Lettre ouverte à Monsieur Roland RIES, Maire de Strasbourg

Strasbourg, le 23 mars 2015

Monsieur le Maire,
La municipalité, en étroite collaboration avec l’ambassade d’Israël en France, organise une semaine israélienne à Strasbourg, devant mettre à l’honneur « la diversité de la société israélienne » et « le dynamisme de sa culture ».

Au même moment, vous décidez du report « sine die » d’une exposition sur l’histoire du peuple palestinien au 20 ème siècle devant se tenir au Centre Administratif et planifiée de longue date.

Monsieur le Maire, l’engagement d’un partenariat institutionnel avec les représentants d’un gouvernement dont le ministre des affaires étrangères est issu d’un parti d’extrême droite, dont le chef ne cesse de défier la communauté internationale, de violer le droit international et humanitaire, d’humilier jusqu’au secrétaire général de l’ONU et le Président des Etats Unis, est profondément choquant et indigne de la Ville de Strasbourg.

Ce faisant vous apportez la caution de la Ville de Strasbourg à une opération parfaitement connue de « culturewashing ». Elle vise à camoufler les crimes de guerre, les 2200 morts dont 500 enfants, les milliers de blessés de l’été dernier à Gaza, la poursuite de la colonisation, le Mur de l’Apartheid, les vols de terres, de l’eau, les Bédouins persécutés, les femmes éthiopiennes stérilisées, les Palestiniens – enfants et adultes – détenus sans procès et souvent torturés, et l’apartheid dont sont victimes 20 % de la population israélienne, à savoir les Palestiniens d’Israël. Ce faisant, vous participez, Monsieur le Maire, à l’initiative « Brand Israël » du gouvernement israélien. L’objectif de cette initiative, lancée en 2006, est de redorer une image internationale dégradée, par des performances d’artistes et de groupes.

C’est ainsi qu’Arye Mekel, chef adjoint du département de la Culture du ministère des Affaires étrangères d’Israël, a déclaré en mai 2009 : « Nous enverrons à l’étranger des romanciers et des écrivains très connus, des compagnies de théâtre, des expositions (…) De cette façon, vous montrerez le visage le plus joli d’Israël, pour que nous ne soyons pas connus purement dans le contexte de la guerre. » Au même moment, Israël était en train de bombarder Gaza avec des bombes au phosphore et d’autres armes interdites, et a refusé par la suite de façon catégorique l’investigation par une commission de l’ONU des crimes de guerre commis, tout comme en 2012 et encore plus récemment en juillet 2014.

Dans un article paru en 2008 dans le quotidien israélien Haaretz, l’écrivain israélien Yitzhak Laor a décrit le fonctionnement de cette opération : lorsque les performances à l’étranger d’artistes israéliens sont financées par l’État, ils signent un contrat dans lequel ils sont définis en tant que fournisseurs de services. Les artistes s’engagent alors à promouvoir « les intérêts politiques de l’État d’Israël par la culture et l’art », ce qui comprend « une image positive d’Israël ».
Cette campagne est une réponse du gouvernement d’Israël au nombre croissant de manifestations autour du monde qui s’opposent aux violations des droits humains et du droit international par Israël, en particulier dans le cadre de la Campagne BDS (Boycott-Désinvestissement-Sanction) lancée en 2005 par la société civile palestinienne et qui connaît un succès grandissant.

Monsieur le Maire, l’ambassade d’Israël et son allié direct, le CRIF, sont responsables d’atteintes répétées à la démocratie dans notre pays, en tentant par des pressions constantes d’empêcher manifestations, conférences, spectacles de solidarité avec le peuple palestinien, comme tout récemment encore à l’Université Paris 8 ou à l’université d’Aix-Marseille. Est-ce là le modèle que vous soutenez pour notre Ville ?
Pour conclure, nous donnerons la parole à la Fédération des Juifs Européens pour une Paix Juste, dont vous trouverez le texte complet en pièce jointe : « Nous soutenons ceux qui, en Israël et en Palestine, luttent pour la justice. »

Recevez, Monsieur le Maire, l’expression de nos salutations distinguées.

Les signataires :

ATMF,
ATTAC Strasbourg,
Collectif Judéo Arabe et Citoyen pour la Palestine,
Femmes en noir – Strasbourg,
International Jewish Anti-Zionist Network (IJAN),
La CARES,
Les Amis de l’Humanité Alsace,
Les Amis du Monde Diplomatique,
MJCF 67,
MRAP – comité de Strasbourg,
NPA 67,
SABEEL France,
Union Juive Française pour la Paix-Alsace.

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