Mots détournés, mots interdits

Dans la bataille idéologique qui se déroule autour de la question de la guerre génocidaire perpétrée par l’État d’Israël à Gaza, l’espace public est saturé par un vocabulaire intentionnellement détourné et par l’interdiction de l’expression de certaines idées. Ce détournement du langage vise à obtenir une hégémonie culturelle dans le soutien inconditionnel à l’État d’Israël. Certaines expressions de soutien au peuple palestinien conduisent à une répression du mouvement de solidarité avec la Palestine.

Apologie du terrorisme / attentat terroriste / « Israël a le droit de se défendre » / otage / pogrom / Shoah / victime

Antisionisme / colonial / colonialisme / « de la mer au Jourdain, la Palestine sera libre » / génocide/ intifada / résistance

Mots détournés

L’article 421-2-5 du Code pénal définit l’apologie du terrorisme comme « le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes » (loi de novembre 2014). Les peines prévues sont de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende, portées à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende lorsque les faits sont commis en utilisant un service de communication au public en ligne.

Le problème vient du caractère extrêmement vague de la définition de l’apologie. Le flou juridique ouvre la porte à des interprétations larges et abusives, menaçant la liberté d’expression, notamment concernant les débats d’idées et l’analyse du contexte des actes terroristes. Comme le souligne la CNCDH, il y a un risque de confusion entre l’explication du contexte d’un acte terroriste et son approbation, ce qui pourrait mener à des poursuites injustifiées.

Ainsi, expliquer le 7 octobre par l’oppression des Palestiniens de la Bande de Gaza, définir ces actions comme des actes de résistance prévus par les lois internationales quand on a affaire à une situation coloniale*, tomberait sous le coup de la loi.

En France, le délit d’apologie du terrorisme a été sorti de la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour être inclus dans le Code pénal, ce qui réduit les protections procédurales spécifiques aux délits de presse.

Dans un courrier du 3 avril 2024 adressé au garde des Sceaux, le président de la CNCDH s’inquiète que la circulaire du 10 octobre 2023 sur l’apologie du terrorisme « ait pu engendrer une confusion entre l’approbation, l’éloge d’un crime et/ou des criminels, et des prises de position relatives au contexte dans lequel ils ont été commis ». Elle ajoute que « le flou de l’incrimination » concernant l’apologie du terrorisme, pourrait entraîner un « flou dans l’administration de la preuve ».

Locution : Attaque criminelle ou illégale contre les personnes ou les choses, destinée à provoquer la terreur dans l’opinion publique.

Substantif masculin : Violences (attentats, assassinats, enlèvements, sabotages…) menées contre des civils, et destinées à frapper l’opinion publique.

Il y a, dans la société française, une injonction à déclarer terroriste l’attaque du 7 octobre, menée par tous les mouvements armés de la résistance palestinienne à Gaza. Ne pas le faire ou déclarer que l’État d’Israël pourrait aussi être déclaré terroriste, est susceptible de provoquer des poursuites pénales pour apologie du terrorisme.

Ces poursuites s’appuient sur le fait que des organisations ont été déclarées « terroristes » par l’Union Européenne ou la France.

L’utilisation du terme de « terrorisme » pour désigner l’action de groupes armés qui se mesurent à des armées bien supérieures – guerre asymétriques ou guerre du faible au fort – est constante dans l’Histoire : elle fut effectuée par les nazis et les collaborateurs contre la résistance française – les Sections spéciales créées par Vichy en août 1941 – ; elle s’appliqua à la lutte pour l’indépendance de l’Algérie – Loi du 16 mars 1956 sur les « pouvoirs spéciaux » en Algérie, décret du 12 avril 1957 permettant l’internement administratif des « terroristes » algériens…

Des attentats terroristes ont bien affecté tristement la France : attentats officiellement attribués au Groupe Islamique Armé (GIA) (1994-1995), tueries de Toulouse et Montauban par Mohamed Merah en 2012, attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, puis du Bataclan et des terrasses (2015), de Nice et de Saint-Étienne du Rouvray (2016), de Strasbourg (2018)… Ces attentats aboutirent à un renforcement de la répression dans des lois dites « antiterroristes » de 2016 à 2021. C’est dans ce contexte que des libertés ont été rognées et permettent des poursuites, non seulement contre des groupes terroristes, mais aussi contre le mouvement de solidarité avec la Palestine, voire contre des mouvements écologistes.

