Palestine-Israël : Négociations ou jeu de dupes ?

Carte blanche signée par Pierre Galand, président de l’Association Belgo-Palestinienne dans Le Soir en ligne du 13 août 2013.

Une énième reprise des négociations entre Palestiniens et Israéliens démarre ce mercredi 14 août à Washington. Vingt ans après le début du processus de paix d’Oslo, certains parviennent encore à s’en réjouir. Il est pourtant difficile d’imaginer que quoi que ce soit de positif puisse sortir des neuf mois de pourparlers annoncés.

Tout d’abord, les Etats-Unis endossent une nouvelle fois le costume de parrain des négociations malgré leurs nombreux échecs déjà enregistrés en la matière. Le soutien inconditionnel américain en faveur d’Israël est bien connu, mais aujourd’hui, au vu de la biographie de Martin Indyk, nouvel envoyé spécial des Etats-Unis pour les négociations, le jeu de dupes est manifeste et l’échec annoncé. Ce diplomate d’origine britannique a fait carrière dans diverses structures américaines, lobbies et centres de recherches, connues pour être pro-sionistes. En admettant que son objectif soit de parvenir à une solution négociée, celle-ci ne s’opposera en rien aux exigences du gouvernement ultranationaliste de Netanyahou, à commencer par le maintien de la colonisation.

Ce dimanche, l’annonce par Benjamin Netanyahou du lancement d’appels d’offre pour un millier de nouveaux logements dans les colonies démontre la portée réelle du simulacre lancé ce mercredi à Washington. Le Premier ministre israélien rassure ainsi l’aile ultranationaliste de son gouvernement. Les Naftali Bennet et autres extrémistes n’ont donc aucun souci à se faire, il est hors de question qu’Israël transige sur le maintien et la poursuite de la colonisation. Et ce n’est pas l’opinion publique israélienne qui est en reste puisqu’un récent sondage a montré que 55,5% des Israéliens sont opposés à un retour aux frontières internationalement reconnues de juin 1967, même avec des échanges de territoires, tandis que 65,6% des Israéliens ne s’attendent pas à un accord (sondage publié en août 2013 par le Israeli Democracy Institute).

La seule condition des Palestiniens pour reprendre les négociations était pourtant précisément le gel de la colonisation. Le secrétaire d’Etat américain John Kerry n’est pas parvenu à arracher cet engagement au Premier ministre israélien, et a dû se contenter de la promesse d’une certaine « retenue » en la matière. Sous la pression américaine, Mahmoud Abbas et son équipe ont fini par céder et par accepter des négociations sans conditions, ceci tout en annonçant qu’ils se retireraient à la moindre initiative de reprise de la colonisation. Il y a pourtant fort à parier que Saeb Erekat, négociateur en chef pour l’Autorité palestinienne, sera, quoi qu’il arrive, présent ce mercredi à la table des négociations. En effet, en matière de pressions, les Etats-Unis ne lésinent pas sur les promesses de dollars. Le peu qui a filtré des pourparlers entre Mahmoud Abbas et John Kerry consiste en l’annonce d’une sorte de Plan Marshall destiné à relancer l’économie palestinienne.

Mahmoud Abbas a néanmoins exigé des Israéliens un geste de bonne volonté : relâcher des prisonniers palestiniens arrêtés avant 1993 et le début des négociations d’Oslo. Le gouvernement israélien a déjà approuvé la libération de 26 prisonniers dans un premier temps, et de 104 au total, qui seront relâchés au fur et à mesure de l’avancement des négociations. Censé précéder les négociations, le geste de bonne volonté devient ainsi un nouveau moyen de pression. Par ailleurs, sur un total de 5071 Palestiniens détenus illégalement dans les prisons israéliennes, le nombre de 104 est dérisoire.

D’ailleurs, la population palestinienne n’est pas dupe, et rares sont ceux qui soutiennent la participation de l’Autorité palestinienne à ces négociations. Le 28 juillet dernier, une manifestation avait été organisée à Ramallah à l’appel d’un parti politique palestinien, le FPLP, contre la reprise des négociations. Elle a été violemment réprimée par la police de l’Autorité. Le Hamas a, quant à lui, déclaré qu’il était opposé à des négociations, Mahmoud Abbas n’ayant plus, selon eux, le mandat pour prendre des engagements au nom des Palestiniens. Que vaudrait donc un éventuel accord dans de telles conditions ? Mahmoud Abbas risque avant tout de provoquer un soulèvement du peuple palestinien contre son gouvernement, déjà bien affaibli.

Les Palestiniens semblent donc avoir tout à perdre dans l’aventure. En établissant un calendrier de négociations sur neuf mois, les Etats-Unis s’assurent par ailleurs d’un contrôle contre toute tentative unilatérale palestinienne. L’Autorité Palestinienne a pris un risque grave en s’engageant à ne pas introduire de nouvelles demandes de reconnaissance auprès des Nations Unies ni d’engager des actions et recours devant la Cour pénale internationale durant ce délai. Enfin, en cas d’échec des négociations, il est peu probable qu’on en fasse porter le blâme aux Américains ou aux Israéliens. On préfèrera le faire endosser aux Palestiniens, comme cela avait été fait en 2000 à Camp David après la rencontre entre Yasser Arafat et Ehud Barak. Les Palestiniens seront de nouveau déclarés incapables d’être des partenaires pour la paix. Certains, comme le journaliste britannique Jonathan Cook, y voient déjà un prétexte qui sera saisi par les Israéliens pour annexer purement et simplement la zone C, c’est-à-dire 60% de la Cisjordanie, dans laquelle se trouvent par ailleurs la plupart des colonies. L’annexion de la zone C supprimerait donc purement et simplement la question des colonies, ne laissant aux Palestiniens que des miettes d’un territoire. La menace d’une « bantoustanisation » de la Palestine deviendra donc une réalité.

Aux Nations Unies, un vote largement majoritaire s’est prononcé en faveur de l’Etat de Palestine dans les frontières de 1967. En outre, les travaux du Tribunal Russell sur la Palestine ont clarifié le cadre juridique qui doit conduire à une solution de coexistence et de paix juste entre les peuples israélien et palestinien. Or, ce ne sont ni la voie onusienne ni celle de la légalité internationale qui ont été choisies par l’administration Obama. L’Union européenne, qui vient de préciser de manière remarquable son attitude face à la colonisation, aura-t-elle le courage de proposer une alternative plus crédible et plus conforme aux droits du peuple palestinien ?

Pierre Galand

Président de l’Association Belgo-Palestinienne

abp.png

Association belgo-palestinienne – Wallonie/Bruxelles asbl
quai du commerce, 9 – 1000 Bruxelles

tél: +32 (0)2 223 07 56 – fax: +32 (0)2 250 12 63

mail : communication.abp@gmail.com

www.association-belgo-palestinienne.be