Maire de Paris
HÔTEL DE VILLE
75197 PARIS RP
LETTRE OUVERTE : UNE FONTAINE PARISIENNE À JÉRUSALEM
Monsieur le Maire,
Dans le cadre du 60ème anniversaire de la proclamation de l’État d’Israël, la Ville de Paris a fait plusieurs gestes d’amitié envers ce pays, le premier cette année était de dédier le Salon du Livre de Paris à la littérature israélienne. Déjà l’année dernière, lors d’une visite officielle à Paris de Ouri Loupolianski, maire de Jérusalem, vous lui avez promis de financer l’installation d’une luxueuse fontaine dans sa ville. Cet ouvrage, la copie d’une fontaine parisienne, a été installé sur la Place de Paris à Jérusalem-Ouest (la partie israélienne de la ville). Ce don a coûté 100 000 € aux contribuables parisiens, sans toutefois que cette dépense ait été votée par le Conseil de Paris.
L’Union juive française pour la paix n’est pas opposée aux gestes d’amitié envers d’autres peuples, exprimés par des relations diplomatiques et des réalisations de ce genre dans les pays et les villes avec qui notre municipalité entretient des relations bilatérales. Ceci dit, nous vous rappelons que Jérusalem n’est pas seulement une capitale revendiquée par Israël (la capitale israélienne reconnue par la communauté internationale et où sont situées les ambassades – y compris l’ambassade française – est Tel-Aviv). Nous profitons de l’occasion pour souligner que Jérusalem-Est (la partie arabe de la ville) est également revendiquée par l’Autorité palestinienne comme capitale de son futur État. Et il ne faut pas oublier que si 2008 est le 60ème anniversaire de la proclamation de l’État d’Israël, il est aussi le 60ème anniversaire de la Nakba, l’expulsion de quelques 750 000 Palestiniens de leurs foyers. Jérusalem fut particulièrement touchée : ses habitants palestiniens ont été expropriés de leurs biens à Jérusalem-Ouest. Les maisons de ces derniers ont été octroyées à des familles juives et la banlieue ouest de Jérusalem (habitée par une population arabe jusqu’en 1948) fut vidée de ses habitants qui, eux, ont été refoulés en Cisjordanie et sont devenus des réfugiés. Soixante ans après, ces personnes et leurs ayants droit attendent toujours que leur sort soit décidé par un règlement définitif du conflit.
Ce n’est pas tout. Aujourd’hui même, l’État d’Israël et la municipalité de Jérusalem continuent à écarter des habitants palestiniens de Jérusalem-Est, les refoulant en Cisjordanie (où ils perdent leur statut de résidents permanents de Jérusalem, avec les droits qui en découlent). En même temps, les autorités israéliennes continuent d’agrandir les constructions résidentielles dans les colonies israéliennes à Jérusalem-Est et ses faubourgs, et d’y installer ses ressortissants. Le tout en violation des engagements faits par Israël à plusieurs reprises depuis les Accord d’Oslo (il y a 15 ans déjà) et en violation du droit international, notamment la 4ème convention de Genève qui régit la conduite des puissances occupantes, interdisant le transfert de ses ressortissants en territoire occupé.
Dans ces circonstances, un don fait aux seuls Israéliens dans la partie occidentale de la ville est inopportun, car les Palestiniens dans la partie orientale de la ville sont brimés par État d’Israël, son armée d’occupation et ses institutions, y compris la municipalité de Jérusalem. Ainsi, en tant qu’association juive progressiste domiciliée à Paris et militant pour une paix juste entre Israéliens et Palestiniens, nous vous demandons de faire un geste envers les habitants arabes de Jérusalem. Compte tenu de l’état lamentable des infrastructures dans les quartiers arabes de Jérusalem-Est (dont les habitants paient pourtant les mêmes taxes municipales que leurs concitoyens de l’autre côté de la Ligne Verte), il nous paraît qu’une fontaine décorative ne serait pas la première des priorités. Peut-être un don pour financer l’amélioration des égouts, canalisations et système de distribution d’eau potable serait plus conseillé, si vous voulez rester dans le domaine de l’eau, ressource rare dans la région (les Israéliens bénéficient de la consommation d’un volume d’eau potable plus de trois fois et demie supérieur à celui des Palestiniens).
Pour approfondir ce dossier et élaborer ensemble un projet d’amitié bilatérale des Parisiens envers les citoyens palestiniens de Jérusalem-Est, nous nous tenons à votre entière disposition. Seul un geste de ce genre peut équilibrer les relations envers les citoyens de Paris et de Jérusalem en ce 60ème anniversaire, qui est double : un État pour les uns et l’expulsion pour les autres. Le maintien d’une telle injustice dans les relations municipales entre les deux villes n’aura pas pour effet d’encourager une paix juste dans cette région du monde.
En attendant un rendez-vous à l’Hôtel de Ville et en vous remerciant de votre diligence, nous vous assurons, Monsieur le Maire, de notre plus haute considération.
Richard WAGMAN
Président d’honneur