Ce n’est pas tous les jours qu’un petit juif ukrainien du quartier de Mériadeck (à Bordeaux) met à terre un notable de la nomenklatura française.
Michel Slitinsky restera dans les mémoires comme celui qui a obtenu la condamnation de Maurice Papon pour complicité de crime contre l’Humanité.
Bien sûr, c’est toute une chaîne et une équipe qui ont abouti à ce résultat.
C’est Jean Cavignac aux Archives départementales qui orientera le jeune historien Michel Berges vers les bons dossiers.
C’est le Canard Enchainé qui publiera les premiers documents en 1981 entre deux tours de présidentielles.
Ce sont les avocats Jean Touzet et Gérard Boulanger qui sauront fédérer les parties civiles et mener le combat jusqu’au procès.
Mais si Maurice Papon, le secrétaire général de la Préfecture de Gironde sous Vichy, le Préfet de Constantine nommé par Guy Mollet en 1956-1958, le préfet de Police de Paris nommé par le Général de Gaulle responsable des massacres du 17 octobre 1961 et du 8 février 1962, le ministre du Budget de Valéry Giscard d’Estaing, a été rattrapé par la Justice, ce n’est pas grâce à Mitterrand l’ami de Bousquet, qui a tout fait pour éviter le procès. C’est grâce, tout particulièrement, à l’acharnement et la persévérance de Michel – qui, inlassablement, ira de livre en livre, et surtout de collège en lycée, expliquer ce qu’a été le génocide des Juifs d’Europe, et les rafles en France par des policiers français.
Inutile de le cacher, nos rapports avec Michel Slitinsky n’étaient plus intimes. Comme beaucoup d’autres malheureusement, ayant renoncé à ses idéaux communistes, il était passé de son combat universaliste « plus jamais ça » au combat rétréci « plus jamais ça pour nous » – du combat contre tous les crimes contre l’Humanité à celui exclusif de la dénonciation du génocide des Juifs, ne refusant pas de l’invoquer pour justifier les crimes de l’Etat d’Israël.
Nous préfèrerons garder le souvenir de ce combattant infatigable qui a apporté une contribution décisive à l’histoire de notre pays, trop longtemps peinte en rose.
Union Juive Française pour la Paix Aquitaine – 11 décembre 2012