Nous publions ici 3 lettres de protestation au sujet du programme d’un voyage en Israël organisé par le club des retraités de la MGEN 75 et Arts et Vie
Lettre de Michèle Sibony (UJFP)
Paris le 3 avril 2017
Aux responsables du club des retraités de la MGEN 75 et de Arts et Vie,
Je suis membre retraité de la MGEN à laquelle j’ai été affiliée depuis 1977.
C’est avec consternation que je viens de prendre connaissance de l’offre de voyage en Israël proposée pour mai prochain aux adhérents du club des retraités de la MGEN Paris.
La lecture du programme a attiré mon attention (et suscité ma colère d’ancien professeur d’histoire géographie) :
Arts et Vie inclut dans cette découverte d’ Israël qu’il propose, Jérusalem Est et Bethléem. Or Jérusalem Est est un territoire occupé par Israël et à ce titre n’est pas reconnue par le droit international comme faisant partie d’Israël. Son annexion non plus n’est pas reconnue par la France qui conserve son ambassade à Tel Aviv pour cette raison comme toutes les ambassades du monde.
Bethléem est une ville palestinienne de Cisjordanie illégalement occupée, toujours selon les normes du droit international. Arts et Vie se situerait donc hors la loi internationale en n’utilisant pas les termes requis pour qualifier la visite de ces deux territoires. Ce qui me paraît particulièrement choquant. Réussir le tour de force de parler de ces deux villes sans évoquer les Palestiniens qui y vivent et la Palestine occupée relève à tout le moins d’une ignorance grave du droit international qui nous engage en tant que Français, et au pire d’une idéologie qui ne devrait pas être celle de l’occupation et de l’annexion de territoires en effaçant toute évocation de la population autochtone.
Les visiteurs se croiront donc en Israël en visitant Bethléem ? C’est une erreur géographique et politique qu’Arts et vie ne devrait pouvoir assumer.
De plus, en Israël même le programme fait quelques impasses de taille, tout en sélectionnant soigneusement les informations qu’il est censé fournir au lecteur.
« Jaffa, l’un des plus vieux ports du monde qui servait dans l’Antiquité et au Moyen-Âge d’escale incontournable aux Européens sur la route d’Orient, rattaché depuis les années 50 à la ville de Tel Aviv. »
Les visiteurs ne sauront donc pas que Jaffa est un port palestinien et que s’agissant d’années 50 on peut être plus précis et indiquer que le port a été conquis et évacué de la plupart de ses habitants palestiniens en 1948…
» Puis, découverte du site archéologique de Césarée : aqueduc, citadelle croisée, amphithéâtre romain« …
Les visiteurs des lieux vivront sans doute comme un paradoxe temporel la découverte d’une mosquée au choeur de ce site de l’antiquité romaine; mosquée qu’ils découvriront en y buvant un rafraîchissement et y achetant quelques souvenirs puisque tel est son usage actuel. Une précision utile et intéressante serait d’indiquer aux lecteurs que précisément sur ce site se tenait jusqu’en 1948 un village palestinien détruit et dont la mosquée est l’une des traces.
« Puis, découverte de Saint-Jean-d’Acre, nommée aussi au cours de l’histoire Ptolémaïs, Akko ou Acre«
Petit détail, inutile sans doute pour les concepteurs du programme, Ptolémaïs, Akko, St Jean d’Acre s’appelle aussi depuis des siècles et toujours aujourd’hui : Akka … en arabe palestinien.
La charte de Arts et vie que je viens de relire souligne :
« Arts et Vie, en tant qu’association culturelle, a eu dès son origine le souci du respect des peuples, des patrimoines et de leur environnement. Les voyages Arts et Vie sont une invitation à la rencontre avec d’autres civilisations, d’autres cultures, d’autres coutumes »…
Il me semble qu’on est loin du compte en occultant tout ce qui appartient à l’histoire la civilisation et le peuple palestiniens dans un voyage où ils sont présents et vivants, un voyage qui ménage un angle mort.
Le voyage proposé par Arts et Vie semble conçu dans l’esprit de ceux proposés par les ministères israéliens du tourisme et de la « hasbarah » ( qui signifie explication en hébreu et se traduit par propagande) Pourtant on attendrait d’Arts et Vie qu’il prenne au moins pour guide la législation française et internationale, ce qui lui permettrait quelques rectifications plus conformes à la réalité.
Avec mes sentiments indignés de mutualiste
Michèle Sibony – MGEN Paris
Lettre de André Rosevègue (UJFP)
Chers responsables du club des retraités de la MGEN 75, chers responsables d’Arts et Vie,
C’est avec consternation que j’ai pris connaissance de l’offre de voyage en Israël proposée pour mai prochain aux adhérents du club des retraités de la MGEN Paris*, qui m’a été communiquée par un ami. Je suis persuadé qu’il y a parmi vous des destinataires qui ont dû également être surpris s’ils ont fait une lecture attentive du programme proposé.
Ainsi, Arts et Vie propose un périple en Israël, qui passe par Jérusalem Est et Bethléem, sans que le mot Palestine soit prononcé.
Ainsi, Arts et Vie énumère tous les noms que Saint-Jean d’Acre a pu porter, sauf Acca (ou Akka), son nom palestinien.
Ainsi, les hauts lieux du judaïsme et de la Chrétienté sont évoqués, mais aucun quartier musulman n’est explicitement au programme des visites.
J’ai voulu relire la charte éthique de Arts et Vie, celle qui a pu parfois me faire choisir Arts et Vie :
« Arts et Vie, en tant qu’association culturelle, a eu dès son origine le souci du respect des peuples, des patrimoines et de leur environnement. Les voyages Arts et Vie sont une invitation à la rencontre avec d’autres civilisations, d’autres cultures, d’autres coutumes… mais le développement mondial du tourisme peut parfois entraîner des situations à l’origine d’incompréhensions et de déséquilibres.(…) »
Je suis dans l’incompréhension totale d’une proposition et de formulations » déséquilibrées » au point de nier le peuple « indigène ».
Tel qu’il est formulé, ce projet de voyage contribue au programme confié par le gouvernement israélien à son Ministère du Tourisme de recouvrir le plus complètement possible la civilisation et la culture du peuple dont il poursuit la colonisation de la terre. Notre mutuelle comme l’association Arts et Vie ne peuvent s’y laisser ainsi embarquer.
Mon but n’est pas de vous faire renoncer à ce voyage. Et je connais des mutualistes parisiens qui ont une expérience de cette Terre et sont prêts à discuter avec vous pour qu’il ne ressemble pas à la visite d’un village Potemkine.**
Recevez l’expression de mes sentiments profondément mutualistes
André Rosevègue, section MGEN de la Gironde
* le programme du voyage :
http://www.aurdip.fr/https://ujfp.org/IMG/pdf/israel.pdf
** « L’expression « village Potemkine » désigne un trompe-l’œil à des fins de propagande. Selon une légende historique, de luxueuses façades avaient été érigées à base de carton-pâte1, à la demande du ministre russe Grigori Potemkine, afin de masquer la pauvreté des villages lors de la visite de l’impératrice Catherine II en Crimée en 1787. » (wikipedia)