Mur de Sépatation : Israël oublie peu à peu son prétexte sécuritaire

Dès le début de la construction du Mur de séparation, les gouvernements israéliens (de gauche et de droite) ont justifié cet ouvrage en prétendant que sa fonction serait de protéger les Israéliens contre les attentats palestiniens. Ceci malgré le fait que le Mur ne séparent pas Palestiniens et Israéliens mais sépare plutôt des Palestiniens d’autres Palestiniens, car au lieu d’être érigé sur la frontière, la majeure partie est construite à l’intérieur des territoires palestiniens, annexant les principaux blocs de colonies en Cisjordanie.

Des nouvelles provenant d’Israël tendent à corroborer cette fonction d’annexion, au dépends du prétexte officiel de sécurité. Doudi Barel, homme d’affaires et président de l’Association israélienne des entrepreneurs en travaux publics, a déjà fait connaître son mécontentement. Parce que la sécurité de son pays est en jeu ? Non, parce que les travaux du Mur ont pris du retard. En fait, sa construction s’est interrompue faut de crédits.

Lancé en 2002 sur proposition d’Ehud Barak (ancien Premier ministre travailliste), le coût global du Mur était alors estimé entre 1,4 et 2 milliards d’euros et devait s’étendre sur 790 kilomètres, du nord de la Cisjordanie jusqu’au sud d’Hébron. Sur le plan financier, ce chantier revêt un caractère pharaonique, creusant un trou béant dans le budget national, déjà sérieusement alourdi par les dépenses militaires. Mais depuis le début du chantier, la deuxième Intifada s’est essoufflée. Quant au plus chaud partisan de ce projet, Ariel Sharon, a été terrassé par une attaque cérébrale début 2006, le laissant dans un coma irréversible. Celui qui l’a remplacé, Ehud Olmert, semble avoir d’autres priorités. Depuis le début des travaux, entamés dans l’urgence, les ingénieurs du ministère de la Défense ont été obligés de revoir leur copie à plusieurs reprises. De plus, la Cour suprême d’Israël a jugé que le Mur devrait être déplacé ici et là, en se prononçant sur une partie des 145 plaintes déposées par des villages palestiniens lésés.

À l’heure d’écrire ces lignes, seulement 450 des 790 kilomètres de l’ouvrage ont été achevés. À certains endroits cette barrière est un mur stricto sensu, à d’autres endroits c’est une clôture de barbelés munie de tours de garde et d’un système de surveillance électronique. Et dans l’ensemble, cet ouvrage est peu ou mal entretenu. Il semble ainsi être à l’abandon près de la ville de Modiin où les alarmes ont été détruits et ne fonctionnent plus. Des ouvriers palestiniens ont coupé les barbelées en plusieurs endroits et les franchissent pour travailler clandestinement en Israël. Shlomi Eldar, journaliste israélien bien connu, estime que « si le Hamas ou le Fatah décidaient de reprendre leurs campagnes d’attentats suicides, ils n’auraient aucun problème à le faire. »

Au début du projet en 2002, le gouvernement avait annoncé que le Mur, ouvrage « temporaire », était conçu pour durer pour une période de cinq ans, c’est à dire jusqu’en 2007. Or en janvier 2008, 340 km de l’ouvrage originalement conçu ne sont pas encore construits. Et son achèvement n’est pas prévu avant 2010… au plus tôt !

En octobre 2007, le ministère de la Défense a demandé aux entreprises sous contrat d’interrompre les travaux dans la région d’Hébron. De sources proches du ministre Ehud Barak, une partie des crédits alloués pour achever le Mur serait désormais affectée au développement d’un système antimissile et antiroquette qui doit protéger Israël contre d’hypothétiques frappes du Hezbollah ou de l’Iran. D’une guerre à l’autre, Tel-Aviv jongle avec ses dépenses militaires. En réalité, maintenant que l’annexion des blocs de colonies est pratiquement un fait accompli, la fonction sécuritaire du Mur n’est plus à l’ordre du jour.

– Richard Wagman