L’arbitraire de la liste des organisations déclarées comme terroristes – qui comprend par exemple le PKK qui mène la lutte de libération du peuple kurde – conduit à considérer que tout soutien aux mouvements de libération nationale est une complicité avec le terrorisme.

Expression utilisée par divers personnages politiques (Yaël Braun-Pivet, Emmanuel Macron, Nicolas Sarkozy, Giorgia Meloni) et journalistes des médias.

Le lobby sioniste considère que l’attaque du 7 octobre 2023 justifie toute riposte armée d’Israël, État attaqué « depuis l’extérieur ». Notamment, il justifie les morts civils en les considérant comme « des boucliers humains » des combattants du Hamas.

Ce droit de se défendre ne s’applique pas aux États qui occupent illégalement un territoire, ce qui est le cas d’Israël comme l’a rappelé la Cour internationale de Justice (CIJ) le 19 juillet 2024 qui a déclaré « illicite » la présence d’Israël en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza, considérant ces territoires comme « une seule et même entité territoriale », en raison de sa durée (57 ans) et de ses modalités, notamment l’annexion de facto et la privation du droit à l’autodétermination du peuple palestinien.

La Charte des Nations unies, un traité contraignant pour tous les États membres, est claire à ce sujet et codifie les droits et responsabilités clés des États. Parmi ceux-ci figurent :

– le devoir de respecter l’autodétermination des peuples (y compris les Palestiniens),

– le devoir de respecter les droits de l’homme et

– le devoir de s’abstenir de recourir à la force contre d’autres États (lorsque cela n’est pas autorisé par le Conseil de sécurité).

Une exception temporaire à l’interdiction du recours à la force est codifiée dans l’article 51 de la Charte pour la légitime défense contre les attaques extérieures. Mais aucun droit de ce type n’existe lorsque la menace émane de l’intérieur du territoire contrôlé par l’État.

Ce principe a été affirmé par la Cour internationale de Justice dans son avis de 2004 sur le mur d’apartheid israélien. Elle a alors jugé, et de nouveau dans son avis du 19 juillet 2024 sur l’occupation, qu’Israël est la puissance occupante sur l’ensemble du territoire palestinien occupé.

Dans son avis le plus récent, la Cour a déclaré que la présence d’Israël dans les territoires violait le principe d’autodétermination, la règle de non-acquisition de territoire par la force et les droits de l’homme du peuple palestinien, et qu’il devait rapidement mettre fin à sa présence et indemniser le peuple palestinien pour les pertes subies.

Par conséquent, Israël, en tant que puissance occupante, ne peut pas invoquer la légitime défense pour justifier le lancement d’attaques militaires à Gaza, en Cisjordanie, à Jérusalem-Est ou sur le plateau du Golan. Ces actes sont contraires au droit international.

Substantif masculin : Personne livrée ou prise afin de garantir des accords entre ennemis ou personne prise pour faire pression sur quelqu’un, un groupe, ou un État, afin d’obtenir quelque chose d’eux. 

La prise de nombreux otages civils et militaires lors de l’attaque du 7 octobre est considérée comme un acte d’une grande cruauté en raison de la nature de certains d’entre eux : mineurs, femmes… La libération des otages est considérée par une grande partie de la société israélienne comme une priorité et conduit, sur ce point seulement, à une opposition à Netanyahou et à sa manière de mener la guerre contre les Palestiniens.

Les négociations pour la libération des otages ont échoué, principalement du fait de la volonté du gouvernement d’Israël de poursuivre l’anéantissement de Gaza. Des otages sont d’ailleurs morts du fait des bombardements de Gaza par l’armée israélienne.

Mais ce terme est aussi utilisé pour éviter que l’on ne parle des prisonniers palestiniens. En effet, le nombre total de prisonniers palestiniens s’élève à environ 9 312 prisonniers dits de sécurité en avril 2024, selon les chiffres officiels israéliens. Ce chiffre aurait atteint environ 21 000 depuis le début de la guerre en octobre 2023. Parmi eux, 3 661 personnes sont en détention administrative, c’est-à-dire sans inculpation ni jugement. 200 enfants et 62 femmes se trouvent parmi les détenus.

Si le sort des otages israéliens à Gaza est bien peu enviable, des rapports émanant d’ONG comme B’Tselem et Amnesty International, ainsi que des enquêtes de l’ONU font état de tortures physiques, d’abus psychologiques et même sexuels sur ces prisonniers palestiniens déshumanisés.

Substantif masculin : Violences envers les Juifs : pillages, meurtres, encouragés par les Autorités, commises sous le régime tsariste de 1880 à 1905…

Terme utilisé par la propagande israélienne pour évoquer l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, avec toute sa dimension émotionnelle pour les Juifs.

Historiquement, les pogroms ne sont pas des actions armées de groupes qui mènent une guerre de libération nationale, mais des massacres causés par des groupes réactionnaires et racistes, parmi lesquels des policiers et des militaires, encouragés par le régime tsariste.

Utiliser ce terme, c’est une manière de rejeter la responsabilité de l’antisémitisme d’État européen sur le dos des Palestiniens. Assimiler un acte de résistance des colonisés à un massacre antisémite, c’est une escroquerie historique. L’oppresseur raciste, en Palestine, c’est l’État israélien et sa politique d’apartheid.

Les crimes de guerre du 7 octobre ont été commis contre l’occupant israélien, pas contre les Juifs.

Substantif féminin : Génocide des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale.

Selon certains soutiens inconditionnels à l’État d’Israël, l’attaque de la Résistance palestinienne dans le Sud d’Israël, le 7 octobre 2023, ferait apparaître le spectre d’une nouvelle Shoah, exterminant le peuple juif. Cette affirmation conduit à justifier tous les moyens militaires employés à Gaza, au Liban… Elle conduit aussi à la création en France de mouvements juifs qui, dans leur nom même (« Nous vivrons ! ») indiquent que l’heure est à la préservation des Juifs contre une nouvelle extermination. Ces mouvements s’opposent évidemment à toute solidarité avec la Palestine.

On peut comprendre l’effet de l’attaque du 7 octobre sur la population israélienne qui vivait entourée de murs « protecteurs ». Le système colonial* semblait les protéger des Palestiniens. L’apartheid évitait de trop croiser ces Palestiniens. La répression des « terroristes » emprisonnés en vertu de mandats administratifs donnait une illusion de sécurité aux Israéliens et même de paix.

Mais évidemment, le plan d’extermination des Juifs par les Palestiniens n’existe que dans des peurs soigneusement entretenues par l’État : « Israël a peur de ne plus avoir peur » et de devoir affronter la réalité : l’existence d’un autre peuple, les Palestiniens, sur la terre de Palestine.

L’instrumentalisation de l’antisémitisme pour disqualifier le mouvement de solidarité avec la Palestine est déjà odieux. Mais celui des morts de la Shoah pour défendre un génocide* est franchement abject.

Substantif féminin : Celui ou celle qui a été tuée ou blessée dans un accident, dans un crime, dans une épidémie, dans une catastrophe, etc.

Dans la propagande israélienne, seules sont victimes les Israéliens tués ou pris en otage lors du 7 octobre. Cette victimisation vient en rappel de l’histoire juive et du génocide européen.

En Israël-Palestine, les rôles sont inversés ; lorsque d’Israël détruit Gaza (génocide, urbicide et sociocide), il est présenté comme la victime du « plus grand pogrom* de l’histoire » après la destruction des Juifs d’Europe. 

Les médias israéliens minimisent les souffrances civiles : les souffrances des Gazaouis sont à peine montrées, voire jamais dans les médias israéliens ; les scènes de bombardements d’écoles à Gaza ne sont généralement pas diffusées à la télévision israélienne. Par ailleurs, le scepticisme envers les informations palestiniennes conduit à nier l’ampleur du génocide. Les Gazaouis sont perçus et décrits comme ne pouvant pas être innocents et une croyance répandue est que tous les hommes de Gaza entre 16 et 60 ans sont des militants du Hamas. Parallèlement, ces médias se focalisent sur le récit israélien : seules les images fournies par l’armée israélienne sont montrées ; toute action militaire, tout bombardement, tout massacre de civils se voit adjoindre le terme de « terroriste » pour le justifier. Le contexte colonial* n’est presque jamais évoqué.

