La délégation de la société civile palestinienne au Forum pour une juste paix au Moyen-Orient, prévu du 14 au 16 décembre à Madrid, a décidé de ne pas participer au Forum en raison de graves manquements de dernière minute.
Je n’ai aucun problème à participer à une conférence où seraient invités des porte-parole sionistes pour des débats qui sont partie intégrante d’une arène politique saine. De même, je n’ai aucun problème si je suis invité à des rencontres publiques officielles, organisées par des organismes gouvernementaux, y compris israéliens. Mais j’ai besoin toutefois de savoir exactement à quel type de réunion je suis censé participer.
De par sa propre définition, le Forum social de Madrid pour une juste paix au Moyen-Orient appartient à la famille des « forums sociaux » tels que définis à la charte de Porto Alegre, c’est-à-dire des forums pour des organisations de terrain et populaires, sans implication d’organismes étatiques, ni de partis politiques (ou organisations armées). Le Centre d’information alternative
Pour éviter tout malentendu, le comité organisateur de Madrid et la commission internationale ont publié, dès le début, une Déclaration des principes qui définit le cadre politique du Forum social de Madrid. Sur la base de cette Déclaration des principes, la délégation israélienne s’est constituée et les intervenants pour les différentes réunions plénières ont été retenus. En un mot, Madrid est la première grande conférence internationale anti-Annapolis et c’est pourquoi elle est si importante.
La composition des délégations cependant, surtout celle d’Israël, n’a pas convenu au ministre des Affaires étrangères espagnol… ou au Centre Peres pour la paix ! Il est clair que le gouvernement espagnol a le droit de témoigner plus de sympathie aux organisations sionistes et d’organiser sa propre conférence. Néanmoins, il ne peut pas s’immiscer dans le Forum social. Il y a peu, j’écrivais sur le site d’AIC :
« L’implication d’un ministre d’un gouvernement dans un forum social est, en soi, une grave violation de la charte de Porto Alegre, laquelle instaure une indépendance absolue des forums sociaux à l’égard des gouvernements. Pourtant, le problème n’est pas seulement statutaire, il est pleinement politique : que font des organismes qui soutiennent ouvertement le néolibéralisme et la guerre, à une conférence qui est totalement en opposition au néolibéralisme et à la guerre ??!!! Ce n’est pas la première fois que cette entité quasi gouvernementale tente de se glisser dans une conférence d’organisations non gouvernementales, et nous avons déjà dénoncé d’autres tentatives dans le passé […]. Cependant, cette fois la question est plus grave car une majorité des participants perçoit le Forum de Madrid comme étant anti-Annapolis, et il est inadmissible que des partisans sans vergogne d’Annapolis y soient présents pour tenter de faire des adeptes du projet de guerre, un projet élaboré juste sous nos yeux. ( Anti-Annapolis à Madrid, 29 novembre 2007). »
Par une méthode inacceptable, le ministre des Affaires étrangères espagnol a monté une délégation israélienne parallèle, plus importante que l’officielle, visant à changer l’ordre du jour du Forum social de Madrid et à transformer la conférence anti-Annapolis en une réunion « fourre tout », examinant le pour et le contre des projets de guerre élaborés à Annapolis par George W. Bush et Ehud Olmert. La méthode est inacceptable, le fond est scandaleux.
Le résultat est que la délégation palestinienne a décidé, au dernier moment, de boycotter le Forum, ainsi que des participants venant d’autres régions du monde arabe. On peut rétorquer qu’ils auraient pu protester à Madrid même, sur le lieu du Forum, même pour le boycotter.
Telle fut, néanmoins, la décision du PNGO
Il ne faut pas sous-estimer ce qui est en jeu. La question n’est pas que telle personne ou telle organisation soit présente au Forum social de Madrid ; ce n’est même pas l’implication importante du gouvernement espagnol dans le Forum social. La question, c’est la guerre et la paix au Moyen-Orient, ce que George W. Bush appelle la Troisième Guerre mondiale, c’est la question politique centrale du moment !
A Annapolis, les Etats-Unis et leurs alliés ont finalisé les plans d’une nouvelle guerre, n’hésitant pas à parler même de frappes nucléaires. Il s’agit d’une guerre contre l’Iran, contre le Liban et le Hezbollah, contre le Hamas et le peuple palestinien, qui fait partie d’une guerre mondiale planifiée par les néoconservateurs de Washington et Tel Aviv. Le monde aujourd’hui est divisé entre ceux qui sont pour une telle guerre et ceux qui s’y opposent : la ligne qui les sépare doit être hermétique, car c’est la ligne qui sépare la liberté de l’oppression, la coexistence pacifique de l’agression, la vie de la mort.
Certaines des organisations israéliennes nouvellement invitées à Madrid sont, c’est le moins que l’on puisse dire, nullement opposées aux projets de guerre de leur gouvernement ou de leur grand frère américain. Pour n’en citer que deux : Shimon Peres (fondateur du Centre Peres pour la paix) appelle à une guerre préventive contre l’Iran après avoir soutenu la dernière agression contre le Liban ; la Paix Maintenant a approuvé la guerre contre le Liban en été 2006 – avant qu’elle ne tourne au fiasco militaire. C’est une question de morale privée : je ne veux pas, aujourd’hui, être dans le même forum que ces gens-là. Le sang des martyrs de Tyr et Bint Jbail n’est pas encore sec, et les bruits de bottes d’une prochaine guerre, une guerre qu’ils ne manqueront pas de soutenir, résonnent déjà à nos oreilles.
Post scriptum : Il nous faut insister sur la façon inadmissible dont certains de nos collègues israéliens ont joué un rôle dans tout cela. Ils ont passé les limites, dans les deux sens, entre les organisations de la société civile et le ministère des Affaires étrangères espagnol, créant tout ce gâchis et déterminant la décision des organisations palestiniennes de boycotter le Forum.