Nettoyage ethnique des Rohingyas : Israël exporte à nouveau sa guerre contre les peuples autochtones

La Birmanie n’est pas le premier régime à commettre un nettoyage ethnique et un génocide grâce aux armes d’Israël. L’oppression exercée contre les Palestiniens est un « test de terrain » permettant à d’autres gouvernements d’écraser leurs propres populations indigènes.

Il ne devrait pas être surprenant de constater qu’il existe une connexion entre Israël et la violence et les politiques génocidaires actuelles de la junte birmane contre les Rohingyas indigènes.

Des réfugiés rohingyas vivant en Malaisie manifestent à Kuala Lumpur contre le traitement des Rohingyas en Birmanie, le 8 septembre 2017 (AFP) Rohingya refugees living in Malaysia shout slogans during a protest against the treatment of Rohingya Muslims in Myanmar, in Kuala Lumpur on September 8, 2017. Hundreds of protestors chanting « Long live Rohingya » demonstrated outside the Myanmar embassy in the Malaysian capital on September 8 to condemn the deadly violence against the Muslim minority. / AFP PHOTO / Mohd RASFAN

Non seulement Israël a aidé et soutenu les régimes à l’origine des génocides du Rwanda et de Srebrenica, mais il a également soutenu divers gouvernements de par le monde à opprimer leurs propres populations indigènes.

La Birmanie n’est que la dernière destinataire en date des armes et de la formation israéliennes, une double exportation qui a permis au régime birman de mener des politiques de nettoyage ethnique semblables à celles qu’Israël applique contre les Palestiniens. Comme l’a déclaré à Middle East Eye Ofer Neiman, activiste israélien des droits de l’homme, les politiques ne sont pas seulement similaires : il existe une relation claire de cause à effet.

« Les gouvernements israéliens successifs vendent des armes à la dictature militaire en Birmanie depuis des années. Cette politique est fortement liée à l’oppression et à la dépossession exercées par Israël contre le peuple palestinien », a-t-il expliqué.

« Les armes utilisées contre les Palestiniens sont vendues comme des armes « testées sur le terrain » à certains des pires régimes de la planète. »

Des activistes ont lancé une campagne pour exhorter le gouvernement israélien à mettre fin aux exportations d’armes vers le Myanmar, que la Cour suprême israélienne devrait entendre ce mois-ci.

Mais les résultats devraient être les mêmes que les décisions prises pour les génocides du Rwanda et de Srebrenica : la cour israélienne avait alors soutenu que les questions devaient être gardées secrètes dans l’intérêt de la sécurité nationale.

Entre victimes et bourreaux

Quand Israël se présente au monde comme une nation persécutée cherchant à restaurer un refuge pour le peuple juif, il obscurcit la vérité sur la manière dont il a vu le jour : Israël a été créé avec les mêmes tactiques que celles que le gouvernement birman emploie contre les Rohingyas, et il continue de les utiliser.

L’état d’Israël a été formé par le biais de trois organisations miliciennes juives – l’Irgoun, la Haganah et le Lehi. Ces forces paramilitaires étrangères et coloniales ont mis en œuvre des politiques de nettoyage ethnique, de massacres, de destruction de maisons et d’incendies de terres habitées par la population indigène locale, les Palestiniens. Finalement, ces groupes ont été absorbés dans ce que l’État appelle aujourd’hui les Forces de défense d’Israël (l’armée israélienne).

Comme les Palestiniens, les Rohingyas ont été rendus apatrides et sont menacés de déni de citoyenneté. Ce sont des réfugiés permanents qu’aucune entité ni aucun pays n’est officiellement disposé à intégrer en respectant et en protégeant pleinement leurs droits. Comme les Palestiniens, ils sont en stagnation permanente et existent dans un vide juridique.

Comme dans le cas des Palestiniens, les victimes sont considérées comme les bourreaux, et les bourreaux comme les victimes, alors qu’Israël et le gouvernement militaire birman accusent les habitants indigènes qui sont massacrés et soumis à une politique génocidaire permanente de participer à des activités terroristes.