Les journalistes non israéliens sont assassinés par dizaines à Gaza et au Liban.

Mots interdits

Substantif masculin : Opposition politique à l’idéologie du sionisme, c’est-à-dire à la création, au développement et à l’extension territoriale d’un État exclusivement juif en Palestine.

Selon une déclaration d’Emmanuel Macron devant le CRIF, le 20 février 2019, « Qui ne voit pas que l’antisémitisme se cache de plus en plus sous le masque de l’antisionisme ? L’antisionisme est une des formes modernes de l’antisémitisme. » Ou encore le 20 mars 2022, lors de la commémoration des attentats de Toulouse et Montauban, Emmanuel Macron a déclaré « l’antisémitisme et l’antisionisme sont les ennemis de notre République ».

L’amalgame est devenu une politique d’État et un argument utilisé ad nauseam par nos gouvernants, les sionistes et la plus grande partie des médias.

La confusion volontairement entretenue par l’État et par le CRIF entre l’opposition à la politique criminelle d’Israël et l’antisémitisme, met en danger les Juifs en les assimilant, de gré ou de force, aux crimes de l’État d’Israël. Elle provoque de l’antisémitisme.

Elle exonère l’antisémitisme de l’extrême droite et rassemble sous une même bannière, hostilité à la gauche de combat qui a dénoncé les crimes d’Israël, islamophobie d’État − car les racisés voient leur anti-israélisme assimilé à l’antisémitisme −, racisme et xénophobie de la droite et de l’extrême droite − car les exilés, les Musulmans, sont considérés comme des cibles prioritaires dans la répression du mouvement de solidarité avec la Palestine, au nom de la lutte contre l’antisionisme. 

Être antisioniste, c’est être pour l’égalité des droits et la décolonisation.

Substantif masculin : En Afrique du Sud, régime politique de séparation des Blancs et des Noirs en tant que groupes raciaux distincts, aboli en 1994. Par extension, discrimination, voire exclusion, d’une partie de la population qui ne dispose pas des mêmes droits, lieux d’habitation ou emplois que le reste de la collectivité.

Sans beaucoup argumenter, le CRIF rejette l’accusation d’apartheid contre Israël, la considérant comme une comparaison inappropriée et inexacte avec le régime d’apartheid en Afrique du Sud. Nombre de « sionistes de gauche » jugent cette accusation comme infondée et préjudiciable aux « efforts de paix ».

Ils considèrent même qu’en aucun cas on ne peut faire une comparaison entre l’État d’Israël et le racisme, sorte de blasphème puisque l’ampleur du racisme qui a touché les Juifs les exonèrerait du racisme pour toujours.

Le crime d’apartheid est défini juridiquement par deux textes principaux de l’ONU : la résolution 3068 (XXVIII) de l’Assemblée générale des Nations unies du 30 novembre 1973. Cette résolution a institué juridiquement le crime d’apartheid. Par ailleurs, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, adopté en 1998 définit l’apartheid comme un crime contre l’humanité « commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l’intention de maintenir ce régime ».

Plusieurs ONG considèrent que le régime israélien relève de l’apartheid. Amnesty International, dans un rapport détaillé publié en 2022, conclut qu’Israël impose un « régime d’oppression et de domination systématique aux Palestiniens et Palestiniennes dans toutes les zones sous son contrôle », qualifiant ce système d’apartheid tel que défini par le droit international. Human Rights Watch en 2021 publie un rapport dans le même sens. L’ONG israélienne B’Tselem a également qualifié le régime israélien d’apartheid.

Un système d’oppression et de domination systématique imposé par Israël aux Palestiniens dans tous les territoires sous son contrôle (Israël, territoire palestinien occupé, et réfugiés palestiniens) se manifeste pourtant par des lois, politiques et pratiques discriminatoires visant à maintenir un contrôle cruel sur la population palestinienne, aboutissant à une fragmentation géographique et politique. Des actes spécifiques sont considérés comme constitutifs du crime d’apartheid selon le droit international, notamment : les saisies massives de terres et de biens palestiniens, les homicides illégaux, les transferts forcés de population, les restrictions draconiennes des déplacements, le refus de nationalité et de citoyenneté aux Palestiniens, des lois confinant les Palestiniens dans des enclaves et les séparant de la population juive israélienne.

