sociologue, Université Paris 8
- Julien Gossa, informaticien, Université de Strasbourg
- Soraya Guenifi, études nord-américaines, Université Paris 1
- Nahema Hanafi, historienne, Angers
- Hugo Harari-Kermadec, économiste, Université Paris-Saclay
- Caroline Ibos, politiste, Université de Rennes 2
- Chantal Keller, informaticienne, Université Paris-Saclay
- Mathilde Larrère, historienne, Université Paris-Est Marne-La-Vallée
- Sandra Laugier, philosophe, Université Paris 1
- Kevin Le Tétour, BIATSS, Université Rennes 1
- Dominique Méda, sociologue, Université Paris-Dauphine PSL
- Gilles Martinet, géographe, Université Paris-Est Créteil
- Julie Pagis, sociologue, CNRS
- Anthony Pecqueux, sociologue, CNRS
- Thomas Piketty, économiste, EHESS
- Christelle Rabier, historienne, EHESS
- Maud Simonet, sociologue, CNRS
- Richard Walter, ingénieur de recherche
- Fanny Gallot, historienne, Université Paris-Est Créteil
- Ève Chiapello, directrice d’études en sociologie, EHESS
- Jacques Haiech, biotechnologie, Université de Strasbourg
- Pascal Maillard, Etudes littéraires, Université de Strasbourg
- Samuel Hayat, CR science politique, CNRS Sciences Po Paris
- Edmond Préteceille, DR sociologie, CNRS
- Alexandre Faure, EHESS
- Marjorie Meiss MCF Histoire
- Clément Petitjean américaniste Université Paris 1
- Frédérique Sitri analyse du discours UPEC
- Cecilia D’Ercole Anthropologie Université Paris 2
- Marianne Lemaire Anthropologie CR CNRS
- Gabriel Facal Anthropologie sociale EHESS
- Eric Jolly Anthropologue CNRS, EHESS
- Véronique Bontemps, Anthropologue, CNRS
- Pascale Absi Anthropologue IRD
- Ouedraogo Dragoss anthropologue Université de Bordeaux
- Judith HAYEM Anthropologue Université de Lille
- Marine Spor architecture ULB
- Véronique Ginouvès Archiviste CNRS
- Antoine Bricaud Arts plastiques LILLE 3
- anne creissels Arts Plastiques Université de Lille
- Lise Lerichomme Arts visuels Université de Picardie Jules Verne
- Sarah Benhaïm Arts, Esthétique CRAL
- Juliette Galonnier Assistant Professor en science politique IEP de Paris
- Lucile Quéré Assistante diplômée
- Magali Dufau ATER anthropologie Toulouse
- Simon Zara ATER Arts plastiques Strasbourg
- Federico Calle-Jorda ATER en études romanes Université Paris 1
- Déborah Dubald ATER en histoire des sciences Université de Lille
- Marine Quennehen ATER en sociologie INED
- Anaelle Vayssiere ATER géographe Université La Rochelle
- Emilie Morand ATER sociologie Paris Descartes
- Sylvain Cantaloube, IR en biologie, CNRS
- Guyomar Cervin bioinformaticien Institut de génétique
- Nicola Frith Chancellor fellow en études françaises Université d’Edimbourg
- Jeanne Longevialle Chargée de collection Campus Condorcet
- Mônica Raisa-Schpun chercheur EHESS
- Gilles Favarel-Garrigues CNRS, science politique Sciences Po Paris
- Sébastien Michon CNRS, sociologie Université de Strasbourg
- Guillaume Pallez CR INRIA
- Saint-Lary Maud CR IRD
- Anne castaing CR CNRS
- Rémi de Bercegol CR CNRS
- Marc Chardin CR Mathématiques CNRS
- Stefan Mengel CR Mathématiques CNRS
- Grégoire Sutre CR Mathématiques CNRS
- Monique Teillaud CR Mathématiques INRIA
- Emmanuel Thomé CR Mathématiques INRIA
- Makaremi Chowra CR anthropologie CNRS
- Mélanie Gourarier CR anthropologie CNRS
- Dror WARSCHAWSKI CR Biologie CNRS
- Agnès Adjamagbo CR démographie IRD
- Noémie Merleau-Ponty CR en anthropologie CNRS
- Alexis Roy CR en anthropologie CNRS – IMAF
- Benoît Trépied CR en anthropologie CNRS – IRIS
- Christophe Broqua CR en anthropologie IMAF – CNRS
- Nicolas Jaoul CR en anthropologie IRIS – CNRS
- Caroline Badouel CR en biologie CNRS
- Stéphanie Dos Santos CR en démographie CNRS
- Boris SAMUEL CR en économie politique IEP de Paris
- Florence ROCHEFORT CR en histoire CNRS
- Clyde Plumauzille CR en histoire CNRS
- Nicolas Lyon-Caen CR en histoire CNRS
- Aïssatou Mbodj CR en histoire CNRS
- Olivier Orain CR en histoire Géo-Cités – CNRS
- Sandra Aube CR en histoire de l’art CNRS
- Julien Talpin CR en sciences politiques CNRS
- Delphine Lacombe CR en sociologie CNRS
- Marie Vannetzel CR en sociologie CNRS
- Evelyne Ribert CR en sociologie CNRS
- Margot Delon CR en sociologie CNRS
- Moritz Hunsmann CR en sociologie IRIS – CNRS
- Paul Pasquali CR en sociologie IRIS – CNRS
- Tristan Fournier CR en sociologie IRIS – CNRS
- Mélanie Jacquemin CR en sociologie