par Michel Warschawski
Il y a quelques jours on célébrait le Nouvel An juif, ce qui donnait l’occasion aux chroniqueurs ainsi qu’aux politiciens de faire un bilan de l’année qui venait de s’achever. Il n’est pas difficile de deviner le dénominateur commun à tout ce qui s’est dit et écrit d’intelligent dans les différents médias israéliens, tellement cela crève les yeux : l’isolement grandissant d’Israël sur la scène internationale, et son corollaire, la comparaison avec l’Afrique du Sud de l’apartheid.
Il n’y a finalement que Benjamin Netanyahou qui s’obstine à fermer les yeux, obnubilé par le nouveau nazisme que serait la République Islamique d’Iran. Le fait qu’un accord historique ait été conclu entre Téhéran et les grandes puissances ne fait que conforter le Premier ministre israélien dans son délire obsessionnel pour qui il s’agit d’un second Munich, Barak Obama n’étant rien d’autre qu’un nouveau Chamberlain.
Allant à contre-courant du monde entier, Netanyahou marque encore davantage l’isolement d’Israël. Certes, l’alliance stratégique avec les États-Unis est solide, et pour longtemps encore, mais entre la Maison Blanche et le chef du gouvernement israélien les relations sont exécrables, et l’auto-invitation de Netanyahou à parler devant le Congrès pour y dénoncer la politique d’Obama a confirmé une vraie rupture [au niveau personnel il s’entend], unique dans l’histoire des relations entre les deux États depuis près d’un demi siècle. Parallèlement, une partie des pays européens ne cachent pas ce qu’ils appellent dans leur jargon diplomatique leur « incompréhension » de la politique israélienne, alors qu’à leurs yeux la priorité devrait être le front uni contre la menace que représente Daesh.
Isolement aussi d’une révolution arabe qui chamboule l’ordre établi il y a exactement un siècle par les puissances coloniales, et a constitué des États qui sont aujourd’hui en pleine décomposition (Syrie, Irak). Les dirigeants israéliens semblent ne s’être pas encore remis de la chute de Ben Ali et de Hosni Mubarak…
Isolement surtout des opinions publiques à travers le monde qui identifient de plus en plus le régime colonial israélien à l’apartheid sud-africain. Le succès croissant de la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) et son élargissement à des entreprises étatiques ou multinationales (la Compagnie des Eaux néerlandaise, Orange) ne laissent plus indifferénte une partie importante de l’opinion publique locale.
Certes, tant qu’Israël continuera à bénéficier du soutien états-unien et de l’amitié des partis socialistes (sic) européens, Netanyahou poursuivra sa politique de fuite en avant, y compris les provocations scandaleuses sur l’Esplanade des Mosquées qui risquent d’allumer un feu incontrôlable dans l’ensemble du monde musulman. À moins qu’une nouvelle Intifada n’explose dans une Cisjordanie de plus en plus lasse d’attendre la « reprise d’un processus de paix » dont Netanyahou reconnait qu’elle n’est pas à l’ordre du jour. Les confrontations de plus en plus violentes à Jérusalem laissent présager que cette Intifada est en train de prendre forme, même si la direction palestinienne fait encore de son mieux pour la freiner.
Publie dans Sine Mensuel, Octobre 2015