La victoire de Netanyahou aux dernières élections israéliennes n’a évidemment rien de réjouissant. Comme il s’agit d’un scrutin formellement démocratique dont personne n’a contesté la régularité, le résultat donne une idée de la spirale suicidaire dans laquelle s’est engagé l’électorat israélien.
Déjà en 2009, lors du premier retour victorieux de Benyamin Netanyahou, j’avais parlé à son propos d’une « OAS de gouvernement » en comparant l’évolution de la population juive israélienne à celle des Français d’Algérie. Ceux-ci, par leur refus de rien lâcher aux aspirations démocratiques du peuple algérien qu’ils dominaient, avaient miné toute possibilité de cohabitation avec ce peuple une fois l’indépendance acquise. Différence : l’issue de l’impasse palestinienne sera plus dramatique, le « peuple hébreu » n’ayant aucune métropole où se replier si le vent devait tourner en sa défaveur [D’où le fameux « complexe de Massada » bien analysé [ici par Pierre Stambul.]].
Pourtant, envisagée de manière froide, cette victoire a du bon. En déclarant qu’il n’y aurait jamais d’État palestinien, Netanyahou joue franc jeu. Politique du pire ? Pas du tout. On ne croit pas une seconde qu’une victoire du « camp sioniste » qualifié de centre-gauche [note]Les travaillistes de Itzhak Herzog + les « centristes » de Tzipi Livni.]] aurait rendu une paix juste possible. Cela fait plus de vingt ans, depuis la signature des Accords d’Oslo (1993), qu’une mascarade intitulée par antiphrase « processus de paix » est supposée nous rapprocher de cette fameuse « solution à deux États » qui reste l’horizon magique auquel se raccroche la diplomatie internationale. Et pendant ces vingt ans, sans qu’on perçoive la moindre différence entre des gouvernements « de gauche », « de droite » ou « du centre », Israël a multiplié les faits accomplis de la colonisation en Cisjordanie. Pendant ce temps, un simulacre de négociations perpétuelles interrompues et reprises au rythme de psychodrames ridicules amusaient le tapis d’une « communauté internationale » singulièrement crédule.
Car le dit « camp sioniste » est parfaitement d’accord avec la droite israélienne sur l’essentiel : pas question de lâcher les gros blocs de colonies qui ont transformé la Cisjordanie en gruyère, pas question de restaurer nulle part une véritable souveraineté palestinienne, pas question de desserrer le blocus de Gaza, pas question en fait de négocier quoi que ce soit. Et d’ailleurs pourquoi le faire, puisque l’impunité est acquise ? Seule différence : ce « centre-gauche » n’aurait pas renoncé à l’enfumage du processus de paix et de la « solution à deux États » si agréable à nos oreilles.
À tout prendre, la brutalité et l’arrogance de Netanyahou sont préférables. Quand il avait fait mine de se rallier à la « solution à deux États », ses interlocuteurs internationaux s’étaient empressés de lui en faire crédit. Maintenant, il se lâche et les derniers masques tombent : les autorités palestiniennes, qui avaient pourtant déjà mis beaucoup d’eau dans leur vin, « n’ont plus de partenaire pour la paix ». Les Tartufe européens, tellement attachés aux postures d’équidistance qui ne font qu’entériner des rapports de force déséquilibrés, devront bien en prendre acte.
Avec la sortie du placard de la pire intransigeance sioniste de Netanyahou, il n’y a plus rien à attendre d’une énième reprise de négociations qui n’auraient plus d’objet. Reconnaissons que le « processus de paix » fut une farce et essayons modestement d’avancer pas par pas pour restaurer puis élargir les droits humains bafoués des Palestiniens, en cherchant à contraindre la partie israélienne qui ne reculera que si le coût de la poursuite de l’occupation et de la colonisation lui devient insupportable, alors qu’il est aujourd’hui insignifiant.
C’est tout le sens des campagnes BDS (boycott-désinvestissement-sanctions) et Made in illegality qui doivent encore s’étendre et forcer l’écoute des autorités politiques. Quant à ceux, dans et hors de la communauté juive, qui s’échinent à les discréditer en agitant la qualification infâmante d’antisémitisme, on saura désormais pour qui et pour quoi ils roulent.