Les efforts déployés par le gouvernement birman pour déplacer les Rohingyas ont été extrêmement problématiques, s’apparentant à la politique de transfert de populationmenée par Israël dans le but de trouver une « solution » pour les habitants palestiniens indigènes de la terre historique de Palestine.

Des réfugiés rohingyas déplacés de l’État d’Arakan, en Birmanie, se reposent près d’Okhla, à la frontière entre le Bangladesh et la Birmanie, alors qu’ils fuient la violence, le 4 septembre 2017 (AFP). Displaced Rohingya refugees from Rakhine state in Myanmar rest near Ukhia, at the border between Bangladesh and Myanmar, as they flee violence on September 4, 2017. A total of 87,000 mostly Rohingya refugees have arrived in Bangladesh since violence erupted in neighbouring Myanmar on August 25, the United Nations said today, amid growing international criticism of Aung San Suu Kyi. Around 20,000 more were massed on the border waiting to enter, the UN said in a report. / AFP PHOTO / K.M. ASAD

La justification religieuse invoquée pour la création de ces conditions d’expropriation contre les habitants indigènes est également similaire dans les deux contextes.

De la même manière que certains dirigeants politiques et religieux en Israël ont utilisé des justifications rabbiniques pour les meurtres, les viols et violences sexuelles, le génocide et le nettoyage ethnique commis contre les Palestiniens, certains dirigeants politiques et religieux bouddhistes font de même et encouragent la violence contre les Rohingyas indigènes.

Impuissance de la communauté internationale

Alors que le mouvement de résistance palestinien Hamas a dénoncé la violence du régime militaire birman contre la population autochtone des Rohingyas, la réponse de la communauté internationale n’est pas surprenante.

L’impuissance de cette dernière à agir au-delà des condamnations et des déclarations selon lesquelles la situation constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales est affligeante.

Tout aussi affligeante est l’absence de mesures sérieuses ou immédiates, telles que des sanctions ou une intervention militaire, prises par le Conseil de sécurité des Nations unies contre la junte birmane, démontrant toute la futilité du droit international dans cette crise.

Il en est de même pour les Palestiniens dans la Nakba en cours qui selon certains a commencé en 1799 mais qui a été exécutée en 1948 et exacerbée en 1967 et continue jusqu’à nos jours.

Les Palestiniens, tout comme les Rohingyas, sont soumis à une politique de nettoyage ethnique et de violence rendue possible par l’impuissance du droit international, un fait reconnu par Desmond Tutu, qui s’est également exprimé contre l’oppression israélienne des Palestiniens.

La « Nakba » de la Birmanie

Les Rohingyas ont deux options. Soit la situation continue d’être ignorée et une catastrophe grave et continue, une « Nakba », leur sera imposée de façon permanente et systématique.

Soit le monde répond de manière appropriée et conformément aux principes du droit international relatif aux droits de l’homme et oblige la junte birmane à rendre des comptes.

Une maison brûle dans le village de Gawdu Tharya, dans l’État d’Arakan, au nord de la Birmanie, début septembre 2017 (AFP)
In this photograph taken on September 7, 2017, a house burns in Gawdu Tharya village near Maungdaw in Rakhine state in northern Myanmar. The wooden structure on fire was seen by journalists during a Myanmar government sponsored trip for media to the region. In the last two weeks alone 164,000 mostly Rohingya civilians have fled to Bangladesh, overwhelming refugee camps that were already bursting at the seams and scores more have died trying to flee the fighting in Myanmar’s Rakhine state, where witnesses say entire villages have been burned since Rohingya militants launched a series of coordinated attacks on August 25, prompting a military-led crackdown. / AFP PHOTO / STR

Contrairement à Israël, la Birmanie est signataire de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et, compte tenu des commentaires formulés par le plus haut responsable des Nations unies en matière de droits de l’homme, selon lequel « la situation semble être un exemple classique de nettoyage ethnique », elle devrait avoir à répondre dès maintenant à des questions difficiles.

La façon dont nous réagissons à ce qui se passe en Birmanie pourrait-elle constituer un nouveau précédent pour le peuple palestinien ? Seul le temps pourra le dire.

Par Ahmad Moussa. Publié sur le site Middle East Eye le 13 septembre 2017.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation