Lettre ouverte à Anne Hidalgo, par les jeunes rennais engagés dans le projet vidéo avec l’association Laylac, de Dheisheh

Madame

Nous sommes un groupe de jeunes de Rennes en voyage en Palestine. Nous participons à un projet en partenariat avec l’association culturelle Laylac du camp de réfugiés de Dheisheh, situé dans les territoires occupés par Israël, à Bethlehem.

Nous y apprenons avec de jeunes Palestiniens de notre âge la vidéo pour réaliser des reportages, des fictions, parler de la vie, de l’amour, de l’espoir, de la résistance…

Madame Hidalgo, nous vous parlons de Dheisheh-Plage, où tout est mémoire du crime originel d’Israël, le terrorisme, la naqba, l’expulsion.

Nous vous parlons de Dheisheh-Plage, l’un des plus vieux camps de réfugiés du monde, où parmi les rêves que nous racontent les enfants, il y a celui de voir un jour la mer, d’aller librement, l’an prochain, à Jérusalem.

Nous vous parlons de Dheisheh-Plage, avec tout à côté, le mur qui serpente, les miradors, les checkpoints.

Nous vous parlons de Dheisheh-Plage, cerné par le cancer des colonies.

Nous vous parlons de Dheisheh-Plage où il y a seulement deux jours, à trois heures du matin, l’armée d’occupation israélienne tentait une intrusion : cris, tirs, lacrymogènes…

Nous vous parlons de Dheisheh-Plage où rares sont les jeunes de notre âge qui ont échappé aux humiliations, à l’arbitraire, à la prison et aux tortures parfois.

Nous vous parlons de Dheisheh-Plage, l’envers exact de votre décor parisien où, paraît-il, vous tentez de produire le mirage d’une Tel Aviv de carton pâte, oubliant que derrière la plage s’enterrent les centres de commandement, de télésurveillance, de télé-bombardements d’où, à coup de joysticks, des geeks en uniforme vert écrasaient l’an passé Gaza-Plage sous un déluge de bombes.

Madame Hidalgo, vos nuits ne sont manifestement pas hantées par les ruines, par les cauchemars des enfants traumatisés. Le cadavre du petit Ali Dawabsheh et celui de son père qui vient de succomber à ses brûlures ne vous perturbent pas au point de mettre en question l’organisation de vos réjouissances minables auxquelles ne manqueront sans doute aucune des bulles de soda-crime. Tel Aviv, béton et armes, béton et larmes, et, sous la plage, la froide logique de l’apartheid.

Madame Hidalgo, s’il vous reste un peu de conscience, nous vous demandons de renoncer à l’organisation de cette opération de propagande que constitue Tel Aviv-Plage à Paris. Paris-Commune ne saurait être complice de l’occupation, de la colonisation, de l’apartheid !

Veuillez agréer, madame, l’expression de nos sentiments révoltés.