En bref, un système de ségrégation et de contrôle a été instauré, renforcé par la loi définissant Israël exclusivement comme « l’État-nation du peuple juif » (2018), excluant ainsi les citoyens non-juifs, notamment les Palestiniens.

Adjectif : Relatif à la colonisation et aux colonies.

Substantif masculin : Idéologie justifiant la colonisation entendue comme l’extension de la souveraineté d’un État ou d’un peuple sur un autre, en général moins développé.

La définition de la situation en Palestine comme ressortant d’un colonialisme, la caractérisation de l’État d’Israël comme État colonial est rejetée avec vigueur par les sionistes.

Ils considèrent qu’il s’agit du retour d’un peuple sur sa terre ancestrale, et non d’une colonisation, toute la terre d’Israël appartenant au peuple juif.

Certains chercheurs sionistes considèrent l’argument colonial comme une tentative fallacieuse de délégitimer le sionisme et l’État hébreu et qualifient l’accusation de colonialisme de nouvelle forme d’antisémitisme. Certains d’entre eux, cependant, admettent un colonialisme limité aux territoires occupés depuis 1967, le qualifiant d’« accidentel ».

D’autres insistent sur l’absence de métropole, la lutte contre les colonisateurs britanniques dans les années 1930 et la manière dont le sionisme, à l’origine, se réclamait d’une certaine forme de socialisme et présentent même le sionisme comme un mouvement de libération nationale.

Si les formes du colonialisme israélien ont bien quelques particularités par rapport à d’autres colonialismes, de nombreux éléments permettent de définir la situation comme celle d’une colonisation de peuplement et de remplacement.

On a bien, en Palestine, les caractéristiques classiques d’une situation coloniale : dépossession, peuplement, contrôle, exploitation des ressources, et mise en place d’un système juridique et administratif discriminatoire au profit des colons.

La dépossession systématique des terres et des biens palestiniens s’est manifestée, dès 1948, par des saisies massives de terrains et de propriétés palestiniennes, la démolition de maisons et des expulsions forcées, l’expropriation de 38 % des propriétés palestiniennes à Jérusalem-Est entre 1967 et 2017. L’implantation de colonies depuis 1967 sur les terres volées aux Palestiniens, illégale au regard du droit international s’accompagne de « faits accomplis » sur le terrain pour empêcher le retour des Palestiniens. L’accaparement des ressources – en particulier de l’eau – au profit de la seule population juive a trouvé son acmé avec le blocus de Gaza. La politique démographique est aussi celle d’une colonisation de peuplement et de remplacement cherchant à établir et maintenir une hégémonie démographique juive depuis 1948 et organisant la « judaïsation » de certaines régions comme le Néguev/Naqab. Comme dans tous les systèmes coloniaux, les lois créent un système juridique discriminatoire en favorisant systématiquement la population juive israélienne au détriment des Palestiniens.

Le film No other Land (Documentaire de Yuval Abraham, Basel Adra, Hamdan Ballal et Rachel Szor) est une démonstration de ce colonialisme de remplacement.

Slogan fréquemment utilisé dans les manifestations de soutien au peuple palestinien.

Ce slogan est régulièrement interprété par les soutiens d’Israël comme un appel à « jeter les Juifs à la mer », à détruire l’État d’Israël et exterminer ses habitants.

Des historiens palestiniens, à partir des documents qu’ils ont pu consulter dans les archives, ont montré que les appels au meurtre des Juifs ou à “jeter les Juifs à la mer” sont totalement absents des documents de propagande destinés aux Palestiniens et aux combattants arabes. Par contre, il faut noter que la charte historique du Likoud de 1977 dit explicitement : « Entre la Mer et le Jourdain, il n’y aura que la souveraineté israélienne. »

En considérant cette expression comme antisémite, le gouvernement français veut ainsi invisibiliser et étouffer le soutien au peuple palestinien pour des raisons politiques : il s’est approprié le discours islamophobe de l’extrême droite de manière décomplexée et continue à avoir un comportement colonial*. Il essentialise les Français musulmans, les considérant tous comme des terroristes en puissance.

Or, ce slogan résonne avec un autre qui dit “De la mer au Jourdain, égalité des droits”. 

