par Ziad Medoukh (décembre 2015).
2015 s’est achevée et une nouvelle année dramatique s’annonce déjà pour Gaza.
Depuis plus de dix ans, et à la fin de chaque année, les habitants de la bande de Gaza espèrent un changement de leur situation marquée par la souffrance, le maintien du blocus israélien, la poursuite des attaques contre leur prison à ciel ouvert, et son isolement comme région oubliée.
Depuis le retrait israélien et l’évacuation des colonies israéliennes en 2005, et depuis le début du blocus israélien imposé en 2006, la bande de Gaza vit une situation difficile qui complique de plus en plus le quotidien de presque deux millions d’habitants.
En dix ans, la population civile a subi trois offensives militaires israéliennes qui ont fait des milliers de morts et des milliers de blessés, outre la destruction massive de toute une région.
Dix années se sont écoulées, mais il est impossible pour les Palestiniens de Gaza d’oublier la guerre, la souffrance, les massacres et les crimes commis par une armée d’occupation, contre leurs femmes et leurs enfants, contre leurs maisons et leurs écoles, contre leurs usines et leurs routes…
L’année 2015 a connu la poursuite de ces événements tragiques pour les habitants de cette région enfermée et laissée à son sort, une région abandonnée par une Communauté internationale silencieuse et complice…
Premièrement, le maintien du blocus israélien inhumain imposé de façon illégale par les forces d’occupation depuis plus de neuf ans, et la fermeture permanente des passages qui relient la bande de Gaza à l’extérieur.
Concernant les passages commerciaux : actuellement, par jour, 250 à 300 camions seulement entrent à Gaza par le seul passage commercial, ouvert cinq jours par semaine ; ce passage se situe au sud de la bande de Gaza, mais la moitié de ces camions sont à destination des organisations internationales et de leurs projets de reconstruction d’écoles et de stations de distribution d’eau. Parmi ces camions, 5 ou 6 seulement contiennent des matériaux de construction, notamment le ciment. Ce passage se ferme sous n’importe quel prétexte, par décision israélienne, sans que soient pris en considération les besoins énormes de la population civile.
Gaza n’a droit qu’à 130 produits, pour la plupart de première nécessité, contre une liste de 950 produits avant le blocus ; plusieurs produits nécessaires à la vie quotidienne et médicaments n’entrent plus, ce qui a aggravé la situation. Selon les estimations des organisations internationales, la bande de Gaza a besoin de plus de 1.300 camions par jour pour répondre aux besoins énormes d’une population en augmentation permanente.
Cette fermeture empêche aussi l’exportation des biens produits à Gaza, essentiellement des matières premières et des produits semi-finis, ce qui grève de matière catastrophique le redéveloppement économique de cette région palestinienne.
Deuxièmement, aucun projet de reconstruction public ou privé n’a commencé.
Il faut faire un effort d’imagination pour se rendre compte de la réalité quotidienne des Gazaouis : aucune maison n’a été reconstruite un an et demi après la fin de la dernière attaque meurtrière contre Gaza, à l’été 2014. Le comité national de la reconstruction de Gaza a annoncé que seules des réparations aux maisons partiellement endommagées par les bombardements israéliens ont pu être réalisées.
Après un an et demi, aucun véritable projet de reconstruction n’a pu être mis en œuvre.
Seulement 15% de l’argent promis lors de la conférence sur la reconstruction de la bande de Gaza, les 11 et 12 octobre 2014 au Caire (5,6 milliards de dollars avaient été promis), ont été versés, soit directement à l’Autorité palestinienne (qui se heurte à d’énormes difficultés pour mener des projets de reconstruction dans la bande de Gaza et qui, réellement, n’y exerce aucun pouvoir, à cause des mesures israéliennes d’une part et des divergences politiques entre les différents partis palestiniens d’autre part), soit aux organisations internationales (qui s’intéressent surtout à distribuer des aides alimentaires aux sans-abris plutôt que de commencer la reconstruction des maisons détruites).
Le plan Siry (du nom du responsable des Nations-Unies), qui prévoit l’entrée de quelques camions de ciment par jour à Gaza sous contrôle israélien (un plan qui a dès lors, de facto, donné une légitimité internationale au blocus et a permis à Israël d’engranger des profits supplémentaires), n’est pas appliqué par les autorités israéliennes, qui, sous n’importe prétexte, renient leurs engagements.
En réussissant à forcer la persistance de cette situation catastrophique, le gouvernement israélien a réussi à faire passer la bande de Gaza d’une économie familiale non-violente à une économie dépendante d’Israël.
Troisièmement, la poursuite des incursions, bombardements, malgré une trêve respectée par les factions de Gaza. On compte ainsi plus de 100 violations israéliennes en 2015 : 40 bombardements, 20 incursions dans différentes zones frontalière au sud et au nord de la bande de Gaza, 40 attaques contre les pêcheurs et leurs bateaux de pêche. 25 Palestiniens ont trouvé la mort à Gaza suite à ces attaques et bombardements.
