Menteur et diffamateur, Guillaume Erner instrumentalise l’antisémitisme sur le service public tandis que nous le combattons

G. Erner anime la soirée d’Emmanuel Macron avec 64 intellectuels le 15 mars 2019.

Le journaliste de France Culture Guillaume Erner a récemment accusé les auteurs du recueil collectif Contre l’antisémitisme et ses instrumentalisations (éd. La Fabrique) de cibler les juifs. Méthode mensongère pour réduire au silence et criminaliser le mouvement de solidarité avec la Palestine, répondent Ariella Aïsha Azoulay, Maxime Benatouil, Houria Bouteldja, Frédéric Lordon, et Françoise Vergès dans cette tribune.

Dans sa chronique du lundi 27 janvier, intitulée « Qui instrumentalise Auschwitz ? », Guillaume Erner a mentionné notre publication collective Contre l’antisémitisme et ses instrumentalisations. Que le producteur de la matinale de France Culture ne partage pas nos idées et nos combats n’est un secret pour personne. Il n’empêche, les différends politiques ne devraient pas dispenser de nous traiter avec un minimum d’intégrité intellectuelle. A fortiori sur le service public d’information.

Sans sourciller, Guillaume Erner affirme que notre critique des instrumentalisations de l’antisémitisme cible les juifs en général. Rien n’est plus faux. Celle-ci ne cible pas un groupe dans son ensemble. Elle s’en prend au contraire à des organisations et à des personnalités politiques clairement identifiées qui, comme le fait régulièrement Emmanuel Macron depuis 2017, visent à faire passer la critique légitime du caractère colonial de l’État d’Israël pour une « forme réinventée de l’antisémitisme ».

Ces méthodes, dont l’objet est de réduire au silence et de criminaliser le mouvement de solidarité avec la Palestine, se matérialisent par une confusion associant les juifs à l’État d’Israël qui nourrit de façon pernicieuse l’antisémitisme et que nous mettons un point d’honneur à combattre politiquement. Diverses contributions du livre s’attachent par ailleurs à définir rigoureusement les qualificatifs de « sionistes » et de « génocidaires ». À l’envers de ce que pense Guillaume Erner, telle nous semble la seule voie pour éviter au signifiant « juif » tout amalgame : soit dans le rejet indistinct, et alors antisémite, soit dans la ratification aveugle du crime de Gaza.

En affirmant à tort que l’ouvrage est « dirigé [sic] par Houria Bouteldja », Guillaume Erner dévoile surtout sa crainte obsessive de voir s’exprimer la pensée décoloniale, ainsi que du dialogue fécond qu’elle engage avec des voix juives antisionistes. L’historicisation et la mise en question du lien noué entre l’État d’Israël et les juifs du monde qui en découle sont en effet insoutenables à ceux qui, au-delà des discours creux en faveur d’une paix toujours plus élusive, s’opposent aux conditions d’un dépassement radical du statu quo colonial en Israël-Palestine.

De telles accusations, infondées, relèvent de la diffamation. S’il y a peu de chances de voir notre réponse relayée par le principal intéressé – qui a par ailleurs choisi de centrer sa chronique de l’investiture de Trump sur le choix de chapeau de la First Lady plutôt que sur le double salut nazi d’Elon Musk –, nous invitons ses auditeurs et ses auditrices à se procurer le livre pour se forger eux-mêmes leur propre opinion. Nous leur souhaitons une bonne lecture.

Ariella Aïsha Azoulay, Maxime Benatouil, Houria Bouteldja, Frédéric Lordon, Françoise Vergès.