Livreur condamné pour antisémitisme : quand l’ambassade d’Israël en France s’en mêle, l’antisémitisme augmente.

jc-meyer

Tribune refusée de publication par les Dernières Nouvelles d’Alsace, le 15 janvier 2021.

Parce qu’il devait livrer de la cuisine israélienne, un livreur Deliveroo de Strasbourg a refusé en expliquant qu’il ne livrait pas les juifs.

C’est une parole et un acte antisémites.

On peut noter que ce livreur partage, consciemment ou pas, la confusion intéressée, entretenue par le gouvernement, qui règne depuis trop longtemps entre antisémitisme et antisionisme.

Dans notre région en Alsace, des militants de Mulhouse pour le BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) avaient été plusieurs fois condamnés, mais la Cour européenne des Droits de l’Homme a contredit le jugement et la position officielle de la France.

L’enquête annoncée aurait pu nous éclairer : ce livreur a-t-il voulu s’en prendre aux juifs ou à l’État d’Israël ? Mais une justice TGV a condamné ce jeune livreur algérien à 4 mois de prison ferme et à de forts dommages et intérêts. Quand il sortira de prison, il sera expulsé par l’OQTF (Obligation de quitter le territoire français) prononcée par la préfète d’Alsace.

En tout cas, la confusion entre juif et israélien, antisionisme et antisémitisme est entretenue en permanence par le gouvernement français, par l’Union européenne, par l’État d’Israël, par le CRIF (Conseil “représentatif” des juifs de France) et les représentants des communautés juives, laïques et religieux, à de très rares exceptions.

L’antisémitisme est le racisme anti-juif, comme l’islamophobie est le racisme anti-musulman.

Ce sont des délits réprimés par la loi, sauf que le premier est plus souvent poursuivi et condamné que le second, bien que le second soit plus fréquent en ce moment, avec des porte-parole récidivistes comme Zemmour et de nombreuses autres voix qui ont, elles, micros ouverts dans les médias.

En l’absence actuelle de l’ambassadrice d’Israël en France, c’est un chargé d’affaires, Daniel Saada, qui s’est déplacé depuis Paris pour soutenir les restaurateurs victimes et les institutions juives alsaciennes.

Et tout le problème est là.

A quel titre l’ambassade d’Israël intervient-elle dans une affaire judiciaire d’antisémitisme supposé en France ? Au même titre que le Premier Ministre israélien, M. Netanyahou, lorsque, après des attentats islamistes, il offrait la protection de son pays aux juifs de France et les incitait même à émigrer dans leur prétendu pays, volé au peuple palestinien.

Comment ne pas comprendre le rôle que jouent ces confusions et amalgames, entretenus par le sionisme et ses représentants, qu’ils soient israéliens, français, juifs ou non-juifs, évangéliques ou par des politiciens français, de droite, d’extrême-droite, et même, hélas, de gauche, et des dirigeants antisémites étrangers, comme Orban en Hongrie qui tous se déclarent amis des juifs.

Cette confusion voulue, tant par les antisémites que par les sionistes, qui poursuivent le même but – que tous les juifs émigrent en Israël -, a pour conséquence d’augmenter l’antisémitisme traditionnel en Alsace et dans l’ensemble de la France.

Qui ne voit les efforts quotidiens de tous ces gens peu recommandables pour établir et maintenir la fausse équation antisionisme = antisémitisme ?

Eh bien non, définitivement non !

Il y a certes des antisémites qui se cachent sous un masque antisioniste. Récemment, l’un d’eux, Alain Soral, a été condamné à Colmar, à juste titre pour une « quenelle » effectuée devant le Tribunal judiciaire de cette ville et c’est justice.

Mais, de même que les militants BDS de Mulhouse sont des opposants résolus à la politique criminelle de l’État sioniste, mais en aucun cas des antisémites, de même, il y a en France et dans le monde des antisionistes et même une association, l’Union Juive Française pour la Paix, dont je suis adhérent depuis 1994, qui combattent l’État d’Israël et tous ses amis, État qui pratique jour après jour une politique d’apartheid contre les Palestiniens et occupe illégalement la terre de ce peuple, réduit à survivre dans des bantoustans dont la surface ne représente plus, en 2021, que 15 % de la Palestine historique.

Rien ne peut justifier l’antisémitisme qui doit être combattu comme doivent l’être tous les racismes, contre les Musulmans, les Arabes, les Noirs, les Rroms, les Asiatiques et les LGBTQIA+, considérés comme différent.es des « vrais » Français.

Devant la complicité de la quasi totalité des États du monde, y compris, récemment de l’Arabie saoudite, et le laisser-faire des organisations internationales comme l’ONU ou l’Union Européenne, le peuple palestinien ne peut compter que sur sa propre résistance et la solidarité des peuples à travers le BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions).

Jean Claude Meyer, (Schlomo ben Jacov), juif alsacien, antisioniste, membre de la Communauté israélite du Bas-Rhin, et de l’Union Juive Française pour la Paix.

14 janvier 2021