3 décembre 1983, 100 000 manifestant.e.s accueillent à Paris les marcheuses et marcheurs qui ont traversé le pays pour l’égalité et contre le racisme. 3 décembre 2023, alors que nous marcherons à Paris faisons acte de mémoire fertile. Celle qui nous aide à comprendre et à lutter pour aujourd’hui et demain.
D’où que l’on vienne, où que l’on soit né·e, Notre pays s’appelle Solidarité
Nous ne rendons pas hommage à Gérard Collomb qui vient de mourir. Figure du Parti socialiste dès les années 1980, il est le symbole et l’un des responsables de l’évolution de ces quarante dernières années lui qui fut député socialiste, sénateur, maire de Lyon, lui qui accompagna la dérive de la gauche vers les politiques libérales, racistes et sécuritaires. Celles qui firent de l’immigration « un problème ». Lui qui poussa Macron et devint son ministre de l’intérieur, portant la loi de sécurité intérieure et la dernière loi immigration en date. Mémoire fertile : on n’oublie pas !
Mémoire fertile : c’est le début des années 1980. Mitterrand a été élu président. La « gauche » est au pouvoir ! Mais les racistes et les policiers tirent dans les quartiers et tuent des jeunes Noirs et des jeunes Arabes.
Les jeunes s’organisent dans plusieurs villes. Les quartiers populaires n’ont jamais été des déserts politiques.
Cela va aboutir à la Marche qui partira de Marseille dans un relatif anonymat mais gagne de la visibilité sur son parcours. Surtout quand des proches du pouvoir décident de la « soutenir ».
Et c’est le succès populaire marqué par l’arrivée triomphale à Paris. Des marcheurs et marcheuses sont même reçus par Mitterrand à l’Elysée.
Les gains seront faibles (la carte de séjour de 10 ans) mais rien sur les violences policières et l’égalité des droits que réclament les jeunes et tous les collectifs qui les portent.
Dans les mois et les années qui suivent le FN commence à obtenir ses premiers succès électoraux. L’immigration va devenir, pour tout le spectre politique, « un problème ». Les lois succèdent aux lois. De plus en plus racistes, liberticides, sécuritaires et anti-sociales. Pasqua, Debré, Sarkozy, Valls, Collomb, Darmanin… Que s’est-il passé ?
Mémoire fertile : une des conditions posées aux marcheurs et marcheuses de 1983 pour être reçus à l’Elysée… est d’enlever leur keffieh palestinien. Certains refuseront et ne feront pas partie de la délégation. A méditer au moment où la population de Gaza est massacrée et le mouvement de solidarité, ici, réprimé. La Marche des Solidarités sera en point fixe à la manifestation de ce samedi en solidarité avec la Palestine.
Mémoire fertile : alors que les jeunes des quartiers marchent vers Paris en 1983, les travailleurs de l’automobile se soulèvent et organisent des grèves. Ce sont les travailleurs à la chaîne, la génération des pères des marcheurs et marcheuses, quasi exclusivement des travailleurs immigrés, marocains, algériens…
La plupart des soutiens des marcheurs et marcheuses, plus ou moins proches du nouveau pouvoir, s’opposent à leur volonté de faire le lien avec les grévistes.
Le gouvernement Mitterrand qui « accueille » les marcheurs et les marcheuses envoie quelques semaines plus tard les CRS expulser les grévistes. Dans les mois qui suivent le gouvernement condamnera les grévistes qu’il dit « manipulés par les ayatollahs » ! Naissance de la nouvelle islamophobie qui va avoir de beaux jours devant elle. Bien que les grévistes se battent notamment, principalement en tant que CGT, pour la reconnaissance au droit de s’organiser et de se syndiquer, les syndicats laissent les ouvriers se diviser. Tout le monde va payer.
Mémoire fertile : cette histoire est riche. Riche de toutes les potentialités qu’elle démontre alors. L’organisation des quartiers et de la jeunesse. L’organisation des travailleurs immigrés. L’articulation possible entre les deux. L’unité qui peut se développer, la solidarité contre le racisme. Ferment de la lutte indissoluble contre l’exploitation et pour l’égalité. A l’arrivée c’est l’euphorie pour les marcheurs et les marcheuses : « Il y a deux mois, peu de gens croyaient qu’un mouvement populaire de dimension nationale pouvait se manifester en France pour dire ‘‘non !’’ aux meurtres racistes et aux glissements xénophobes de la société. (…) Oui, il était possible de réveiller la France de la solidarité pour qu’elle reprenne l’avant-scène de l’actualité usurpée par des nostalgiques du nazisme et du fascisme ! (…) Cette première marche marque un tournant. La vie ne peut plus être à présent tout à fait la même. »
Mémoire fertile : cette histoire a des leçons. Ne pas développer, en lutte, ces potentialités se paie cher pour toute la société. Quarante ans après les fascistes sont à l’assemblée et leurs milices de rue multiplient les attaques. Quarante ans après la thèse du « Grand remplacement » est devenue sujet de débat. Quarante ans après les acquis sociaux gagnés par les générations précédentes ont été laminés.
Quarante ans après, Gérald Darmanin veut faire passer une loi basée sur la criminalisation de tous et toutes les étrangères et étrangers.
Mémoire fertile : nous manifesterons dimanche 3 décembre à Paris pour dire que la marche n’est pas terminée. Pour combattre la loi Darmanin en débat à l’Assemblée.
Mémoire fertile : le meilleur hommage aux marcheurs et marcheuses de 1983 c’est d’en tirer des leçons.
Nous ne monnaierons pas notre solidarité avec les Palestiniens et Palestiniennes. Notre solidarité est internationale.
Nous ne compromettrons pas notre lutte dans des marchandages. La loi Darmanin n’est pas amendable. L’immigration n’est pas un problème, elle n’a pas à être contrôlée. Etre né ailleurs qu’en France n’est pas un délit. Toutes celles et ceux qui vivent dans nos quartiers, envoient leurs enfants dans les mêmes écoles, travaillent ici, doivent avoir les mêmes droits. Régularisation de toutes et tous les sans-papiers ! Accueil des réfugiées et réfugiés ! Fermeture des centres de rétention ! (appel pour le 18 décembre contre la Loi Darmanin de près de 300 organisations)
Pour gagner c’est ensemble qu’on doit lutter, visibles et solidaires. Dans les hôpitaux, les écoles, les entreprises…
Nous renouvelons notre appel aux syndicats et, au-delà, à toutes et tous les syndicalistes : déposez des préavis de grève à l’occasion de la Journée internationale des migrantes et des migrants le 18 décembre prochain.
Des manifestations auront lieu dans toutes les villes. Montrons que Darmanin, Ciotti, Le Pen et Zemmour ne parlent pas en notre nom. Manifestons en masse notre opposition à la loi Darmanin.
3 décembre : Manifestation à Paris – 14H00 Montparnasse
4 décembre : Assemblée générale d’action et de mobilisation contre la loi Darmanin à la Bourse du travail de Paris (Salle Hénaff)
18 décembre : Manifestations dans toutes les villes
(rendez-vous – infos – visuels)