Il aura fallu quatre élections en Israël pour se débarrasser de Nétanyahou. L’attelage au pouvoir, pour parvenir à ce résultat là, était plus que bancal : un colon d’extrême-droite comme premier ministre (Naftali Bennett) se vantant, sans qu’aucun chef d’État étranger ne trouve à y redire, « d’avoir tué beaucoup d’Arabes », un autre colon, « laïque » celui-là (Avigdor Liebermann) qui proposait jadis de « décapiter » les Palestiniens, un Général (Benny Gantz) se proposant de ramener Gaza à l’âge de pierre, une ministre (Ayelet Shaked) souhaitant « tuer les mères palestiniennes » puisqu’elles « élèvent des serpents »…
D’autres ministres ou partis prétendument « modérés » (Yaïr Lapid, le Parti travailliste, le Meretz, un Parti palestinien musulman) ont servi de force d’appoint à ce cartel de criminels sans jamais chercher même à atténuer la violence quotidienne de ce gouvernement.
L’attelage a explosé et on va donc revoter en Israël. Il y a des contradictions qui s’expriment dans le pays : laïques contre religieux, Ashkénazes contre Mizrahim … Mais il y a un consensus tragique des principales forces politiques pour nier tout droit aux Palestiniens et pour continuer le sociocide en cours.
Le philosophe Yeshayahou Leibowitz avait prédit, il y a des décennies, que la colonisation produirait un « judéo-fascisme ». Et ce sont des dirigeants de ce courant qui vont se disputer le pouvoir sans qu’aucune alternative crédible ne soit en mesure de proposer autre chose. Le rapport d’Amnesty International établissant, après bien d’autres rapports, qu’Israël est un État d’apartheid, a provoqué bien peu de réactions en Israël. Certes, les affirmations automatiques (« Amnesty est antisémite », « Israël est un État démocratique » …) ont été émises. Mais une partie importante de la société israélienne et des dirigeants politiques assume, surtout depuis le vote de la loi « Israël, État-nation du peuple juif », l’inégalité structurelle, le suprématisme et la négation des droits, de la dignité ou même de l’existence du peuple palestinien.
La guerre que l’armée de Poutine mène contre le peuple ukrainien dure depuis plusieurs mois et on est frappé par le « deux poids, deux mesures » qui s’exprime en Occident. Contre les crimes de Poutine, les sanctions, le boycott, les condamnations internationales sont devenues légitimes et souhaitables. Contre Israël qui a expulsé un peuple de sa terre, qui occupe et annexe illégalement (selon l’ONU) des territoires et qui viole tous les jours le droit international, rien. Au contraire, l’Europe est prête à remplacer le gaz russe … par du gaz israélien. La coopération économique, commerciale, universitaire et même militaire continue. Et l’Occident soutient bien sûr les « Accords d’Abraham » avec les dictatures du monde arabe, appellation pompeuse pour nommer l’alliance des dominants.
Tous les morceaux de la Palestine fragmentée ont subi des coups terribles ces derniers mois.
On en est à 15 ans de blocus de Gaza : deux millions de personnes bouclés par terre, par mer et par air, régulièrement bombardés, empêchés de produire et privés de nombreux produits de première nécessité. Gaza souffre mais ne rompt pas.
Partout en Palestine, l’appareil répressif a franchi un saut qualitatif. Tous les jours, l’armée tue des civils et notamment des enfants et des adolescents. L’un des récents exemples concerne un jeune Palestinien de 17 ans qui a été blessé par une balle de l’armée israélienne dans le village d’Al-Madia, dans le secteur de Ramallah et a succombé à ses blessures. La détention administrative se généralise, celle de notre camarade franco-palestinien Salah Hamouri a été prolongée, sans explication bien sûr. La cruauté de la répression va jusqu’à attaquer régulièrement l’esplanade des mosquées, expulser 1200 villageois de Masafer Yatta ou garder les corps de ceux que l’armée a tués. Les déplacements à l’intérieur de la Cisjordanie ne sont plus de droit, ils se font à la discrétion de l’occupant.
Les barrières morales se sont massivement écroulées en Israël où les protestations contre cette barbarie sont bien faibles. Les images des Israéliens en armes attaquant le cercueil de la journaliste Shireen… ont créé la sidération dans le monde, mais cela n’a pas fait bouger les dirigeants des pays occidentaux d’un iota dans l’impunité accordée à Israël. Il n’y a rien à attendre de la façon dont les partis politiques se déchirent.
Face à un rapport de force très difficile, il faut garder espoir.
En France, des victoires ont été enregistrées avec plusieurs arrêts du Conseil d’État qui ont enrayé une complicité trop visible avec l’apartheid israélien. Dans le monde entier le mouvement BDS a remporté des victoires importantes et continue de progresser. Aux États-Unis, un sondage montre que 25 % des Juifs du pays considèrent qu’Israël est un État d’apartheid. Depuis le rapport d’Amnesty, « l’image » d’Israël est sérieusement atteinte.
Ce qui se joue dans cette guerre, c’est le monde dans lequel nous voulons vivre. Parce que nous sommes une association juive, parce que nous savons par notre histoire qu’« occuper c’est un crime et résister c’est un droit », nous appelons à renforcer la solidarité avec le peuple palestinien.
La Coordination nationale de l’UJFP, le 26 juin 2022