Monsieur le Premier Ministre.
Vous avez déclaré devant une assemblée de notables juifs :
« Se dire antisioniste ou nier le droit à l’existence de l’Etat d’Israël en voulant éviter l’accusation d’antisémitisme n’est pas possible ».
Je me permets de vous dire qu’une telle déclaration « philosémite » n’est qu’une forme sournoise d’antisémitisme. Que dites-vous à ces notables, si ce n’est ce qu’ils veulent entendre, savoir que l’antisionisme est une forme d’antisémitisme et que vous le combattez. Peut-être même le croyez-vous ce qui montre votre peu de connaissance de la question.
Je comprends que cette confusion vous rassure, en soutenant le sionisme et l’Etat d’Israël vous pensez défendre une grande cause, la lutte contre l’antisémitisme, oubliant combien votre antiracisme est sélectif. Vous pratiquez à l’égard des étrangers, en particulier des Sans-Papiers, la même politique que vos prédécesseurs pratiquaient à l’égard des Juifs, vos déclarations sur les Rroms valent bien les déclarations de certains de vos prédécesseurs sur les Juifs. Mais comme tout bon Européen qui veut se libérer d’un passé désagréable, vous préférez aujourd’hui manifester un amour des Juifs pour mieux assouvir votre détestation d’autres populations. Votre philosémitisme, pour peu qu’on gratte pour voir ce qu’il cache, est peu reluisant. Mais il est vrai que le philo-truc n’est qu’une forme qu’anti-truc, et cela l’homme politique que vous êtes a appris à le manier. Comme je l’ai dit, je ne mets pas en doute votre sincérité, je dis seulement que si cette sincérité est réelle, elle a un goût amer.
Vous avez déclaré devant cette même assemblée que votre gouvernement se devait de lutter contre « les candidats au djihad ». En un sens vous avez raison mais votre déclaration est biaisée parce que, pensant au djihad musulman, vous oubliez un autre djihad, le djihad juif, juif au sens sioniste du terme. Je suis d’accord avec vous lorsque vous voulez empêcher de jeunes français de rejoindre les massacreurs de l’Etat Islamique qui sèment la terreur aujourd’hui en Syrie et en Irak et peut-être ailleurs demain. Que leurs motivations soient religieuses ne les justifie en rien et vous avez raison de tenter de les empêcher de rejoindre une armée de tueurs. Mais pourquoi ne faites-vous pas la même chose contre ces jeunes qui, au nom du sionisme qu’ils confondent comme vous, avec le judaïsme, vont aider l’armée israélienne dans son œuvre meurtrière contre les Palestiniens. On entend même parler, à propos de ces jeunes français de soldats franco-israéliens, terme qui n’a aucun sens car il n’existe pas d’armée franco-israélienne, il existe tout au plus des Français qui se sont engagés dans l’armée israélienne et à ce titre sont des soldats israéliens. On n’a pas entendu parler de sanctions contre ces djihadistes juifs, comme on pourrait les appeler par une mauvaise métaphore mais qui à l’avantage de dire de quoi il s’agit. Et on sait que le gouvernement israélien envoie, via son Ambassade, des recruteurs pour enrôler ces jeunes djihadistes juifs, et ces recruteurs vont même prêcher dans les synagogues. Que dirait-on d’un recruteur qui viendrait dans les mosquées prêcher le djihad ?
Vous comprendrez pourquoi je considère que vos déclarations qui se veulent philosémites ne sont qu’une forme d’antisémitisme, quand bien même elles seraient sincères.
Vous comprendrez aussi pourquoi le juif antisioniste que je suis considère ces déclarations comme des injures envers les Juifs, même si certains croient y voir de la sympathie, mais de quelle sympathie s’agit-il ?
En confondant, comme vous le faites, antisémitisme et antisionisme, vous identifiez Juifs et sionistes. En cela vous avez la même démarche que les antisémites même si vous voulez en déduire des conclusions contraires.
Je vous prie de recevoir, Monsieur le Premier ministre, l’assurance du manque total de considération que m’inspirent vos déclarations.
Rudolf Bkouche
Juif antisioniste