Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur sous le premier mandat d’Emmanuel Macron, a décrété moult dissolutions administratives. Également chargé des relations avec les cultes et dans le cadre de l’offensive islamophobe gouvernementale, Darmanin a ordonné la fermeture administrative de plusieurs mosquées, accusées de prêches intégristes. Ceci avant et après avoir dissout le CCIF (Collectif Contre l’Islamophobie en France). Puis fin mars Darmanin a dissout le GALE (Groupe Antifasciste Lyon et Environs) et menacé de dissolution un collectif de journalistes indépendants à Nantes pour avoir publié des appels à manifester qui n’a pas plu au ministre de tutelle de la police.
Le Comité Action Palestine ainsi que le collectif toulousain Palestine Vaincra ont failli allonger la liste d’organismes dissouts par le premier flic de France. Mais le 29 avril le Conseil d’État a suspendu ces mesures les concernant, disant qu’elles portent « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’association et à la liberté d’expression ». En tout cas, le 26 février, Palestine Vaincra a reçu son avis de dissolution, aussitôt contesté devant les tribunaux. Cette contestation reçoit le soutien de nombreuses associations du mouvement de solidarité avec la Palestine, ainsi que des organisations de défense des droits. Cette tentative de bâillonner des associations propalestiniennes fait partie d’une longue liste de lois, décrets et procédures administratives qui bride un des contre pouvoirs de notre pays : la société civile.
Darmanin reproche au Collectif Palestine Vaincra son appel à la libération de prisonniers politiques comme Georges Ibrahim Abdallah. Et pourtant, cela n’a rien d’illégal. Bien au contraire, c’est l’incarcération arbitraire d’Abdallah qui est illégale car plusieurs décisions judiciaires ont statué en faveur de sa libération. Darmanin reproche aussi à Palestine Vaincra d’avoir incité à la « discrimination ». De quoi s’agit-il ? Son soutien à la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions) dont l’objectif est de faire pression sur Israël afin d’obliger cet Etat de respecter le droit international. Pourtant la campagne BDS n’est pas illégale, comme l’a rappelé la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans son arrêt de 2020. La campagne BDS France regroupe une soixantaine de syndicats, partis et associations, dont l’UJFP. Alors à qui le tour pour la prochaine dissolution ?
Darmanin a précisé dans un tweet – deux jours avant son avis de dissolution de Palestine Vaincra – qu’il fait cette procédure « à la demande du Président de la République ». Dont acte quant au respect des droits par Emmanuel Macron. D’autres accusations faites par Darmanin contre Palestine Vaincra sont des « appels à la haine, à la violence et aux provocations à des actes terroristes ». De quoi s’agit-il ? Le soutien de ce collectif à la résistance palestinienne, notamment à la résistance armée. Faut-il rappeler la constitution de 1793 issue de la Révolution française ? « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »
La plus grande menace aux libertés publiques (Le Pen) a été écartée aux élections présidentielles. Il n’empêche, Macron n’est pas en reste quant aux mesures liberticides. Protéger la liberté d’association et la liberté d’expression devient un combat de tous les jours. Il faut le continuer, comme nous rappelle cette série inquiétante de dissolutions administratives.
Richard Wagman
29 avril 2022