Lettre ouverte à Monsieur le Grand-Rabbin de Strasbourg, René Gutmann

Strasbourg, le 23 octobre 2015

Monsieur le Grand-Rabbin,

« Depuis le 1er octobre, les heurts quotidiens entre lanceurs de pierres palestiniens et soldats israéliens, les agressions permanentes entre Palestiniens et colons, et la vague d’attentats au couteau contre des Israéliens ont fait 49 morts palestiniens (dont plusieurs auteurs d’attaque) et neuf morts israéliens (dont un Arabe). » (Le Monde)

C’est dans ce contexte dramatique que vous avez appelé, avec le Consistoire, « jeudi 22 Octobre 2015 à un rassemblement de prières pour nos frères et sœurs en Israël ».

Certes, il nous faut avoir de la compassion pour les victimes de ces événements, mais pour toutes les victimes, palestiniennes et israéliennes.

Or, avec le Rabbinat, vous ne priez que pour les victimes juives.

Monsieur le Grand-Rabbin, j’ai bien peur que votre geste ne contribue pas à la paix ni au vivre-ensemble, ici et là-bas.

De plus, en organisant cette cérémonie dans une synagogue, vous prenez le risque de favoriser, aux yeux de nos concitoyens, un amalgame dangereux entre les Juifs, les Israéliens et les sionistes, qu’ils soient juifs ou pas.

Que n’entendrait-on pas si, dans une mosquée, les Musulmans appelaient à prier pour leurs frères palestiniens musulmans interdits d’accès dans leur lieu saint à Jérusalem ?

Monsieur le Grand-Rabbin, ne transformez pas un conflit colonial en conflit religieux.

Ce serait trop dangereux, ici et là-bas, pour les Juifs eux-mêmes.

Les jeunes Palestiniens, révoltés contre l’occupation israélienne et le désespoir de ne pas être citoyens d’une Palestine indépendante, même, conformément au droit international, dans 20% de leur patrie, n’ont pas d’autre choix que de résister à l’oppression, comme nous-mêmes l’avons fait en maintes occasions dans l’histoire, et pendant la Seconde Guerre mondiale.

Monsieur le Grand-Rabbin, c’est à l’autorité morale que vous représentez que je m’adresse.

N’est-il pas inscrit dans nos cœurs, et à l’entrée du Centre communautaire, rue du Rabbin René Hirschler :

« Ce qui est détestable à tes yeux, ne le fais pas à autrui. C’est là toute la Torah, le reste n’est que commentaire. Maintenant, va et étudie » Hillel Hazaken .

Veuillez accepter, Monsieur le Grand-Rabbin, mes salutations respectueuses.

Jean-Claude Meyer

(Schlomo ben Jacov)