Lettre ouverte de l’UJFP Ile-de-France au Conseil de Paris et Anne Hidalgo

Lettre ouverte de l’UJFP Ile-de-France adressée à Madame le Maire Anne Hidalgo (PS) ainsi qu’aux 164 conseillers municipaux de Paris.

Ce courrier demande au conseil de municipal de rejeter un projet de vœu condamnant le boycott des produits israéliens.

Paris, le 15 février 2016

CONSEIL DE PARIS
Mme le Maire Anne HIDALGO
Place de l’Hôtel de Ville
75004 PARIS

Madame le Maire,

Mesdames et Messieurs les Conseillers,

À l’instar d’un certain nombre de Conseils d’arrondissement, le Conseil de Paris est désormais saisi d’un vœu condamnant le boycott des produits israéliens.

En tant qu’association juive établie à Paris et porteuse de la mémoire des figures juives qui ont résisté contre l’antisémitisme, l’oppression et l’exclusion sous toutes ses formes, nous interpellons le Conseil de Paris pour faire échec à ce projet de vœu.

Le boycott des produits israéliens, porté par un mouvement citoyen en faveur des droits légitimes du peuple palestinien, s’inscrit dans la lignée des mouvements qui ont su faire face à des régimes répressifs par des moyens pacifiques, faisant appel au concours des Parisiens en leur qualité de consommateurs et de citoyens responsables. Le précédent du boycott de produits sud-africains à l’époque de l’apartheid est emblématique de cette tradition et a fortement inspiré la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) dont l’UJFP est membre fondateur.

L’histoire juive est parsemée de périodes d’oppression. La Rafle du Vel d’Hiv ici même à Paris les 16-17 juillet 1942 et la déportation de Juifs parisiens qui s’en est suivie demeure un exemple gravé à tous jamais dans notre mémoire collective. Il a heureusement existé une résistance qui a su affronter les fléaux de l’antisémitisme, de l’occupation et du fascisme qui ont endeuillée notre ville au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Cette résistance – à laquelle de nombreux Juifs ont participé – continue dans notre esprit. L’antisémitisme, tout comme l’islamophobie et d’autres formes de racisme, menace de nouveau notre ville, ses habitants et ses valeurs et il est de notre devoir de nous y opposer comme l’ont fait ceux qui nous ont précédés. C’est le sens de notre engagement contre les discriminations et les régimes répressifs qui nient aux peuples leur droit à l’autodétermination. Non seulement le peuple palestinien ne fait pas exception à cette règle, mais sa quête de liberté est brimée par le pouvoir israélien qui essaie de commettre ses crimes au nom des Juifs du monde entier. L’UJFP refuse catégoriquement à Israël le droit de parler en notre nom car l’État israélien n’est nullement le mandataire des Juifs parisiens.

Quant à l’occupation des Territoires palestiniens, au refus d’Israël de résoudre le problème des réfugiés et à son régime de droits variables – selon qu’il s’applique aux citoyens juifs ou arabes de ce pays – cette forme de domination coloniale n’a que trop duré. Les Parisiens peuvent aider à résoudre le conflit israélo-palestinien en incitant Tel-Aviv à infléchir sa politique vis-à-vis du peuple palestinien. C’est pour cette raison que l’UJFP est partie prenante de la campagne BDS France. C’est un moyen pédagogique et pacifique d’inviter les Parisiens à faire pression sur l’État d’Israël afin qu’il respecte enfin le droit international auquel il est soumis.

Le projet de vœu actuellement devant le Conseil de Paris n’est pas un moyen de lutter contre l’antisémitisme. Son adoption éventuelle ne ferait qu’aggraver la situation des Juifs qui seront – bien malgré eux – associés à la politique israélienne pour laquelle ils ne sont pour rien. Nous n’avons pas besoin d’un tel stigmate qui pèserait sur les Juifs et qui, de plus, n’aurait d’autre résultat que d’aggraver davantage le sort fait aux Palestiniens. L’adoption d’un tel vœu nous éloignerait un peu plus de toute perspective d’une paix juste au Proche-Orient.

Il est bien entendu que nous sommes à votre entière disposition pour toute information complémentaire et pour discuter avec vous à une date qui vous convient.

Veuillez agréer, Madame le Maire, Mesdames et Messieurs les conseillers, l’expression de nos sentiments pacifiques et distingués.

Richard WAGMAN
Coordinateur, UJFP Ile-de-France