Paris, le 2 février 2015
Par cette lettre l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP) souhaite que vous acceptiez de la recevoir en audience.
Vous avez dit dans votre discours lors de la cérémonie au Mémorial de la Shoah à Paris le 27 janvier 2015 :
« La responsabilité des autorités de la République – elles sont ici présentes, toutes rassemblées – est donc de tout faire, pour que les juifs soient pleinement chez eux, en France, pour que jamais ils ne s’y sentent menacés ou isolés. Pour combattre un ennemi, il faut d’abord le connaitre et le nommer : l’antisémitisme. Il a changé de visage mais il n’a pas perdu ses racines millénaires. Certains de ses ressorts n’ont pas changé, hélas, dans la nuit des temps. C’est toujours le complot, le soupçon, la falsification (…) »
Et nous ne pouvons que vous approuver.
Mais vous avez ajouté : « mais aujourd’hui il se nourrit aussi de la haine d’Israël. » Ce qui mérite pour le moins précision.
Monsieur le Président de la République,
En effet, depuis plus d’un siècle, le projet sioniste consiste non seulement à « créer un foyer national juif » en Palestine, mais à créer progressivement les conditions de l’établissement et de la proclamation d’un État juif en Palestine, par un processus d’épuration ethnique fait suivant les périodes d’achats de terres avec expulsion de leurs occupants, de massacres et d’intimidations, de répression de tout phénomène de résistance qu’il soit non-violent ou armé, de vol des ressources en eau, etc.
Sincèrement, Monsieur le Président, quand vous comparez sur une carte ce qu’était la
Palestine en 1947 et ce qu’il en reste aujourd’hui, est-ce que cela ne vous interpelle pas ?
Non seulement cette catastrophe pour le peuple palestinien bénéficie de l’impunité de la part de ce qu’il est convenu d’appeler « la communauté internationale », mais toute solidarité avec le peuple opprimé tend à être confondue avec de l’antisémitisme. Votre déclaration risque fort d’être interprétée dans le même sens : que soit considérée comme une haine d’Israël toute lutte contre la politique israélienne et le sionisme, lutte qui serait ainsi dépolitisée, voire racialisée.
A moins que vous ayez voulu dire comme nous : pour que l’antisémitisme ne se nourrisse pas de la haine des injustices commises par Israël, il est capital que la République française les dénonce, et que par les sanctions adaptées (à commencer par la traduction des coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’Humanité devant la Cour Pénale Internationale, et la suspension de l’accord d’association entre Israël et l’Union Européenne) il soit clairement enjoint à Israël de respecter le droit international.
L’Union Juive Française pour la Paix (UJFP), porteuse d’une parole juive laïque contre toutes les discriminations, souhaite pouvoir vous faire part directement de ses analyses et propositions en matière de lutte contre toutes les formes de racisme.
Dans l’attente de votre réponse nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, à notre indéfectible attachement aux libertés d’opinion, d’expression et de conscience.
Pour Pierre Stambul et Jean-Guy Greilsamer, coprésidents de l’UJFP
Jean-Guy Greilsamer, coprésident de l’UJFP