Eman Alhaj Ali The Electronic Intifada 14 janvier 2024
Les tentes constituent un abri totalement inadapté pour les personnes déplacées dans la ville de Rafah, au sud de Gaza. Bashar Taleb APA images |
Nous pouvions entendre l’anxiété dans la voix de mon oncle.
« Lève-toi », a-t-il crié. « Nous devons partir.
Il nous a informés que des tracts avaient été largués dans la zone du camp de réfugiés de Maghazi, au centre de Gaza, où nous nous trouvions. Israël avait ordonné l’évacuation de cette zone.
Cela faisait une semaine que nous avions quitté notre propre maison à Maghazi pour aller chez mon oncle et ma tante.
Nos vies s’étaient effondrées sous un ciel noir et oppressant. Nous avions quitté notre propre rue après qu’Israël y ait perpétré un massacre.
Le massacre a eu lieu le 24 décembre, à un moment où, dans de nombreux pays, les gens fêtaient ou se préparaient à fêter Noël. Au moins 70 personnes ont été tuées.
Nous avions discuté de l’opportunité de rester dans la maison de ma tante à Maghazi ou de partir vers le sud après ce massacre. Nous avons choisi de rester à Maghazi.
La maison de ma tante était surpeuplée et tout sauf sûre. Les bombardements israéliens sur Maghazi se poursuivent sans relâche.
Notre situation devenait de plus en plus précaire. Des rumeurs se sont répandues selon lesquelles Israël était sur le point d’entreprendre une invasion majeure de Maghazi.
Quelques jours après que nous ayons quitté notre maison, mon père a annoncé qu’il y retournerait pour en vérifier l’état.
Nous avons marché jusqu’à notre maison, conscients que les avions de guerre israéliens pouvaient tirer sur tout ce qui bougeait. Lorsque nous sommes arrivés, le calme était inhabituel.
Lorsque nous avons ouvert la porte, la maison qui résonnait autrefois des rires de mes frères et sœurs semblait désormais vide.
Les souvenirs ont afflué à mesure que j’entrais, me rappelant des moments de joie et la chaleur de ma chambre à coucher.
Dire au revoir à notre maison était douloureux. Pourtant, je m’accrochais à une lueur d’espoir que nous reviendrions.
Alors que nous rassemblions quelques objets de première nécessité, les larmes me montaient aux yeux. J’ai ressenti un sentiment d’étouffement.
Sinistre
La situation s’est encore détériorée à Maghazi.
Nous ne savions pas si notre maison resterait intacte. Mon père était désespéré, mais il essayait de trouver du réconfort dans sa foi.
« Dieu nous accordera de meilleures choses à l’avenir », disait-il.
Nous n’étions pas d’accord sur ce que nous devions faire.
Mon oncle a longtemps soutenu que nous ne devions pas quitter Maghazi. Les conditions qui nous attendraient après notre départ du camp seraient très dures.
Lorsque des tracts ordonnant l’évacuation ont été publiés par Israël, nous sommes d’abord allés chez ma grand-mère à Maghazi.
Puis, le 8 janvier, un grand camion est arrivé.
Au sein d’un groupe de plus de 70 personnes, nous nous sommes embarqués pour un voyage incertain.
Nous avons prié en traversant un « couloir de sécurité » où le danger était omniprésent. Il y avait des drones de surveillance au-dessus de nos têtes et des troupes israéliennes sur le terrain.
Leur présence était inquiétante.
Nous sommes finalement arrivés à Rafah, la ville la plus méridionale de Gaza.
Nous y avons vu une mer de tentes et la dure réalité des difficultés des autres.
La vie privée a disparu, la nourriture est rare et il fait un froid glacial.
Nous nous sommes sentis découragés.
Tout ce que nous pouvions faire, c’était poser des questions.
Quand cela finira-t-il ?
Allons-nous survivre à cette horrible guerre ou devenir des victimes ? Des statistiques que les pays et les institutions les plus puissants du monde ignoreront ?
Combien de temps devrons-nous encore endurer ?
Eman Alhaj Ali est journaliste, traductrice et écrivaine. Elle vit à Gaza.
(traduction J et D)