« Neutralité » religieuse dans les crèches et les universités ? Halte à la stigmatisation des musulman·e·s !

Depuis le milieu des années 1980, la litanie des lois relatives à l’immigration qui reviennent avec la régularité d’un métronome concourt à la mise à l’index d’une partie de la population : celle qui est aussi la cible des discours xénophobes. Participe de cette mise à l’index la stigmatisation des femmes portant un voile et, au-delà, de l’ensemble des musulmans et des musulmanes, devenus la préoccupation obsessionnelle de la classe politique.

Alors que tous les responsables politiques ont crié haut et fort, après les attentats de janvier 2015, qu’il fallait se garder de tout amalgame et ne pas rejeter sur les musulmans de France la responsabilité des attentats terroristes, voilà que les uns et les autres mettent aujourd’hui en avant la nécessité de légiférer, une fois de plus, sur des pratiques liées à l’islam, en proscrivant le port de tenues et de signes religieux jugés « ostentatoires ».

 



On voit ainsi les socialistes avec leurs alliés radicaux de gauche, d’un côté, l’UMP, de l’autre, faire assaut d’imagination et se livrer à un véritable concours Lépine de l’extension du domaine de la « laïcité » au nom d’une neutralité religieuse… dirigée exclusivement contre les musulmans et plus particulièrement les musulmanes.

 
Ces dernières semaines ont ainsi refait surface deux propositions lancées dans le débat public depuis quelques années. L’UMP, en la personne d’Éric Ciotti, a déposé une proposition de loi afin d’étendre aux établissements publics d’enseignement supérieur le champ d’application de la loi du 15 mars 2004 interdisant « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse » dans les écoles, collèges et lycées publics. À rebours de l’ensemble des positions constamment exprimées par la communauté universitaire et relayées par les présidents d’université, la secrétaire d’État aux droits des femmes a cru bon d’aller dans ce sens en affirmant qu’elle n’était pas « sûre que le voile fasse partie de l’enseignement supérieur ».

 



Et le 12 mars l’Assemblée nationale discutera, à l’initiative des radicaux de gauche, d’une proposition de loi adoptée par le Sénat en janvier 2012. Elle vise à imposer la « neutralité » dans les « établissements et services accueillant des enfants de moins de six ans ». Dans sa rédaction initiale elle incluait même « l’assistant maternel dans le cours de son activité d’accueil d’enfants » : autrement dit, les « nounous » n’auraient plus eu le droit de porter le voile, même chez elles ! Face au risque de voir déclarer inconstitutionnelle l’immixtion du législateur dans la façon de s’habiller à son domicile, cette dernière disposition a pour l’instant été retirée… en attendant qu’elle réapparaisse un jour dans une future proposition de loi….

 



Même s’il concernait les seuls lieux d’accueil collectifs de jeunes enfants, le texte resterait dans tous les cas profondément stigmatisant pour les femmes portant un voile, ainsi suspectées de ne pas pouvoir agir en professionnelles. Stigmatisant, mais aussi discriminatoire, car c’est encore tout un pan d’emplois qui se fermerait, sur la base de critères pourtant prohibés, à une partie de la population économiquement fragilisée : ces femmes sont en effet déjà victimes de multiples entraves pour l’accès à l’emploi et, pour certaines d’entre elles, de l’interdiction d’accès aux professions réservées aux nationaux.



Ces propositions viennent s’ajouter à des pratiques déjà bien enracinées, telle l’interdiction fréquemment faite aux mères portant le voile d’accompagner les sorties scolaires ou les obstacles mis à l’accès à la nationalité des personnes musulmanes – ou considérées comme telles – soupçonnées de ne pas faire leurs les « valeurs républicaines » de laïcité et d’égalité.
 



La stigmatisation des musulmans et des musulmanes au nom d’une conception fallacieuse de la neutralité religieuse contribue à accroître les phénomènes de relégation et les fractures au sein de la société. On ne peut tolérer que l’État crée sans cesse de nouvelles discriminations alors qu’il prétend vouloir les combattre.