Mariam Abu Daqqa : « Nous continuerons de nous battre pour notre liberté »


Mariam Abu Daqqa, militante féministe palestinienne de 71 ans, était présente le 14 octobre, durant la conférence ‘’30 ans après les Accords d’Oslo où en sommes nous ?’’. L’occasion pour elle de réaffirmer ses convictions profondes et d’exposer les horreurs de ce nouveau conflit entre la Palestine et Israël devant plus de 150 participants. Entretien.

D’où provient votre inébranlable engagement dans la résistance palestinienne contre l’Etat d’Israël ?

« Dès l’instant où je suis née, en 1951, la résistance était au plus profond de mon être, parce que cette dernière trouve son origine bien avant la proclamation de l’Etat d’Israël. Elle était déjà bien présente durant le mandat de la colonie britannique (ndlr de 1920 à 1948). Il y a eu une transmission de cette lutte qui s’est faite au fil des générations. J’ai donc grandi naturellement dans un environnement où la résistance était très ancrée. Les femmes palestiniennes s’engagent très tôt et ce sont elles qui payent le plus lourd tribu. A 15 ans je suis passée devant trois juges militaires, qui m’ont condamné à la prison pour terrorisme, mais mon courage et mon engagement n’ont jamais cessé de grandir et de se renforcer lorsque j’étais en cellule avec d’autres femmes de mon âge. »

Vous êtes aujourd’hui présidente du conseil d’administration de ‘’Palestinian Development Woman Studies Association’’, quels sont les objectifs de cette association ?

« Le but premier est d’assurer l’évolution de la Femme. Nous voulons arriver à lui donner une conscience politique propre, lui donner un poids social fort dans la société palestinienne, lui apporter une aide psychologique conséquente lorsqu’elle vit des drames, comme ceux qu’elle subit aujourd’hui en Palestine. Nous voulons également la soutenir sur le plan juridique et économique. Tous les combats de l’association sont ceux que je mène depuis le début, où j’étais encore en Palestine et aujourd’hui, maintenant que je suis en France, mon intervention dans cette conférence, ici à Marseille et dans 14 autres villes du pays en est un exemple. »

Quelles craintes éprouvez-vous envers ces femmes et ces hommes qui subissent cette nouvelle guerre contre Israël ?
« Je redoute personnellement, tout comme la société palestinienne, une nouvelle nakba comme en 1948, c’est-à-dire avec les meurtres, les déportations, les spoliations des terres… durant l’avènement de l’Etat d’Israël, dans la partie de ce que l’on appelle la Palestine 1948. J’ai peur que d’autres massacres comme celui de Deir Yassin, cette même année, où de nombreux villages ont été complétement rasés et où les morts se sont comptés en dizaines, se reproduisent prochainement. Aujourd’hui il y a une volonté réelle d’extermination et de nettoyage ethnique qui se déroule sur la Palestine de la part d’Israël. »

Quelles violences subissent les femmes palestiniennes dans ce conflit ?

« Les violences psychologiques premièrement. Elles se retrouvent à porter tout le poids de la guerre sur leurs épaules, lorsque leurs maisons sont détruites, lorsque leurs maris et/ou leurs fils meurent au front ou durant un bombardement, quand ils sont emprisonnés ou handicapés durant la guerre. Elles sont touchées par le plus grand des désespoirs avec toutes ces problématiques à gérer. Et bien sûr il y a les violences sexuelles qui sont commises lorsque les femmes sont en prison, les menaces de viols peuvent être assez fréquentes. »


Quel message souhaiteriez-vous transmettre aux Palestiniens qui subissent une nouvelle fois ce conflit ?

« C’est un message d’espoir que je veux leur porter, car il ne nous a jamais quitté et ne nous quittera jamais, parce que nous avons un droit pour lequel nous nous battons et nous nous battrons pour le garder. Depuis 75 ans et la catastrophe qu’est la création d’Israël, notre peuple reste vivant. Nous donnons et continuerons encore à fournir énormément de sacrifices et nous obtiendrons la libération, tôt ou tard. Les seuls alliés de la Palestine seront les peuples du monde, pas les gouvernements. Nous comptons sur la conscience et l’éveil du monde pour nous accompagner sur le chemin de la libération. Nous savons que le prix à payer pour atteindre la victoire sera extrêmement lourd, de nombreuses vies palestiniennes vont être ôtées, beaucoup de sang va couler et le pays sera probablement détruit, mais ce ne sera qu’un passage à surmonter. Nous sommes convaincus que nous allons gagner et que nous aurons enfin notre liberté. »