Ce texte initialement rédigé pour une conférence à Albi pour l’AJET a été revu depuis. Merci à celles et ceux qui m’ont aidé par leurs questions ou leur relecture.
La survie de l’Humanité n’est pas assurée au-delà de ce siècle.
Pour faire ce rapport, j’ai en particulier puisé :
– dans le rapport des Amis de la Terre de 2013 (on le trouve sur le site de l’AFPS)
– dans le rapport d’Amnesty International de 2020 et 2024 sur Palestine Israël
– dans les rapports de l’Observatoire des Armements.
Oui, je crois que nous sommes conscients des risques pour la survie même de l’humanité au-delà de ce siècle.
Les multimilliardaires qui auprès de Trump font semblant de minorer le danger sont déjà en train de se demander sur quelle planète quelques happy few pourront s’installer, probablement avec quelques domestiques.
– C’est le risque d’accélération du changement climatique avec son cortège de conséquences, notamment :
* la montée des eaux rendant de vastes surfaces inhabitables
* des zones rendues inhabitables par les canicules et sécheresses
* d’autres par d’éventuelles glaciations
* l’effondrement de la biodiversité,…
– la fuite en avant du capitalisme mondial, responsable de ce changement climatique (à anthropocène, je préfère capitalocène), a d’autres conséquences, telles que :
* stérilisation chimique des terres cultivables
* stérilisation comme conséquence de l’extractivisme dont le système a besoin
* accès à l’eau potable
*gestion des déchets,…
* risques spécifiques du nucléaire (déchets et accidents)
* déjà des zones sont stérilisées pour longtemps par l’agent orange (napalm), l’exploitation des mines d’uranium, les mines anti-personnels.
Et si les différents impérialismes peuvent avoir des idéologies différentes et des modes de gouvernance différents, ils sont tous aujourd’hui gestionnaires d’une logique de développement capitaliste, d’une recherche du profit maximum, de la dictature de la marchandise étendue à toutes les sphères de l’activité humaine.
– ce contexte produit une montée des affrontements entre impérialismes et une surexploitation des pays dominés avec le risque que les guerres dévastatrices le deviennent jusqu’à l’utilisation de l’arme nucléaire
« Toujours votre société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle est à l’état d’apparent repos, porte en elle la guerre, comme la nuée dormante porte l’orage.» Jean Jaurès
– Le système de régulation des relations internationales après la 1ère et surtout la 2ème guerre mondiale, ce dernier fondé sur l’équilibre de la terreur entre blocs, avait tant bien que mal résisté aux bouleversements de la décolonisation. Il a volé en éclats, et le droit international ne s’applique pas : guerres d’Irak, d’Ukraine, du Rwanda, du Congo…
– cette situation provoque une montée de l’intolérance pour des migrations que ce capitalisme et ces affrontements provoquent directement ou indirectement : déplacements de population, migrations climatiques, migrations liées à l’utilisation des sols et des sous-sols, migrations liées aux « parcs naturels » imposés ; migrations liées aux crises politiques… Montée de toutes les formes de racisme.
– les impérialismes justifient des politiques sécuritaires et le recul des libertés, (Guantanamo!)
– la perte d’espoir dans des changements heureux est une des causes de la montée des intégrismes religieux (Islamisme, Hindouisme, Evangéliques, judéofascisme, sectes diverses)
Il est facile de montrer que Palestine / Israël est le microcosme de ce chaos mondial :
* contribution carbone (Tel Aviv championne des climatiseurs)
* vol de l’eau (eau du Golan détourné, eaux des nappes phréatiques pompées,…)
* vol de la terre (colonisation) et dégâts de l’agriculture intensive et de plantations inadaptées
* déchets transportés dans les « territoires palestiniens occupés »
* négation de la culture indigène (dénomination en hébreu des lieux et des voies et disparition de la signalisation en arabe,…)
* déplacements de population et colonisation de remplacement, nettoyage ethnique de la Palestine (I. Pappé)
* apartheid, loi Israël État nation du peuple juif (2018) officalisant une politique commencée dès 1948
* société militarisée, théorie du drone (cf le livre de Grégoire Chamayou)
* détention administrative et gestion par la détention (cf le livre de Salah Hammouri)
* État ethnique, nationalisme exacerbé, et montée des intégrismes religieux.
