Palais des Nations – 22 avril 09 Mireille Fanon Mendes France

salle 25
conférence organisée par l’ONG COJEP-Strasbourg
Réaction de la société civile face à l’intolérance dans les situations de crise
Intervention de Mireille Fanon-Mendès France
UJFP et EEJP

C’est sur le mot intolérance que je voudrais rebondir d’autant plus qu’il est un des points soumis à notre réflexion et échange par le COJEP qui nous invite.

Je dois ajouter que j’interviens au nom de l’Union juive française pour la paix, affiliée à l’EEJP, qui porte une autre voix de juive que celles se référant à l’idéologie sioniste dans ce qu’il porte et conforte de la violation des droits humains d’une part pour près de 22% de la population d’Israël et d’autre part en ce qu’il favorise et participe à l’occupation coloniale et à la violation des droits humains pour le peuple palestinien mais aussi de son droit à la souveraineté et de disposer librement de son système politique ainsi que de ses ressources naturelles.

Cette voix est la nôtre, nous la revendiquons, nous nous inscrivons dans la lutte contre tous, j’insiste bien contre tous les racismes, toutes les discriminations, où qu’ils s’expriment et contre toute intolérance où qu’elle se manifeste.

C’est dans ce Palais des Nations unies, qu’il nous a été donné d’assister au spectacle désolant des sièges vides laissés par certains pays au prétexte que cette conférence n’avait comme unique objet que de discréditer la politique discriminatoire d’Israel.

Agissant ainsi ces pays mettent en péril un processus qui nous concerne toutes et tous et prennent le risque d’abandonner les victimes du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance, à elles-mêmes.

Leur obligation et leur responsabilité, en tant qu’Etats membres nous représentant, est de tout faire pour que ces violations massives des droits soient punies et d’insister, avec une réelle volonté politique, pour que le plan d’action, décidé à l’issue de la conférence de Durban, en 2001, soit effectivement mis en oeuvre par l’ensemble des pays, sinon l’universalité des droits que tous les Etats disent vouloir atteindre restera un rêve et le signe de l’enfer pour les victimes.

L’attitude des Etats absents tout comme celle de ceux qui ont quitté la salle suite aux propos du président iranien, mais aussi l’adoption, dès le deuxième jour de la déclaration finale des Etats, sous pression occidentale, est le signe d’une intolérance à l’égard de l’autre et a pour résultat d’accentuer et de renforcer la situation de crise à laquelle l’ensemble du monde doit répondre.

Face à l’intolérance que faisons nous? C’est bien la question posée. Pour ma part, j’assume dans ce cas de figure que la seule réponse possible est de mettre les Etats absents ou jouant sur la menace de l’absence ou ceux qui limitent la liberté d’expression de la société civile face à l’obligation qu’ils ont de représenter l’ensemble de ce qu’il est communément accepté de désigner sous le terme de société civile. Nous devons leur rappeler qu’ils sont là pour «nous, peuple des Nations, petites ou grandes(…)».

Ils doivent assumer leurs responsabilités d’Etat au regard des divers instruments du droit international.

Leur absence, leur faux départ mais aussi leur façon d’imposer leurs manières de voir et de vivre les relations internationales reviennent à questionner nombre de ces instruments mais aussi interrogent sur la nature des rapports de force fonctionnant au sein du système des Nations unies et sur le devenir de certains organes subsidiaires.

En somme, les pays occidentaux, qui se sont abstenus, ont montré leur peu d’intérêt pour un processus visant à l’universalité des droits et ont ainsi signifié leur opposition aux pays du sud qui marquent le leur dans la lutte contre le racisme, mais qui font peu entendre leur voix. A l’issue de cette conférence, se voit aussi conforter l’opposition des pays occidentaux face à ceux du Sud.

Leur attitude vient renforcer ce qui se joue dans les instances onusiennes depuis un certain temps mais avec encore plus de férocité depuis septembre 2001. L’avenir de la société civile qui doit vivre au rythme de l’intolérance de la communauté internationale à l’égard de ceux qui ont une autre pratique religieuse, une autre revendication à l’égard de l’usage et de l’expoitation des ressources naturelles, une autre approche du développement durable, une autre approche de la démocratie et une autre perception du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, sans oublier une autre façon de regarder les migrants ainsi que toutes les victimes du capitalisme économique et financier.

Face à l’intolérance érigée en système, je dirais qu’une de nos réponses est de sans cesse rappeler que nous ne voulons pas revenir à un jus ad bellum pas plus qu’à une loi de la jungle que certains tentent de nous imposer et pour mieux le faire préfèrent déréguler, au nom d’une soit disante lutte contre le terrorisme, l’ensemble des acquis sociaux, l’ensemble des garanties apportées par les droits économiques sociaux et culturels mais aussi par les droits civils et politiques de plus en plus muselés et remis en cause en cette période de crise mondiale.

Notre force, que nous soyons ONG ou mouvement social est de revendiquer pour tous, partout le droit à la justice et le droit au juge dès lors que des violations sont avérées.

Nos Etats respectifs doivent s’y engager et nous y aider, c’est bien sur ces bases que nous réussirons à faire face aux crises car nous aurons su organiser, par le biais du droit international et du respect des normes impératives, ce qui jusqu’alors s’était vu disjoint, voire isolé.

L’applicabilité et l’effectivité des normes impératives partout et par tous permettra enfin d’allier, de rallier et de relier tout ce qui se trouve, de par la volonté des puissants, désolidarisé. C’est à partir d’un vrai désir de justice de paix et de sécurité internationale qu’il nous sera donné de faire peuple et nation, d’entrer en dignité face au monde, car nous serons autant de femmes et d’hommes debout.

C’est dans la responsabilité que se trouve l’invention, la souplesse, la créativité, la nécessité d’inventer des solutions qui viennent aux manquements de ceux qui nous représentent et qui, en faillant à leurs obligations, nous renvoient au fond du gouffre en nous aliénant à eux et à leur désir de pouvoir.