Quatrièmement, le maintien de la division inter-palestinienne, malgré la création d’un gouvernement d’union nationale dans les territoires palestiniens. Il n’y a pas d’unité nationale en Palestine, que se partagent deux gouvernements, un à Gaza et un en Cisjordanie. Leur divergences de vues et leurs décisions contradictoires empêchent l’amélioration des conditions de vie des habitants de Gaza.
Par exemple, l’autorité palestinienne verse leur salaire à 70.000 fonctionnaires de Gaza, via les banques ; mais elle ne contrôle pas tous les secteurs économiques, ni les passages dans cette région dominé jusqu’à maintenant par le Hamas.
Cinquièmement, la dégradation de la situation économique et le taux de chômage, qui dépasse les 65% de la population civile active. Le phénomène le plus dangereux est la hausse du chômage chez les jeunes de moins de 30 ans, qui a atteint 85%, en 2015.
65% de la population de Gaza vit ainsi en dessous du seuil de pauvreté
L’augmentation du nombre de personnes qui dépendent des organisations humanitaires : 75% des Gazaouis vivent d’aides alimentaires. Selon les sources du bureau des Nations-Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), dans la bande de Gaza, plus de 970.000 personnes ont bénéficié du programme de l’aide alimentaire géré par le bureau en 2015, ce programme a élargi ses services pour cibler les citoyens et non plus seulement les réfugiés.
L’économie de la bande de Gaza souffre d’une crise très grave due aux agressions israéliennes et au blocus. Cette situation empêche tout développement d’une économie en faillite qui ne trouve pas les ressources nécessaires pour sortir d’une crise qui touche tous les secteurs.
Pour beaucoup d’économistes, l’année 2015 est considérée comme la plus catastrophique pour l’économie palestinienne depuis 20 ans.
Sixièmement, le soulèvement populaire en Cisjordanie, commencé en octobre 2015 et qui entre dans son quatrième mois, a détourné l’attention de Gaza ; les problèmes et les difficultés affrontés par les Gazaouis intéressent moins l’Autorité palestinienne et le reste du monde.
Septièmement, la fermeture des passages qui relient la bande Gaza à l’extérieur, notamment le passage de Rafah au sud de la bande de Gaza, et le passage d’Iretz au nord de la bande de Gaza, a rendu presqu’impossible le déplacement des Palestiniens de Gaza. Le passage de Rafah a n’a été ouvert que 50 jours seulement en 2015, tandis que le passage d’Iretz, contrôlé par l’armée israélienne, n’est autorisé qu’à 5 % de la population gazaouie, principalement aux malades, aux hommes d’affaires et à quelques cas humanitaires.
Huitièmement, l’eau, l’électricité, les infrastructures civiles diverses font toujours défaut, sans qu’aucune solution ne soit envisagées dans le court terme.
La seule centrale électrique de la bande de gaza a été bombardée à l’été 2014 ; elle ne fonctionne plus qu’à 30% de sa capacité initiale, et chaque foyer à Gaza a droit à 8 heures de courant électrique par jour, pas davantage.
Concernant l’eau : les dommages causés aux canalisations et aux infrastructures d’assainissement ont été immenses. En décembre 2015, plus de la moitié des Gazaouis n’avaient plus aucun accès à l’eau.
Neuvièmement, la situation et les événements qui se déroulent dans les pays arabes, en particulier en Syrie, en Irak et au Yémen, focalisent l’attention des dirigeants arabes ; la cause palestinienne est passée aux oubliettes de l’histoire…
Dixièmement, enfin, l’immobilisme : aucun changement ; rien ne change ; rien ne bouge ; la vie civile est presque paralysée. Et ça dure depuis longtemps, sans aucune réaction nationale, régionale ou internationale.
La population civile se bat quotidiennement pour simplement exister encore.
L’aspect le plus grave de cette situation difficile pour les habitants de la bande de Gaza et qui marque l’esprit de la majorité des habitants, c’est l’absence de perspectives pour ces gens qui ne voient aucun changement, qui constatent que les choses n’avancent pas : réconciliation, fin de division, amélioration de leur condition de vie, ouverture, fin d’occupation ; sentiment horrible qui va influencer l’avenir de cette génération, surtout celle des jeunes, qui commencent à perdre espoir en un avenir immédiat meilleur.
Les questions qui se posent au début de cette nouvelle année : quand la reconstruction de Gaza commencera-t-elle ? Jusqu’à quand ce blocus israélien inhumain contre la population civile de la bande de Gaza ? Jusqu’à quand cet impunité d’Israël ? Et jusqu’à quand le silence international officiel ? Jusqu’à quand cette injustice ?