Ici, je fais une parenthèse : le « socialisme » des premières années d’Israël dirigé par le parti travailliste, c’était d’une part une vitrine, le kibboutz comme un socialisme sans Staline ; c’était surtout un peu, comme le socialisme des nouveaux États indépendants en Afrique, le développement des instruments assurant la légitimité d’un État ; une fois assurée, la contre-révolution libérale pouvait intervenir.
…
Et il est même facile de montrer que l’action d’Israël dans la bande de Gaza est le microcosme de ce chaos Palestine Israël
* l’eau (production de fleurs coupées pompant la nappe envahie par l’eau de mer)
* la pêche (surpêche sur 3 miles)
* le blocus
et maintenant
* déplacements de population
* destruction de la ville
* destruction ciblée des écoles et des universités
* destruction ciblée du patrimoine culturel et religieux
* famine
* massacre, génocide en cours
Quand je lui ai signalé ce projet d’exposé, quand nous nous sommes vus au festival d’Uzeste, en août dernier, Rony Brauman m’a dit en souriant (certains diraient que c’est de l’humour juif) : « en présentant ainsi Palestine/ Israël comme le microcosme du monde, Israël trouve en toi son meilleur défenseur ! » Car en montrant que Israël est un prédateur à l’image des autres, on le banalise. Et en se mobilisant spécifiquement sur ce sujet alors qu’il n’est qu’un parmi d’autres, n’est-ce pas l’antisémitisme qui nous guiderait ?
S’il y a ici des personnes qui ont tenu des tables pour la Palestine, pour la campagne BDS, il leur est certainement arrivé comme à moi qu’un sioniste les interpelle en leur disant : « il y a plus de morts au Soudan, plus de détenus Ouïghours en Chine, plus de pogroms contre les musulmans en Inde,… Pourquoi vous vous intéressez spécifiquement à Israël ? »
Quand cela m’est arrivé il y a peu, j’ai répondu « c’est curieux, je ne me souviens pas de vous avoir vu à la dernière manifestation pour l’Ukraine », et à chaque fois cela a suffi pour que mon interlocuteur ou interlocutrice parte.
Mais ma réponse n’épuise pas le sujet.
Oui, il faut être conscient qu’Israël est une pièce maîtresse de l’impérialisme occidental, États-Unis et Europe, impérialisme qui couvre donc bien d’autres crimes, comme dit dans la première partie de cet exposé.
Oui, d’une certaine façon, Israël dit et fait tout haut ce que les autres font de façon honteuse. Pour ne prendre qu’un exemple, évacuer ses déchets en Cisjordanie comme le fait Israël, est-ce fondamentalement différent de l’envoi des bateaux à désamianter en Inde ?, ou l’évacuation des déchets électroniques en Afrique par containers ?
Si vous avez vu l’excellent film « Yallah Gaza » de Roland Nurier, vous connaissez l’image reprise par Sylvain Cypel pour qualifier la politique d’Israël depuis plusieurs années: uriner dans la piscine du haut du plongeoir.
Sylvain Cypel, dit : il nous est arrivé à tous de ne pas pouvoir attendre de sortir de la piscine et de rejoindre les toilettes, il nous est arrivé de façon honteuse et le plus discrètement possible d’uriner dans la piscine (je n’ai pas personnellement ce souvenir, mais je comprends l’image). Mais ce que fait Israël, aujourd’hui, c’est uriner dans la piscine du haut du plongeoir, tranquillement, ouvertement.
Oui, nous dit Israël, je débarrasse la Palestine des Palestiniens, et je n’en ai rien à foutre de ce que vous en pensez. Nous l’avons fait en 47-49, et nous devons poursuivre aujourd’hui.
Alors oui, il y a de bonnes raisons d’accorder à ce sujet une particulière attention et une particulière action, c’était vrai avant le 7 octobre, cela est encore plus vrai depuis.
Je ne plaide pas ici pour que nous ne parlions que de cela, que nous n’agissions qu’à ce sujet. La lutte contre la fuite en avant vers la catastrophe climatique doit nous mobiliser de façon multiforme. La solidarité avec les peuples dominés doit se développer. Solidarité avec l’Ukraine agressée et occupée, solidarité avec la Kanaky, solidarité avec les migrants, et participation, ici et maintenant, à la lutte contre le démantèlement des services publics et pour la défense des biens communs. Bref, la lutte pour l’émancipation des travailleurs (et des travailleuses) et des peuples est multiforme.