De nombreux politologues réfléchissant à “Un État commun” proposent un État démocratique laïc, unitaire ou confédéral, où les Israéliens et les Palestiniens bénéficieraient de droits civiques égaux, d’une autonomie communale et de garanties constitutionnelles équivalentes. Ils considèrent que la garantie de sécurité ne réside pas dans le rapport démographique mais dans l’égalité de droits entre tous les citoyens et affirment que l’égalité des droits permettrait de sortir de la « peur d’être minoritaire » qui existe actuellement.

Substantif masculin : Élimination physique intentionnelle, totale ou partielle, d’un groupe humain (national, ethnique ou religieux) ce qui veut dire que les membres sont exterminés ou rendus incapables de procréer en raison de leur appartenance au groupe.

Avec un frisson d’horreur, la plupart des journalistes et hommes politiques, les groupes de pression sionistes, rejettent l’idée qu’un génocide pourrait être en cours à Gaza. Ils considèrent même que l’utilisation de ce terme est une forme insupportable et blasphématoire d’antisémitisme puisqu’elle est opposée à des juifs qui furent eux-mêmes victimes d’un génocide.

Pour qu’un génocide soit constitué, plusieurs conditions doivent être réunies : tout d’abord, il faut qu’il y ait une intention de destruction totale ou partielle d’un groupe ou d’un peuple. Il faut que le groupe ciblé soit défini par le pouvoir génocidaire.

Il faut ensuite que l’un des actes suivants soit commis :

  • Meurtre de membres du groupe
  • Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe
  • Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle
  • Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe 

Pour établir la recevabilité de la demande de l’Afrique du Sud de considérer qu’il y avait un risque de génocide à Gaza, la Cour internationale de justice (CIJ) a pris en compte les propos du ministre de la Défense israélien, Yoav Galant et ceux du président israélien, Isaac Herzog. Elle a noté l’existence de « discours racistes et déshumanisants de certains représentants du gouvernement israélien, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahou ». La Cour a considéré que ces déclarations, combinées à d’autres facteurs comme les conditions de vie imposées aux Palestiniens de Gaza, les déplacements incessants, l’impossibilité de leur porter réellement secours, et le nombre élevé de morts chez les femmes et les enfants, faisaient entrer la situation de Gaza dans le champ d’application de la Convention sur le génocide.

Signifie soulèvement en arabe : Révolte contre un régime oppresseur ou un ennemi étranger.

L’emploi du terme dans des interventions publiques conduit à des gardes à vue et des incriminations par la Justice française.

Appeler les Français à se soulever en conscience contre ce génocide* en cours est pourtant légitime.

Rappelons que les Intifadas dans le Territoire occupé par Israël, c’était un combat de l’extrême faiblesse à la puissance militaire la plus forte : des adolescents jetaient des pierres sur des chars. Les victimes de l’Intifada sont presque exclusivement les révoltés abattus par l’armée d’occupation.

L’emploi imagé du terme Intifada en France renvoie au sentiment de révolte contre le gouvernement complice objectif du génocide* et provoque des réactions répressives du pouvoir.

Substantif féminin : opposition armée à une occupation.

Toute référence au droit à la Résistance armée du peuple palestinien, passe aux yeux des Autorités, pour une apologie du terrorisme et des poursuites sont régulièrement engagées par la Justice française.

Pourtant, des résolutions de l’ONU affirment ce droit à la résistance. La résolution 3314 de l’Assemblée générale des Nations unies (1974) reconnaît implicitement le droit de résistance contre une occupation illégale ; la résolution 2649 (1970) reconnaît le droit des peuples sous « domination coloniale et étrangère » d’atteindre l’autodétermination et l’indépendance « par tous les moyens dont ils disposent » ; la résolution 3070 (1973) garantit clairement le droit des peuples sous domination étrangère de lutter pour leur libération « par tous les moyens en leur pouvoir, y compris la lutte armée ».

Une autre résolution de l’Assemblée générale de l’ONU (1990) a confirmé le droit des peuples à « se libérer du contrôle colonial, de l’apartheid et de l’occupation étrangère par tous les moyens à leur disposition, y compris la lutte armée »

Par ailleurs, l’article 4 de la Convention de Genève III accorde le statut de prisonnier de guerre aux membres des mouvements de résistance organisés agissant dans un territoire occupé.

Le 12 octobre 2024