LETTRE OUVERTE AU MAIRE DE TOULOUSE

Paris, le 2 avril 2015

Monsieur le Maire,

Nous nous adressons à vous en tant qu’Union Juive Française pour la Paix (UJFP), association attachée à la défense des droits humains, et qui lutte contre toutes les formes de racisme et toutes les discriminations.

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Notre message concerne votre interdiction de la conférence du Professeur Farid Esack, qui était prévue dans une salle municipale le mardi 31 mars. Farid Esack est une personnalité sud-africaine bien connue à de multiples titres : combattant opiniâtre au cours de la lutte contre le régime d’apartheid sud-africain, responsable à l’Université de Johannesburg du département consacré aux religions, ancien commissaire à l’égalité des sexes dans le gouvernement de Nelson Mandela, écrivain, militant antiraciste, …

Malgré tout le respect que nous devons à votre fonction de maire, permettez-nous de vous dire que cette interdiction est scandaleuse et indigne de qui se prévaut des valeurs antiracistes.

Les qualificatifs que vous attribuez à la campagne BDS sont totalement infondés.

D’abord BDS n’est pas une association ainsi que vous l’écrivez, mais un collectif d’une centaine d’associations, dont font partie aussi bien le NPA à qui vous avez adressé votre courrier que l’UJFP. BDS est partie intégrante d’une campagne internationale qui vise, à l’image du boycott qui avait contribué à mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud, à développer le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions vis-à-vis de l’Etat d’Israël jusqu’à ce qu’il se conforme au droit international. Comme vous ne pouvez pas l’ignorer, cette campagne répond à une demande de la société civile palestinienne, (plus de 170 organisations, associations, syndicats, partis), à l’exigence que la communauté internationale cesse d’assurer à l’Etat d’Israël une impunité dans la poursuite de sa politique de colonisation et d’apartheid.

Ensuite BDS ne prône pas la discrimination de « personnes de confession juive et de produits commerciaux associés à la religion juive » mais uniquement à ne pas acheter de produits issus de l’Etat d’Israël, et à ne pas collaborer avec ses institutions. La dimension religieuse est totalement absente du discours de la Campagne BDS.

Votre définition est donc erronée et mal intentionnée à dessein: concernant le boycott de l’ Apartheid sud-africain, aurait-elle pu se traduire par « le boycott du régime de l’apartheid prône la discrimination de tous les Blancs et des Afrikaners d’Afrique du Sud » sans sombrer dans le ridicule?

Les rares condamnations que vous évoquez de personnes ayant participé à des « actions BDS » n’ont d’ailleurs jamais porté sur des discriminations ou incitations à la haine raciale mais sur des appels à la discrimination nationale (à savoir l’appel à ne pas consommer des produits israéliens). Et la grande majorité des juridictions ont considéré que ces appels au boycott relèvent de la liberté d’expression.
En vérité, et vous le savez bien, vous avez subi des pressions de la part d’associations qui prétendent s’exprimer au nom de l’ensemble des Juifs de France et ne sont que les courroies de transmission d’une politique faite de dépossessions, d’humiliations, d’assassinats et de massacres contre le peuple palestinien.

Si vous avez à cœur la lutte contre l’antisémitisme, vous devriez cesser d’entretenir l’amalgame malhonnête entre Juifs français et gouvernement israélien, et lutter contre tous ceux qui cultivent l’inégalité et la discrimination, au Proche Orient comme ici en France.

L’UJFP est disposée, monsieur le Maire, à venir vous présenter une autre image de la judéité, et à vous expliquer ce qu’est la campagne BDS et pourquoi de plus en plus de Juifs la rallient dans le monde entier.

Pour le bureau national de l’UJFP,

Jean-Guy Greilsamer et Pierre Stambul, coprésidents de l’UJFP