Mais Israël est une pointe avancée de cette politique mondiale qui nous mène à l’abîme. Sa politique de colonisation n’est pas simplement de peuplement, elle est un colonialisme de remplacement, comme l’a été la colonisation de l’Australie ou de l’Amérique du Nord. Ce qui faisait partie dès l’origine du projet du sionisme politique, et que les Etats ont fait mine de ne pas voir et de ne pas entendre, c’est l’évacuation du maximum de Palestinien.nes, ce qu’Israël affirme aujourd’hui du haut du plongeoir. Aujourd’hui, nous vivons une nouvelle Nakba, une nouvelle phase d’accélération de ce colonialisme de remplacement. En 2018, la loi Israël Etat Nation du peuple juif apparaissait comme l’officialisation d’un régime d’apartheid. Depuis le 7 octobre, parallèlement à l’accélération de la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem Est, c’est le génocide de la population de la Bande de Gaza , le tout au nom d’une identité fantasmée et désormais d’un messianisme religieux.
Aujourd’hui, ce n’est pas d’une entorse au droit international qu’il s’agit, c’est ouvertement la négation du droit international, et le vote par les 3/4 de la Knesset de l’interdiction de l’UNWRA, comme la délégitimation de la Cour pénale internatoinale (CPI) et de la Cour internationale de justice (CIJ).
Aujourd’hui, ce n’est pas là de discrimination dont nous parlons, mais de l’organisation de la famine, au vu et au su du monde ;
Et nous pouvons voir que Netanyahou aura été le poisson pilote de Trump, dans la fuite en avant du capitalisme extractiviste et dans la négation ouverte du droit international.
Bien sûr, à l’UJFP, nous sommes particulièrement sensibles à ce scandale du sionisme, ce colonialisme qui s’est prétendu mouvement de libération nationale et qui s’est dévoilé comme un colonialisme de remplacement, et qui en prétendant parler ainsi au nom des Juifs du monde entier favorise délibérément un renouveau de l’antisémitisme (qui n’avait certes pas disparu).
Mais nous disons à tous les habitant.es de notre pays : vous aussi on vous fait complices du génocide ! La France est totalement engagée au côté de cette politique israélienne malgré les rodomontades présidentielles :
– armement (et explosion des exportations « à double usage », civil et militaire, pour tenter de masquer la participation directe à l’armement d’Israël)
– coopération économique, culturelle, sportive (double standard, cf Jeux Olympiques)
– reconnaissance de fait d’Israël comme représentant les Juives et Juifs du monde entier (en Occitanie, je cite Hollande invitant Netanyahou à Toulouse pour commémorer les attentats de Mérah et le laissant dire sans broncher que la sécurité des Juifs est en Israël)
– reprise de l’accusation d’antisémitisme à tous ceux qui critiquent Israël, notamment tentative de criminaliser la campagne citoyenne Boycott Désinvestissement Sanctions (BDS).
À ce sujet, nous considérons comme particulièrement significative, stupide et inadmissible la déclaration du ministre Barrot, qui dit qu’il est criminel d’accuser Israël de génocide, donc un peuple qui a été lui-même victime d’un génocide. D’une part c’est ignorer l’Histoire, et d’autre part c’est à nouveau faire d’Israël le représentant de tous les Juifs et de toutes les Juives du monde.
– maintien en détention de Georges I. Abdallah
Si, après avoir été complices du génocide des Tutsi du Rwanda, nous restons complices par notre passivité du génocide en cours en Palestine , comment se regarder dans la glace ?
Une conviction : si nous laissons le peuple palestinien aux mains d’un État génocidaire, nous ne gagnerons pas sur les autres terrains. Mais si nous réussissons à développer à l’échelle du Monde l’intifada, j’utilise ce terme que la justice française veut criminaliser alors qu’il signifie soulèvement, oui le soulèvement de la population contre le génocide en cours, alors nous gagnerons en force pour nos autres combats.
Alors oui, même si Macron et Trump ne le veulent pas, , nous sommes là pour dire : Cessez le feu immédiat ; Palestine libre de la mer au Jourdain, égalité des droits !
André Rosevègue (Palestine 33, UJFP Nouvelle Aquitaine)